OPINION

«Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait chez nous, à la campagne, ces changements de visions de l’automobile», assure le président des Rétros du Plateau

juillet 19, 2023 12:57, Last Updated: juillet 19, 2023 12:57
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ENTRETIEN – Passionné d’automobile et président de l’association Les Rétros du Plateau, Lucien Roussel revient sur l’histoire du club qu’il préside depuis quatre ans, sur l’avenir de la voiture et donne son point de vue sur l’évolution des politiques de sécurité routière.

Julian Herrero : Monsieur Roussel, vous êtes président de l’association Les Rétros du Plateau, faisant référence au plateau du Neubourg dans le département de l’Eure en Normandie. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’histoire de cette association, son rôle, ses missions et objectifs ?

Lucien Roussel : Je suis le troisième président des Rétros du Plateau. L’association a été créée par un ami, Germain Babey, il y a une quinzaine d’années. À l’époque, nous ressentions le besoin de fonder une association de ce type. Il y avait un engouement des habitants du plateau du Neubourg pour la restauration et la collection de vieilles voitures. Les Rétros du Plateau est une organisation très active. Nous organisons chaque année, au mois d’avril, une grande manifestation d’une durée de deux jours au Neubourg, réunissant nos membres et des visiteurs ayant tous deux la possibilité d’exposer leurs véhicules de collection. Vous pouvez y trouver des voitures de collection pour tous les goûts : anciennes japonaises, allemandes, italiennes et françaises. Il y a même un espace dédié aux anciennes américaines, notamment aux Ford Mustang et aux Chevrolet Camaro des années 1960. Dans cet espace américain, il y a également la possibilité d’acheter des accessoires de la culture pop d’outre-Atlantique : des chapeaux Stetson, des panneaux Coca Cola pour ne citer que ces objets. Cette grande manifestation est aussi l’occasion pour les spécialistes de l’automobile de mettre en avant leur savoir-faire en matière de restauration ou de pièces détachées. Cet événement draine toujours énormément de monde. Il y avait cette année plus 1200 exposants et nous avons accueilli sur deux jours entre 12 et 15 000 personnes. Nos membres et des visiteurs peuvent également se retrouver pour échanger sur leur passion commune lors de nos expositions mensuelles qui ont lieu tous les premiers dimanches de chaque mois. J’avoue être fier de notre club. Il s’est très bien développé et compte à l’heure actuelle plus de 150 membres. Plein de beaux projets sont prévus, on a récemment élargi nos manifestations aux camions, motos et tracteurs, et ce n’est pas fini !

Votre association témoigne de la passion, voire de l’affection que peuvent encore avoir beaucoup de Français pour l’automobile. Pourtant, la vision que les gens et notamment les jeunes ont de la voiture a évolué. Dans les années 1960-1970, l’obtention du permis de conduire était alors perçue comme le gain d’un sésame mais aussi un rite de passage vers l’âge adulte. La voiture était synonyme de liberté. Aujourd’hui les jeunes sont de moins en moins enclins à passer l’examen. Selon un dernier bilan du ministère de l’Intérieur, 726 000 jeunes ont eu leur permis en 2019 contre 766 000 en 2017, et cette tendance dure depuis 10 ans. On note aussi qu’ils optent pour des moyens de transports alternatifs et semblent rattacher davantage la voiture à la pollution qu’à la liberté. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Quel avenir envisagez-vous pour l’automobile avec ces changements de vision et d’usage ?

Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait chez nous, à la campagne, ces changements de visions de l’automobile. Il n’y a pas de la part des jeunes vivant en milieu rural un désintérêt pour l’automobile. Bien au contraire. Nous constatons que nos manifestations peuvent compter sur la présence de nombreux jeunes exposants. Ils viennent avec leur mobylette, moto et bien entendu leur voiture. Ils sont très attachés aux voitures de collection, tout particulièrement à la fameuse Renault 5. Nos évènements leur rappellent sans doute une partie de leur enfance. Il est en outre fort possible que dans les milieux urbains, la vision de l’automobile ait changé. Les citadins bénéficient d’une offre de transports variée. Je pense notamment aux transports en commun et aux VTC. Parfois, ils refusent aussi d’utiliser la voiture par conviction écologique, mais ils peuvent se permettre d’avoir ces convictions grâce aux transports alternatifs.

Pour toutes ces raisons, ils se désintéressent de la voiture et ne pensent plus à passer l’examen du permis de conduire. Je connais effectivement des citadins dans mon entourage, qui n’ont toujours pas leur permis de conduire alors qu’ils ont entre 25 et 30 ans. L’automobile a certainement un avenir plus radieux dans les milieux ruraux que dans les villes.

Le gouvernement envisage d’abaisser l’âge minimum pour passer le permis de conduire à 17 ans. Est-ce une bonne solution ?

