Le Japon a célébré dimanche le 50e anniversaire de la rétrocession de l’archipel d’Okinawa, occupé par les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, mais le mécontentement y reste vif contre une présence militaire américaine toujours importante, sur fond de tensions régionales croissantes.
Si l’occupation américaine au Japon a pris fin en 1952, il avait fallu attendre vingt années supplémentaires pour que les îles d’Okinawa (sud-ouest), théâtre d’avril à juin 1945 d’une sanglante bataille, reviennent dans le giron nippon.
En toile de fond des cérémonies de dimanche en présence du Premier ministre Fumio Kishida, se sont invitées l’hostilité de longue date de la population locale aux bases américaines sur leur sol et la menace d’une confrontation militaire impliquant la Chine.
55.000 militaires américains présents au Japon
Ce cinquantenaire a déjà été marqué par des protestations d’habitants d’Okinawa et leurs soutiens, critiquant vivement les bases américaines sur ces îles qui accueillent la majorité des 55.000 militaires américains présents au Japon.
Le gouverneur d’Okinawa Denny Tamaki a évoqué lui-même un « fardeau excessif », tandis que M. Kishida a dit que son gouvernement prenait « ce fait au sérieux et continuerait de faire un effort maximal pour réduire cette charge ».
« Je ne suis pas du tout d’humeur à fêter » l’anniversaire, a déclaré cette semaine à l’AFP Jinshiro Motoyama, un étudiant doctorant de 30 ans, natif d’Okinawa, qui s’astreignait à une grève de la faim devant un bâtiment gouvernemental à Tokyo.
Okinawa possède 70% des bases militaires américaines au Japon. Sur un territoire de 0,6% du territoire national.
Le département d’Okinawa ne représente que 0,6% de la superficie du Japon, mais plus de 70% de la surface totale des installations militaires américaines dans le pays se trouvent sur son sol.
Le ressentiment contre les bases y est alimenté de longue date par de multiples incidents: pollution sonore et environnementale, crashs d’hélicoptères, et agressions sexuelles, dont le viol collectif d’une fillette de 12 ans par des militaires américains en 1995.
Projet de transfert de la base aérienne de Futenma
« Nous ne pourrons célébrer que quand la question des bases américaines aura été réglée d’une manière satisfaisante pour les habitants d’Okinawa », a estimé M. Motoyama.
La colère des habitants est cristallisée par le projet de transfert de la base aérienne de Futenma, surnommée la « base la plus dangereuse du monde » à cause de sa présence dans une zone résidentielle de l’île principale d’Okinawa, vers Henoko, un lieu moins densément peuplé plus au nord.
Beaucoup préféreraient que la base soit relocalisée ailleurs au Japon, et plus de 70% des participants à un référendum local en 2019 se sont prononcés contre le transfert à Henoko.
Par ailleurs, selon un sondage national publié ce mois-ci par la chaîne de télévision publique NHK, 80% de la population nippone voit d’un mauvais œil la présence américaine concentrée à Okinawa.
La construction de la nouvelle base se poursuit malgré tout, le gouvernement assurant qu’il s’agit de la « seule solution possible » pour résoudre la question de Futenma tout en maintenant la présence dissuasive des Etats-Unis dans le cadre de son alliance stratégique avec le Japon.
Bases stratégiques face à la Chine
Les inquiétudes devant les ambitions territoriales croissantes de la Chine seront au menu de la visite du président américain Joe Biden au Japon, prévue à la fin du mois.
Dans un message publié dimanche, M. Biden a estimé que la rétrocession d’Okinawa avait « représenté la fin d’un chapitre » dans les relations américano-japonaises et « le début d’un autre ». Aujourd’hui, « notre alliance est plus forte qu’elle n’a jamais été », a-t-il dit.
L’importante activité militaire chinoise dans la région rend la présence militaire américaine à Okinawa d’autant plus stratégique, faisant craindre aux habitants de se retrouver au cœur d’un éventuel conflit.
Okinawa, dont la présence militaire américaine ne représente que 5% des revenus annuels, est par ailleurs le département japonais le plus pauvre, avec un taux de pauvreté des enfants approchant les 30%, soit plus du double de la moyenne nationale.
Des élus locaux affirment que le transfert de certaines bases militaires hors d’Okinawa permettrait de libérer de l’espace pour des activités qui pourraient accroître les revenus en attirant par exemple davantage de touristes.
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