Le contentieux entre Varsovie et Bruxelles sur le manque d’indépendance des juges polonais s’est encore alourdi mercredi avec la condamnation de la Pologne à une astreinte d’un million d’euros par jour par la justice de l’UE.
Il s’agit de l’astreinte quotidienne la plus élevée prononcée à ce jour par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), selon l’institution basée à Luxembourg.
La décision sanctionne le non respect par la Pologne d’un arrêt de la CJUE, qui avait ordonné le 14 juillet la cessation immédiate des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise.
Cet organe, mis en place dans le cadre d’une réforme controversée de la justice, est chargé de superviser les juges polonais, avec le pouvoir de lever leur immunité pour les exposer à des poursuites pénales ou de réduire leurs salaires.
« La question de l’organisation du système judiciaire relève de la compétence exclusive des Etats membres », a réagi le porte-parole du gouvernement polonais, affirmant que cette réorganisation vise un « fonctionnement efficace ». « La voie choisie des amendes et du chantage contre notre pays n’est pas la bonne », a ajouté Piotr Muller.
La décision de la CJUE confirme « les profondes préoccupations concernant le risque de préjudice grave et irréparable pour l’ordre juridique de l’Union européenne et l’Etat de droit », a commenté le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders. « Nous sommes disponibles pour engager le dialogue avec les autorités polonaises », a-t-il ajouté en annonçant qu’il se rendrait à Varsovie mi-novembre.
Abolir la chambre disciplinaire des juges
Le chef du gouvernement conservateur polonais, Mateusz Morawiecki, s’est engagé encore récemment à abolir la chambre disciplinaire des juges, dont la suppression avait déjà été annoncée en août par Varsovie mais qui continue de fonctionner.
La CJUE avait estimé en juillet que cette chambre « n’offrait pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance » et n’était « pas à l’abri d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif ».
Une sanction financière avait été réclamée à la Cour le 7 septembre par la Commission européenne au motif que « les systèmes judiciaires de l’UE doivent être indépendants et équitables ».
Selon une source européenne, l’astreinte doit s’appliquer dès mercredi, une fois la Pologne notifiée de l’ordonnance rendue par la CJUE.
Varsovie est en conflit avec Bruxelles depuis plusieurs années à propos des réformes judiciaires engagées par le parti conservateur nationaliste au pouvoir (PiS), accusées de saper le pouvoir des juges.
Des traités européens incompatibles avec la Constitution nationale
Les tensions se sont encore accrues depuis une décision le 7 octobre du Tribunal constitutionnel polonais, qui a décrété certains articles des traités européens incompatibles avec la Constitution nationale – un coup de tonnerre pour les Européens, qui y voient une attaque sans précédent contre la primauté du droit de l’UE et le respect des décisions de la Cour de Luxembourg.
Le manque d’indépendance de la justice polonaise et la primauté du droit européen ont été l’un des sujets dominants du sommet européen à la fin de la semaine dernière.
Les Vingt-Sept avaient joué la carte de l’apaisement, l’Allemagne pesant de tout son poids en faveur du dialogue avec Varsovie, tout en se réservant la possibilité de mesures de rétorsion ultérieures.
Affirmant vouloir demeurer membre de l’Union européenne, qu’elle a rejoint en 2004, la Pologne a dénoncé à plusieurs reprises « un chantage » de Bruxelles.
Le plan de relance post-Covid de la Pologne, d’un montant de 36 milliards d’euros, est actuellement gelé par la Commission, qui réclame des garanties sur l’indépendance du système judiciaire polonais.
En septembre, après une décision de la Cour de Luxembourg ordonnant la fermeture d’une mine de charbon polonaise dont les effets nocifs pour l’environnement sont dénoncés par la République tchèque voisine, Varsovie a été condamné à une astreinte quotidienne de 500.000 euros, une amende qu’elle n’a pas encore commencé à payer.
La Commission a demandé le 19 octobre, dans une lettre aux autorités polonaises, des informations sur la façon dont elles entendaient se conformer à la décision d’arrêt de la mine, sous peine de recevoir des « ordres de recouvrement » des sommes à intervalles réguliers.
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