Préoccupés par les hausses de leurs charges et la baisse du pouvoir d’achat de leurs clients, interpellés sur les conditions de production, les fleuristes font face à de nombreux défis alors qu’approche la journée faste de la Saint-Valentin.
Faut-il offrir des roses rouges pour la fête des amoureux ? Du fond de sa boutique odorante du boulevard Voltaire, à Paris, Laure Nau esquisse un sourire : « C’est vrai qu’on essaie de mettre en avant d’autres fleurs… »
D’abord, parce que même si les soupirantes et soupirants sont « influencés par le marketing, qui voudrait que la rose rouge corresponde à l’amour », et que cette fleur représente selon Kantar plus de 60% des achats de végétaux à cette date, le début d’année n’est pas la saison des roses.
Les roses : un coût financier mais aussi environnemental
Ensuite, parce que les fleuristes doivent l’acheter au moment de la Saint-Valentin « deux à trois fois plus cher qu’en temps normal », compte tenu de la forte demande, explique la professionnelle, qui officie chez « Pétales » depuis 7 ans. Ces trois dernières années, elle a divisé par deux le nombre de roses rouges vendues pour la Saint-Valentin.
Arriver à s’approvisionner en roses en cette saison a un coût financier, mais aussi environnemental.
L’année précédente, l’émission « Sur le front » de France Télévisions avait jeté une lumière crue sur les fleurs coupées. Production de masse sur les hauts plateaux kényans ou éthiopiens, long transport frigorifique, usage immodéré des pesticides, conditions de travail difficile, faible traçabilité…
« Les fleurs françaises représentent seulement 8% des fleurs disponibles sur le territoire »
« La difficulté, c’est qu’il s’agit d’un problème largement ignoré », soupire Mathilde Bignon, co-fondatrice de Désirée Fleurs, qui travaille quasi-exclusivement avec des fleurs produites en France. « Parce que c’est coupé, on a l’impression que c’est frais et que ça vient forcément d’à côté ».
Selon l’Union nationale des Fleuristes (UNF), « les fleurs françaises représentent seulement 8% des fleurs disponibles sur le territoire », dans un pays où « la filière du végétal » (arbres, fleurs…) dans son ensemble pèse 186.000 emplois au sein de 52.000 entreprises, et quelque 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Cet organisme professionnel avait organisé en octobre des « assises » dont il était ressorti que les fleuristes qui le souhaiteraient devraient être « en mesure d’indiquer la provenance de leurs fleurs d’ici le mois de juillet 2023 ».
L’UNF insistait en outre sur le fait qu’une rose du Kenya acheminée par avion pouvait être au final « moins polluante qu’une rose hollandaise produite sous serre chauffée et éclairée ».
« C’est aux fleuristes d’éduquer les consommateurs »
Les conditions et le lieu de production des fleurs ne sont de toute façon pas toujours un sujet. « Quand on dit au client qu’il achète des fleurs de France, il va dire que c’est cool, mais ce n’est pas quelque chose qu’il va demander à la base », observe Daniella Corallo Martin, apprentie fleuriste chez Pétales.
« Ils veulent souvent bien faire et sont ouverts à d’autres propositions », rebondit Laure Nau. « C’est aux fleuristes d’éduquer les consommateurs ».
Philippe Alary, le PDG de Rosedor, une coopérative de producteurs de fleurs de Dordogne qui a développé en parallèle une activité de négociant, rappelait lors des assises de l’UNF que le critère d’achat premier est le prix, devant « un esthétisme rigoureux ».
Moins d’argent disponible du côté consommateurs
Or le prix est un critère d’autant plus important en période de forte inflation : avec la hausse des dépenses contraintes, carburant, énergie, alimentaires, il reste souvent moins d’argent disponible pour les consommateurs en quête d’un achat plaisir comme des fleurs.
« On a beaucoup travaillé au moment du Covid-19, aujourd’hui nous sommes à un niveau d’activité un peu moins élevé qu’avant l’épidémie », témoigne Laure Nau, qui fait en outre face à une augmentation importante du prix de ses fournisseurs, qui lui répercutent la forte hausse du prix de l’énergie, mais aussi des intrants ou du carburant. Elle doit compresser sa marge.
Chez Désirée Fleurs Mathilde Brignon assure que son activité ne pâtit pas du contexte, faisant l’hypothèse que ses clients, sensibles à sa démarche engagée, sont prêt à « arbitrer en sa faveur » dans leurs dépenses.
Ceux qui voudraient fêter la Saint-Valentin sans rose ont en tout cas le choix parmi les fleurs de saison, entre renoncules, anémones, œillets, giroflées ou mimosa.
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