Appels à manifester qui se multiplient, invectives politiciennes sans fin… Le conflit entre Israël et le Hamas est un sujet explosif en France, pays qui accueille les plus importantes communautés juive et arabo-musulmane d’Europe.
Dernière polémique en date, le voyage de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet en Israël, où elle a affirmé dimanche que « rien ne doit empêcher » le pays « de se défendre » dans la guerre face au Hamas.
La réaction cinglante du leader de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, accusant Mme Braun-Pivet de « camper à Tel-Aviv pour encourager le massacre » à Gaza, n’a pas manqué de provoquer à son tour l’indignation de tous bords.
Cela revient à « désigner les Juifs comme le parti de l’étranger et de la guerre », s’est insurgé le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi, quand le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez évoquait « la collaboration, 80 ans plus tard ». Jean-Luc Mélenchon récuse quant à lui toute accusation d’antisémitisme, dénonçant une « police des mots ».
De profondes divisions
Déjà, le refus de LFI de qualifier le Hamas d’organisation « terroriste » après les attaques sanglantes du 7 octobre en Israël – plus de 1400 personnes massacrées, essentiellement des civils, selon les derniers chiffres des autorités israéliennes, qui ont identifié plus de 200 otages –, avait révélé de profondes divisions au sein de la coalition de la gauche avec les socialistes et les Verts.
Si le sujet déchaîne plus qu’ailleurs les passions, c’est d’abord parce que le pays compte les plus importantes communautés juive (500.000 personnes) et musulmane (environ six millions de tradition ou de confession) d’Europe. Au moins trente Français ont été tués dans l’attaque du Hamas, inédite par sa violence et son ampleur depuis la création de l’État d’Israël en 1948, selon un nouveau bilan de la présidence.
Les controverses actuelles « montrent à quel point le débat est inflammable en France, même parmi les ‘‘experts’’, il y a beaucoup de partis pris et il est très difficile de garder une neutralité objective », souligne Jean Garrigues, professeur d’histoire politique à l’université d’Orléans.
Il rappelle l’importance de la question de la « repentance ». Elle concerne certains partisans de la cause palestinienne, en partie liée à la colonisation du Maghreb, dont est issue une grande partie de la population musulmane en France. Mais aussi des soutiens de la communauté juive, en raison « du passé collaborationniste et de la participation de l’État français pétainiste à la solution finale » durant la Shoah.
« La résonance du conflit israélo-palestinien en France dépasse largement l’appartenance communautaire », abonde Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), soulignant que « les mobilisations ont historiquement été déclenchées par des acteurs très variés ». Dans le cas des pro-Palestiniens, cela va de la solidarité dite « pan-arabe », aux gaullistes soucieux de se rapprocher du monde arabe après la guerre d’Algérie, en passant par les réseaux catholiques.
De nombreux rassemblements
Le conflit au Moyen-Orient reste en France, sur le plan international, « le seul sujet capable de mettre des dizaines de milliers de personnes dans la rue », contrairement à la guerre en Ukraine par exemple, note M. Hecker.
Des milliers de personnes se sont rassemblées un peu partout en France le week-end dernier en soutien au peuple palestinien, alors que plus de 5000 Palestiniens (chiffres non vérifiés), majoritairement des civils, ont été tués depuis le début des bombardements incessants menés par l’armée israélienne sur la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas. Ils étaient 15.000, criant « Israël assassin, Macron complice » selon les forces de l’ordre, bien loin toutefois des 100.000 personnes recensées par la police à Londres la veille.
Les manifestations se sont déroulées dans le calme mais par le passé, le pays a connu des vagues de violences et d’actes antisémites lors des offensives militaires israéliennes de 2009 et 2014 sur Gaza, ou de la deuxième intifada, en 2000.
Le politologue Philippe Raynaud juge préoccupant la manière dont la gauche radicale « met de l’huile sur le feu ». La classe politique française a toujours été divisée sur la question, mais « il y a un calcul très électoraliste de la part de Jean-Luc Mélenchon qui pense ainsi s’attirer les faveurs de la communauté musulmane et des banlieues », à tort ou à raison, ajoute-t-il. Le Rassemblement national affirme qu’il « protège » les Français de confession juive, cherchant à récuser des accusations d’antisémitisme qui collent à son image.
Dans ce contexte électrique, le Président Emmanuel Macron, qui s’est rendu mardi en Israël puis en Cisjordanie occupée, se trouve dans une « position d’équilibriste très inconfortable », relève Marc Hecker. D’un côté « il y a une volonté d’afficher une forte solidarité avec Israël, qui peut être perçue comme un parti pris » par les pro-Palestiniens. De l’autre, « il tente de faire entendre la voix traditionnelle de la France, soucieuse de protéger les populations civiles, de relancer le processus de paix », et d’apaiser les tensions dans son pays.
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