ENTRETIEN – L’enquête sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 par le gouvernement a été clôturée par la Cour de justice de la République (CJR), a annoncé lundi le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz. Aucune mise en examen prononcée contre l’ex-Premier ministre Édouard Philippe, l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, et son successeur Olivier Véran. Très actif contre les mesures sanitaires tout au long de la crise Covid, Jean-Frédéric Poisson, président de Via – la voie du peuple, déplore une décision « inique », mais attendue, et plaide pour une commission d’enquête parlementaire à l’image de celle créée aux États-Unis. À ses yeux, la responsabilité des autorités politiques et sanitaires, mais aussi des médias lors de la période Covid, doit être examinée.
Epoch Times : Quelle analyse faite-vous de la décision de la CJR ?
Jean-Frédéric Poisson : Cette décision de la Cour de justice de la République ne me surprend guère, bien qu’elle soit indéniablement injuste. Elle ne me surprend pas parce que, tout au long de cette crise sanitaire, les autorités — qu’elles soient scientifiques, médicales ou politiques — n’ont poursuivi qu’un seul objectif : se protéger.
Elles ont d’abord dissimulé leur imprévoyance, puis leur incompétence, avant de cacher leurs propres intérêts, derrière des mensonges. Aujourd’hui, elles continuent à se protéger derrière une décision judiciaire inique pour les Français, alors même que la responsabilité notamment des ministres de la Santé dans cette gestion chaotique est immense.
Cette affaire relance une fois de plus le débat sur la « judiciarisation de la vie politique ». Dans La Croix, Olivier Beaud, professeur de droit public, affirme que « les ministres doivent évidemment rendre des comptes, mais devant le Parlement, et non devant les juges. » Selon vous, il est néanmoins légitime que des responsables politiques puissent, en cas de faute avérée, être tenus de répondre de leurs actes devant la justice.
Rendre des comptes devant le Parlement est une évidence inscrite dans la Constitution. Le Parlement a pour mission de contrôler l’action du gouvernement, ce qui signifie que le gouvernement est soumis à ce contrôle pendant qu’il agit. Mais indépendamment de cela, lorsque des fautes sont commises même dans un cadre politique, il est naturel que leurs auteurs rendent des comptes devant la justice.
Si on pouvait accorder une certaine indulgence aux responsables politiques pour les trois premiers mois de la crise sanitaire, car ils étaient confrontés à l’inconnu, au-delà de cette période, non.
Dès que nous avons su que le confinement généralisé était inutile, nous aurions dû adopter une approche plus ciblée : isoler les malades et les personnes à risque, les accompagner avec le soutien des tissus associatifs solides en France, tout en permettant aux autres de continuer à vivre normalement. Cela aurait évité ne serait-ce que de générer des montagnes de dettes qui, encore aujourd’hui, nous accablent.
Tout cela était clair dès les trois premiers mois de la crise sanitaire. Alors pourquoi avoir choisi une ligne d’action si déraisonnable, si mensongère, qu’il a fallu multiplier les stratagèmes pour la faire accepter aux Français ?
Durant cette crise sans précédent, les responsables politiques se sont en permanence réfugiés derrière l’absence de débats contradictoires, le rejet des évidences, mais aussi le mensonge perpétuel. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas prétendre ne pas savoir qu’ils ne commettaient pas de fautes. Et quand bien même, si ne pas savoir peut ne pas constituer une faute, être responsable de sa propre ignorance, en revanche, ça, c’est une faute qui engage votre responsabilité.
En Allemagne, les RKI-files ont révélé que bien des décisions politiques étaient parfois mises en œuvre malgré une absence de fondement scientifique, parfois contre l’avis même des experts. Selon vous, faudrait-il créer une commission d’enquête parlementaire, à l’instar des États-Unis, pour faire toute la lumière sur les coulisses de la gestion de cette crise sanitaire ?
Il est indispensable que chacune des deux chambres du Parlement français diligente des commissions d’enquête pour examiner les différents aspects de la gestion de la crise sanitaire. Une commission d’enquête devrait se pencher sur le traitement scientifique, en particulier, et une autre sur les rouages institutionnels, afin de comprendre ce qui a dysfonctionné pendant cette période.
Autant je peux comprendre qu’en cas de menace terroriste ou de guerre imminente, le Conseil de défense se réunisse sans ordre du jour ni compte rendu, pour préserver des secrets indispensables et éviter de renseigner nos ennemis. Cela est légitime. Le président de la République a le droit de s’entourer des conseillers qu’il choisit pour prendre des décisions.
Cependant, une telle opacité n’a pas sa place dans la gestion d’une crise sanitaire. Le « nous sommes en guerre » d’Emmanuel Macron était une formule déplacée. Un virus ne déploie pas de stratégie, ne brouille pas nos émetteurs et ne bombarde pas notre territoire. Les Français avaient besoin de comprendre la situation, les mesures envisagées, et ce qui fonctionnait ou non.
Le déficit d’information, provoqué par une gestion hyper-centralisée et personnalisée, a contribué au désastre. Combien de décès auraient pu être évités ? Combien de jeunes ont vu leur santé mentale durablement affectée ? Combien d’années de vie étudiante ont été gâchées ? Et que dire des montagnes de dettes accumulées ? Le bilan de la gestion de la crise Covid est une véritable catastrophe. Une commission d’enquête serait donc non seulement justifiée, mais nécessaire.
