Les Israéliens doivent élire mardi leur Parlement et décider si Benjamin Netanyahu, figure dominante au point de paraître imbattable, reste le meilleur garant de leur sécurité et de leur prospérité, ou si son long règne entaché du soupçon de corruption a trop duré.
Les plus de six millions d’Israéliens invités à se rendre aux urnes ne choisissent pas directement leur Premier ministre, qui sera issu de la majorité parlementaire. Mais le scrutin qui s’ouvre à 07H00 locales (04H00 GMT) a toutes les allures d’un référendum pour ou contre « Bibi », surnom sous lequel le connaissent tous ses compatriotes.
Et l’issue du vote s’annonce incertaine. M. Netanyahu, 69 ans, dont plus de 13 années passées au pouvoir à mener les opérations militaires de son pays et à parler d’égal à égal aux grands de ce monde, est engagé dans une bataille indécise pour un cinquième mandat avec un novice en politique, le général Benny Gantz.
Jusqu’au bout d’une campagne acrimonieuse, les sondages ont placé le Likoud, son parti de droite, au coude-à-coude avec la liste centriste Bleu-blanc de M. Gantz. Mais, avec une trentaine de sièges prédits à chacun, l’un et l’autre restent loin de la majorité absolue (61 sur 120) et devront s’allier à d’autres formations pour gouverner.
A ce jeu, les projections sont plus favorables à M. Netanyahu. Chef d’une coalition gouvernementale réputée la plus à droite de l’histoire d’Israël, il pourrait rempiler à la tête d’une coalition encore davantage « droitisée ». Les experts mettent toutefois en garde, invoquant la part considérable des indécis. Ils citent aussi le risque que certaines listes supposées s’allier au Likoud ne franchissent pas le seuil de 3,25% des voix requis pour être représentées à la Knesset.
« A première vue, le Likoud a une majorité », dit Gideon Rahat, professeur de sciences politiques, « mais cela peut changer parce que les sondages ne disent pas vraiment quel parti passera ce seuil ». La victoire semblait assurée quand, en décembre, M. Netanyahu a provoqué ces élections anticipées avant l’échéance de novembre 2019. Une manœuvre de plus de la part de cet homme réputé maître stratège, afin de se draper dans la légitimité d’une victoire électorale face aux menaces d’inculpation, jugent beaucoup.
Depuis, il a vu émerger un sérieux concurrent en la personne de M. Gantz. Et, en février, le procureur général a annoncé son intention d’inculper M. Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires de dons reçus de la part de milliardaires, d’échanges de bons procédés entre gouvernants et patrons, et de tentatives de collusion avec la presse. L’une des grandes questions est de savoir si la suspicion et l’autoritarisme associés à son nom prendront le dessus sur ses réussites diplomatiques, la stabilité militaire aux frontières ces dernières années et la croissance économique. Rien n’est moins sûr.
Face à M. Netanyahu, « les Israéliens sont comme les fumeurs qui voudraient vraiment arrêter, mais qui croient ne pas pouvoir fonctionner sans leur dose constante de nicotine », résume le quotidien Haaretz. M. Gantz, fort de ses états de service d’ancien parachutiste et chef d’état-major (2011-2015) propose une poigne de fer pour la défense du pays, une vision libérale sur les questions de société, et surtout, une alternative réconciliant les Israéliens entre eux après des années de division.
Confronté à M. Netanyahu, parfois surnommé « King Bibi », M. Gantz assure: « Aucun dirigeant israélien n’est roi ». « Le moment est venu pour lui de quitter son poste avec dignité ». M. Netanyahu et le Likoud ont riposté par un feu roulant d’attaques personnelles contre ses adversaires, sur le thème « Netanyahu contre les autres », malgré les différences de programme peu perceptibles sur le conflit avec les Palestiniens, l’Iran ou le Golan syrien.
« Ce qui compte, c’est celui qui dirige, le navigateur diplomatique », disait M. Netanyahu vendredi au quotidien Israel Hayom. « Je me bats contre les plus grands ennemis d’Israël. Pas eux ». Donnant un sérieux coup de barre à droite, il n’a pas rechigné à une manœuvre qui pourrait faire entrer au parlement le représentant d’un parti décrié comme raciste. Sans hésiter non plus à heurter l’importante communauté arabe, avec une nouvelle tirade sur Israël, nation « uniquement du peuple juif ».
Samedi soir, dans ce qui semble un ultime appel du pied à l’électorat de droite, il a assuré prévoir l’annexion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée en cas de réélection, ce qui sonnerait le glas de la solution dite « à deux Etats », c’est-à-dire la création d’un Etat palestinien coexistant avec Israël. Parallèlement, face à l’inexpérience en diplomatie de ses adversaires, il a aligné les signaux positifs venus de l’étranger, de la reconnaissance par le président Donald Trump d’une souveraineté israélienne sur la partie du Golan syrien annexée par Israël, au rapatriement des restes mortels d’un soldat israélien disparu depuis la guerre du Liban en 1982, avec l’aide de la Russie.
Mais, au bout du compte, la campagne n’a guère changé l’équilibre des blocs, estime Abraham Diskin, professeur de sciences politiques. De nombreux scénarios sont possibles et, « quels que soient les résultats, former une coalition n’aura probablement jamais été aussi compliqué depuis 1961 », avance M. Diskin, faisant référence aux mois nécessaires à David Ben Gourion pour constituer un gouvernement. Ce même Ben Gourion, père fondateur de l’Etat d’Israël, dont M. Netanyahu pourrait battre le record de longévité en juillet en cas de réélection.
D.C avec AFP
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