Inversion des flux migratoires entre Mexique et États-Unis

23 novembre 2015 11:48 Mis à jour: 23 novembre 2015 09:53

Un surprenant et très sérieux rapport du Pew Research Center, rendu public mardi 17 novembre, montre que pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, au cours des huit dernières années, plus de Mexicains ont fait le choix de quitter les États-Unis que d’y entrer.

En se basant sur des statistiques officielles mexicaines aussi bien qu’américaines, ainsi que sur des entretiens multiples avec des migrants mexicains, le Pew tente d’expliquer la diminution de la population mexicaine aux États-Unis, estimée à 11,7 millions en 2014 contre 12,8 millions en 2007. Déjà dans son dernier rapport en 2012, le Pew indiquait que les flux migratoires de et vers les États-Unis s’étaient équilibrés, autant de Mexicains tentant l’entrée que choisissant la sortie.

Ceci pourrait marquer la fin de la plus grande vague migratoire de la seconde moitié du vingtième siècle : de 1965 à 2015, plus de 16 millions de Mexicains se sont installés aux États-Unis, avec une implantation tellement importante dans des États comme la Californie que l’espagnol est devenue la seconde langue officielle et que plus de 40% des habitants de la région de Los Angeles sont aujourd’hui « latinos ».

« L’époque de la migration de masse venue du Mexique est terminée », commente dans le Wall Street Journal Pia Orrenius, économiste spécialiste de l’immigration à la Federal Reserve Bank de Dallas. « Une natalité déclinante au Mexique, à laquelle s’ajoute une économie stable et une plus grande sécurité publique ont servi de déclencheurs. »

« C’est un phénomène que nous avons vu arriver », ajoute Mark Hugo Lopez, directeur de la recherche hispanique au Pew, cité par le Latin Huffington Post : « Cela fait presque dix ans que l’immigration mexicaine diminue fortement ».

Les raisons du retour au pays

Les auteurs du rapport proposent une série d’explications à cette tendance, la première venant de l’analyse de données générées en 2014 par l’Institut national mexicain des Statistiques et de la Géographie : dans un questionnaire adressé aux Mexicains sur leur lieu de résidence, 61% de ceux qui ont dit être revenus au Mexique après avoir vécu aux États-Unis ont dit l’avoir fait, soit pour rejoindre leur famille, soit pour en fonder une. Les 39% restant expliquent leur retour par le fait d’avoir été reconduits aux frontières suite à des opérations anti-immigration ou avoir pensé pouvoir trouver un travail au Mexique.

Ces statistiques déclaratives doivent probablement être modulées par d’autres éléments dont l’importance n’apparaît que peu reflétée. En particulier, le faible nombre d’emplois peu qualifiés disponibles aux États-Unis depuis la récession de 2007 pourrait avoir joué un rôle important dans cette réversion des flux migratoires : « Ce n’est pas comme si, soudainement, ils décidaient que leur mère leur manque », dit Dowell Myers, professeur à l’université de South California, au HuffPost latino Voice. « La réalité est que nous nous sommes très mal remis de la grande récession et que cela a eu un impact sur tout le monde. »

« L’époque de la migration de masse venue du Mexique est terminée ».Pia Orrenius, économiste

Dans le même temps, avec le vieillissement de la population mexicaine, la compétition pour l’accès à l’emploi et au logement devient au Mexique moins rude qu’elle ne le fut dans les années 90, quand les baby-boomers des années 70 se sont retrouvés en même temps sur un marché du travail quasi-inexistant hors l’agriculture, et n’ont eu d’autre choix que de chercher un emploi aux États-Unis.

Aujourd’hui, la stabilité de la monnaie mexicaine et le développement industriel au Nord du pays – stimulé par l’accord de libre-échange Amérique du Nord (North American Free Trade Agreement) font que 47% des Mexicains pensent qu’ils peuvent avoir accès à une aussi bonne qualité de vie dans leur pays qu’aux États-Unis, et ce malgré la corruption et la guerre sanglante entre armée et narcotrafiquants.

Dernier point, depuis le milieu des années 2000 sous l’administration Bush, le contrôle de la frontière entre États-Unis et Mexique s’est drastiquement renforcé, avec l’installation de plusieurs milliers de kilomètres de quadruples rangées de barbelés pour empêcher l’immigration clandestine. Les opérations commando contre le travail clandestin et les déportations médiatiques vers les pays d’origine, Mexique en premier lieu, ont cassé l’image d’eldorado du bien-être social.

Le débat politique

Cette manière forte et visible d’agir est un vrai fond de commerce pour les candidats aux primaires républicaines et ont rythmé leurs récents débat télévisés. Les données du rapport publié par le Pew Research Center prennent quelque peu à contrepied certaines de positions exprimées, qui devraient se retrouver dans les grands sujets de la future campagne présidentielle aux États-Unis : le milliardaire Donald Trump, partisan des actions simples et tranchées pense par exemple, s’il est élu, pouvoir exiger que le Mexique finance la construction d’un « beau et gros mur », une frontière entièrement hermétique sur plus de 2 500 kilomètres, et faire déporter 11 millions d’immigrants illégaux.

« Le problème avec ce rapport est qu’il va être utilisé pour dire qu’il n’y a plus de problème de frontière, que les Républicains sont des idiots et que le sujet n’existe plus », s’agace Mark Krikorian, directeur du Centre américain d’Étude de l’Immigration, cité par le Los Angeles Times. « Mais se focaliser étroitement sur notre frontière Sud est insuffisant ». Le rapport ne fait effectivement le point que sur l’immigration mexicaine, celle-ci étant de plus en plus complétée par l’augmentation du nombre de migrants venus d’Amérique Centrale. Deux vagues massives d’immigration chinoise et indienne – et qui ne passent pas par la frontière Sud des États-Unis, complètent le panorama 2015 des flux migratoires américains.

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