Je ne suis pas nécessairement opposé à cette mesure, à condition que le candidat à l’examen du permis de conduire ait bien conscience qu’il a entre ses mains un engin assez dangereux, capable de tuer si on ne le maîtrise pas. Tout est une question de maturité. Il faut savoir adapter sa vitesse en fonction du danger, et ça, c’est la réflexion de chacun. Je pense qu’à l’âge de 17 ans, on est assez mature pour conduire un véhicule quatre roues. Je l’étais. J’ai commencé à conduire des tracteurs et transporté des grosses charges à l’âge de 16 ans, mais on m’avait bien fait comprendre qu’il fallait être prudent et bien respecter le code de la route, freiner en avance, savoir ralentir à un carrefour. Les jeunes ne le font pas systématiquement de nos jours.

En 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe a mis en œuvre l’abaissement à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur le réseau bidirectionnel sans séparateur central au nom de la lutte contre la mortalité routière. En tant que président des Rétros du Plateau, comment avez-vous accueilli cette mesure à l’époque ? Bien que l’enjeu de sauver des vies humaines soit tout à fait respectable, on a aussi pointé à l’époque une emprise un peu trop forte de la technocratie parisienne sur la sécurité routière ; comment voyez-vous cette problématique ?

Je n’étais pas contre l’abaissement à 80 km/h à l’époque parce qu’il y avait très sincèrement des fous au volant, qui risquaient leur vie mais, surtout celle des autres. Le problème des 80 km/h c’est que ce n’est pas approprié partout. Je peux comprendre la mise en place de cette limitation de vitesse dans certains endroits : les routes dangereuses, abîmées, où la mortalité routière est importante, mais il y a des portions de routes moins dangereuses où les 80 km/h ne sont pas nécessaires et deviennent pénalisants. Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’à certains endroits, on cherche à pénaliser celui qui respecte le code de la route. Cet abaissement à 80 km/h a aussi engendré un phénomène de surlimitation de vitesse avec de plus en plus de portions limitées à 50 voire à 30 km/h. Je ne suis pas à l’aise avec ces excès de restrictions qui émanent effectivement de décideurs franciliens. Ces personnes ne se rendent pas compte des politiques qu’ils mettent en œuvre parce qu’ils ne les subissent pas.

Les Rétros du Plateau regroupent non seulement des passionnés de voiture mais aussi de deux-roues. Le gouvernement a récemment annoncé vouloir mettre en œuvre progressivement le contrôle technique obligatoire des deux-roues « début 2024 ». Plusieurs moto-clubs dénoncent un délai trop court et l’inutilité de la mesure. Sur 715 accidents mortels impliquant des conducteurs de scooters ou de motos en 2022, seul 1% était lié à un mauvais entretien. Que pensez-vous de cette nouvelle obligation ?

 Je ne suis pas favorable à ce nouveau contrôle technique. C’est un peu comme pour l’automobile, on impose. On impose en permanence aux gens. Je constate par ailleurs, en lisant la presse, que les accidents les plus graves impliquent très souvent des véhicules récents. Le vrai sujet pour moi, c’est l’appréciation des distances et donc de la vitesse. Adapter sa vitesse en fonction de l’environnement qui se présente à nous : virages dangereux que l’on ne connaît pas, descentes etc… En résumé, être prudent. Le fait de mettre en place un contrôle technique pour les deux-roues va encore coûter cher et n’arrangera pas le problème des accidents impliquant les conducteurs de scooters ou de motos. On nous dit qu’il devrait coûter une cinquantaine d’euros. Je rappelle qu’au départ, le contrôle technique d’une voiture, c’était l’équivalent de 20 €, aujourd’hui, nous sommes à 80, 90 €. Combien coûtera le contrôle technique des deux-roues dans quelques années ?

 Selon nos informations, la France comptera d’ici la fin de l’année 5600 radars automatiques.  Derrière le discours officiel du sauvetage de vies humaines, beaucoup de français critiquent aussi une volonté de l’État de « remplir les caisses », une dérive liberticide de l’État français mais aussi une forme de paternalisme. Quel est votre avis ?

Je ne suis pas opposé à l’apparition des radars dans des endroits accidentogènes, mais aujourd’hui, on arrive à un excès.  Il y a de très belles routes sur lesquelles on ne peut rouler à plus de 50 km/h. On se demande pourquoi. Il y a aussi effectivement cette volonté de remplir les caisses de l’État. Quand il y a un trou dans le budget, on règle les radars de manière à ce qu’ils flashent l’automobiliste quand il roule à trois km/h au-dessus de la limitation. Je crois que le radar ne doit pas être utilisé par l’État comme un outil pour faire rentrer de l’argent facilement, ce n’est pas sain pour nos libertés. Il ne faudrait pas que les automobilistes craignent de prendre le volant à cause de ces machines.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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