Il faut également éclaircir l’instrumentalisation du Conseil scientifique. Jean-François Delfraissy, qui présidait le Conseil scientifique et est aujourd’hui président du Comité consultatif national d’éthique, a lui-même admis que ses recommandations n’étaient jamais suivies et que la gestion de la crise sur le plan médical était une catastrophe. Pourquoi n’a-t-il alors rien dit ? Pourquoi n’a-t-il pas alerté ? La responsabilité de cet homme est clairement engagée. Son rôle était de prévenir, de dire « attention ». Pourtant, on ne l’a jamais entendu le faire. Une telle défaillance mérite d’être examinée et jugée.
En d’autres termes, vous dites que le silence peut être considéré comme une forme de complicité si une personne, par son inaction, contribue sciemment à la réalisation d’un acte illégal, notamment si elle avait le pouvoir d’intervenir.
Tout à fait. Les autorités politiques ont affirmé agir selon des avis scientifiques qui, dans les faits, disaient autre chose ou étaient ignorés. Les membres du Conseil scientifique, conscients de la manipulation de leurs recommandations, du fait qu’on les faisait mentir publiquement, ont toutefois gardé le silence. Ce silence est lourd de conséquences. Il cautionne, par inaction, des politiques qu’ils n’avaient pas validées.
Delfraissy voyant le désastre, s’est désolidarisé après la présidentielle en déclarant qu’il n’y était, somme toute, pour rien. Mais ce genre de déclaration aurait dû venir bien plus tôt. C’était son devoir, par sa fonction, de signaler ces dérives au moment où elles se produisaient, pas après coup. Si une telle situation vous arrivait à titre personnel, seriez-vous resté impassible ? Si l’on utilisait votre parole pour justifier des actions contraires à vos recommandations, n’auriez-vous pas protesté immédiatement ? C’est pourquoi une commission d’enquête est nécessaire.
Également, il faut examiner les conflits d’intérêts innombrables qui ont émaillé cette gestion de crise. Combien de « médecins de plateau » se sont-ils succédé sur nos écrans pour vanter un vaccin présenté comme miraculeux, tout en ignorant – ou feignant d’ignorer – des données inquiétantes ?
Par exemple, au printemps 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament annonçait 13 décès potentiellement liés à l’administration du vaccin. Pourquoi cette information n’a-t-elle pas été relayée avec la même urgence qu’une alerte sanitaire liée à une intoxication alimentaire ?
S’il faut une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur ces décisions, soyons honnêtes : beaucoup ont intérêt à ce que tout cela reste enfoui.
En démocratie, les médias ont le rôle de révéler et mettre en lumière les scandales que d’aucuns chercheraient à maintenir « enfouis ». Censée jouer un rôle de contre-pouvoir en surveillant les actions des responsables publics et en alertant en cas de dérives, la presse est régulièrement accusée d’avoir manqué à ce devoir tout au long de la crise Covid. À vos yeux, la question de leur responsabilité devrait-elle également être examinée ?
Bien sûr. D’ailleurs, en novembre, l’un de vos confrères a livré une confession troublante sur le plateau de télévision de CNews, déclarant que les journalistes savaient très bien que le vaccin n’empêchait pas la transmission, mais qu’« on a été interdit de le dire ». Une conception du journalisme qui, je dois le dire, me laisse perplexe…
Le rôle du journaliste est d’aller débusquer ce que l’on ne voit pas, de révéler ce que l’on n’entend pas, de dévoiler ce qui est étouffé et d’expliquer ce qui est complexe. Voilà ce qui, à mon sens, définit la mission, ou plutôt la vocation, de la presse. Et pourtant, ces mêmes journalistes, si souvent prompts à déployer leur talent avec gourmandise lorsqu’il s’agit de sujets sociétaux ou politiques, ont renoncé à ce devoir essentiel lors de la crise Covid. Comment ne pas s’en étonner ?
Vous avez été interdit de dire la vérité durant la crise sanitaire… Mais qui vous l’a interdit ? Quelle justification vous a-t-on donnée ? Et surtout, pourquoi avoir obéi à cette injonction ?
Personnellement, j’ai payé le prix de cette doxa durant la crise Covid, me retrouvant banni des médias français, y compris de ceux qui étaient considérés comme amis, tels CNews. Tout cela parce que j’ai affirmé, lors d’un plateau télévisé, que le vaccin causait des décès — une information pourtant confirmée par l’Agence nationale de sécurité du médicament. Cette déclaration m’a valu les foudres de la rédaction et une confrontation avec le journaliste qui m’a reproché d’avoir émis des allégations non vérifiées par leurs équipes. Pourtant, ce que je disais était juste.
Et ce silence, lourd et pesant, continue à persister. Il enveloppe actuellement ce qui se déroule dans les commissions d’enquête en Australie, en Grande-Bretagne, et aux États-Unis. Des révélations émergent aussi en Allemagne, mais dans la presse française, c’est le vide. Si vous n’êtes pas connecté aux bons réseaux, vous ignorez tout simplement l’existence de ces révélations.
Pendant cette crise et même encore sur bien des sujets aujourd’hui, le rôle des médias a été profondément défaillant, donnant avant tout le sentiment qu’il consiste en réalité à protéger une caste dirigeante arc-boutée sur ses privilèges et désireuse de masquer les scandales pour se protéger à tout prix. C’est pourquoi ce comportement alimente légitimement la colère populaire. Mais à force d’étouffer les vérités pour tenter de rester aux affaires malgré les vents contraires, toute cette classe politique et médiatique ne fait que précipiter ce qui ressemble de plus en plus à une fin de règne.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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