Elles s’appellent Inès, Ornella et Sarah. Ce « commando » de femmes est suspecté d’avoir voulu faire exploser des bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Elles sont jugées à partir de ce lundi matin, devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Un attentat raté près de Notre-Dame, une traque de cinq jours et un policier de la DGSI attaqué au couteau : le procès de cinq femmes, jihadistes présumées, s’ouvre ce lundi matin devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Aujourd’hui âgées de 22 à 42 ans, ces cinq femmes prendront place dans le box trois ans après leur interpellation, en septembre 2016. Quatre encourent la perpétuité et la cinquième, 30 ans de réclusion criminelle. Une sixième femme, qui comparaît libre, est jugée pour non dénonciation de crime terroriste, un délit puni de cinq ans d’emprisonnement.
Pour Jean-Charles Brisard, spécialiste du terrorisme, cette affaire « est un basculement : c’est à partir de ce moment-là qu’on prend conscience du rôle des femmes » au sein de la nébuleuse jihadiste en France.
François Molins, alors procureur de Paris, avait appelé « un commando terroriste composé de jeunes femmes totalement réceptives à l’idéologie mortifère de Daech ».
#Terrorisme > Focus du @CAT_Centre sur la tentative d’attentat aux bonbonnes de gaz à Notre-Dame de #Paris en septembre 2016 dont le procès des protagonistes s’ouvre lundi 23 septembre à Paris devant la Cour d’assises spécialement composée https://t.co/V43ZAWfYpH pic.twitter.com/scw5a5lT6C
— CAT (@CAT_Centre) September 20, 2019
Rachid Kassim, l’inspirateur
Le grand absent de ce procès est leur inspirateur, Rachid Kassim, qui est jugé par défaut : ce propagandiste du groupe terroriste État islamique est probablement mort en Irak. Il avait déjà inspiré l’assassinat d’un policier et de sa femme à Magnanville (Yvelines) en juin de cette année-là, puis, en juillet, celui d’un prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, en Normandie.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, après avoir envoyé une vidéo de revendication à Rachid Kassim, deux des accusées, Inès Madani et Ornella Gilligmann, garent devant des restaurants près de Notre-Dame une Peugeot 607 remplie de six bonbonnes de gaz. Elles aspergent la voiture de gasoil, puis jettent une cigarette. L’explosion ne se produira pas, car ce carburant est très difficilement inflammable.
Tôt le matin de ce 4 septembre, des policiers découvrent les bonbonnes de gaz dans la voiture.
Gazole et restes de cigarettes sont également retrouvés. Les enquêteurs remontent rapidement grâce aux empreintes digitales, aux deux femmes, Inès Madani et Ornella Gilligmann.
Toutes deux étaient déjà connues des services de renseignement pour avoir tenté de se rendre en Syrie.
Selon les magistrats instructeurs, « seul un mauvais choix de carburant (…) a fait échec à leur tentative » dont le mode opératoire « augurait d’un carnage ».
JUSTICE| 3 ans après la tentative d’attentat aux bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame, l@FENVAC, partie civile, assiste au procès des 8accusés. Face à ce nouveau visage du terrorisme, l’enjeu pour la société est de sanctionner pour dissuader, comprendre pour prévenir pic.twitter.com/EMXZEyeMK2
— FENVAC (@FENVAC) September 23, 2019
Mourir en martyr
Le 6 septembre, Ornella Gilligmann est arrêtée sur une aire d’autoroute dans le sud de la France, alors qu’elle cherche à fuir avec son mari et leurs trois enfants. Inès Madani, suivant les conseils de Rachid Kassim, se rend à Boussy-Saint-Antoine, dans l’Essonne, chez une autre femme, Amel Sakaou.
Une troisième jeune femme, Sarah Hervouët, les rejoint, elle aussi guidée par le jihadiste sur des messageries cryptées.
Le 8 septembre, se sachant traquées par la police, elles quittent l’appartement armées de couteaux de cuisine.
Sur le parking, Sarah Hervouët porte un coup de couteau à un policier en civil de la DGSI qui se trouve dans une camionnette. Inès Madani est elle blessée aux jambes par un policier qui lui tire dessus.
Cette dernière aujourd’hui âgée de 22 ans, qui a fait figure de « mentor » pour les « sœurs » du jihad, sera notamment jugée pour « tentative d’assassinat sur une personne dépositaire de l’autorité publique » mais nie avoir voulu s’attaquer au policier : elle lui aurait crié « Tue-moi ! », voulant mourir en martyr.
En avril, Inès Madani a déjà été condamnée à huit ans de prison pour avoir incité des candidats au jihad à rejoindre la Syrie ou à commettre des attaques en France et en Belgique, entre mars 2015 et juin 2016. Elle est connue pour avoir incité des femmes à rejoindre Daesh, en utilisant des pseudonymes de combattants sur les réseaux sociaux. Au téléphone, elle modifiait sa voix pour passer pour un homme.
Pour son avocat Laurent Pasquet Marinacce, cette image de mentor n’est qu’une « légende », l’affaire de Notre-Dame relève « d’une émulation collective ». Selon lui, « les grands responsables, ce sont les hommes qui, en Syrie, ont tiré les ficelles ».
« La promise »
Une autre personnalité va attirer l’attention : celle de Sarah Hervouët. Cette jeune femme, 26 ans aujourd’hui, était « la promise » de Larossi Abballa, l’auteur de l’attaque de Magnanville, puis d’Adel Kermiche, un des tueurs de l’église Saint-Étienne-du-Rouvray, et enfin de Mohamed Lamine Aberouz. Ce dernier, mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Magnanville, sera lui aussi aux assises, jugé pour non dénonciation de crime terroriste.
Ce procès est une première, à plusieurs niveaux. C’est le premier dossier à être renvoyé aux assises parmi la vague d’attentats et de tentatives d’attentats jihadistes, qui a fait 251 morts en France depuis 2015. De plus, pour la première fois, l’accusation sera représentée par deux magistrats du parquet national antiterroriste, un parquet spécialisé entré en fonction le 1er juillet.
Le procès, qui se tient devant la cour d’assises spéciale, composée uniquement de magistrats professionnels, devrait se terminer le 11 octobre.
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