ENTRETIEN – Le porte-parole de Reconquête ! Jean Messiha revient pour Epoch Times sur la mort de Jean-Marie Le Pen survenue ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans. Il livre également son regard sur l’exclusion de C8 de la TNT et l’impact d’Elon Musk sur la liberté d’expression.
Epoch Times – Jean-Marie Le Pen s’est éteint ce mardi à l’âge de 96 ans. Vous avez été plusieurs années cadre du Front national. Quel bilan faites-vous de son parcours politique ?
Jean Messiha – Jean-Marie Le Pen fut l’une des figures politiques majeures de la Ve République. Je crois que c’était un homme qui a fait preuve d’un courage extraordinaire à une époque où il n’y avait pas beaucoup de gens téméraires pour dénoncer les dérives de la politique migratoire. Il a été le premier responsable politique à attirer l’attention des Français sur les dangers de l’invasion migratoire, de l’islamisation et du grand remplacement, même si à l’époque le terme n’existait pas encore.
Il a fait preuve d’une lucidité peu commune dans un paysage politique qui était acquis aux dogmes de l’idéologie dominante immigrationniste, multiculturaliste etc. Cela étant, il reste à mes yeux, un personnage controversé parce qu’il a, en quelque sorte, ruiné sa lucidité et son acuité politique par ses saillies antisémites. Ses déclarations antisémites ont, à juste titre, provoqué chez les Français un rejet de sa pensée.
C’est regrettable quand on sait qu’il aurait pu faire du Front national un mouvement politique crédible. Je pense que Jean-Marie Le Pen est tombé à pieds joints dans le piège tendu par François Mitterrand qui voulait en faire une bête noire, un repoussoir pour éviter le retour de la droite aux affaires. C’est d’ailleurs à cette époque qu’est né le fameux cordon sanitaire qui a divisé durablement la droite et qui a permis au président socialiste de rester quinze années au pouvoir. Pour moi, Jean-Marie Le Pen a vraiment entaché son bilan en tombant dans ce piège.
Voilà comment on pourrait brosser un portrait authentique et fidèle à la réalité de l’homme qu’il était.
Par ailleurs, il est assez frappant de voir que le combat contre l’antisémitisme a évolué. Dans les années 1990, la lutte contre ce fléau était consensuelle. Personne n’osait prendre la défense de Jean-Marie Le Pen après ses propos polémiques sur le « détail de l’histoire » et « Michel Durafour crématoire ».
Aujourd’hui, quand vous regardez les réactions sur les réseaux sociaux au décès de Jean-Marie Le Pen, vous pouvez réaliser que l’atmosphère n’est plus la même, eu égard au changement de population et aussi au changement politique : ce qui était, il y a encore trente ans acquis comme l’horreur des horreurs n’est plus si horrible que ça finalement. Certains individus sur X se demandent pourquoi Jean-Marie Le Pen est accusé d’antisémitisme et vous reprochent presque d’être pro-sioniste si vous êtes choqué par ses déclarations sulfureuses passées.
En réalité, la mort du cofondateur du FN met à nu l’évolution dramatique de la société française, tout en montrant le courage de cet homme qui a su, en son temps, dénoncer les dangers que la France allait affronter quelques décennies plus tard.
Qui sont, selon vous, aujourd’hui ses héritiers politiques ?
Si on exfolie le côté antisémite du personnage, Jean-Marie Le Pen reste un identitaire et un souverainiste.
Malheureusement, ses scories insupportables ont brouillé son message. Beaucoup de Français n’ont retenu de lui que cela et pas le courage dont il a fait preuve.
Ses déclarations fâcheuses ont aussi fait perdre presque trente ans au camp national. Aujourd’hui, si les sympathisants RN et Reconquête ! sont qualifiés d’extrémistes de droite ou de fascistes, c’est précisément à cause de ces propos !
Sans ces provocations antisémites, je pense que les accusations de nos opposants n’auraient jamais existé.
Au mois de décembre, l’Arcom confirmait dans un communiqué l’exclusion de C8 et de NRJ 12 de la TNT. Qu’est-ce que cela dit du climat de censure en France ?
Plusieurs problèmes se posent avec cette autorité indépendante. Lorsque vous avez une institution en charge de juger et d’évaluer la liberté d’expression et le pluralisme, encore faut-il que cette institution soit elle-même pluraliste.
Et quand on se penche sur la composition de l’Arcom, on se rend compte qu’il n’y a pas une seule personne de droite, mais seulement des progressistes et des personnes sans étiquette.
Normalement, une autorité qui veille au pluralisme, pour qu’elle soit crédible, doit s’assurer d’être pluraliste elle-même. Autrement, ce n’est pas la peine de vouloir faire appliquer ce principe ailleurs !
Le deuxième défaut congénital de l’Arcom, c’est qu’elle est à la fois juge et partie. Dans un État de droit, celui qui émet la règle de droit ne pas être aussi celui qui la fait respecter. C’est un peu comme si on donnait des pouvoirs de justice à l’Assemblée nationale. On voit bien que ce n’est pas possible puisque le pouvoir judiciaire est censé être indépendant du pouvoir législatif.
Le fonctionnement même de cette autorité indépendante pose donc un sérieux problème d’État de droit. Et je ne parle pas même pas du fait que le collège de l’Arcom soit nommé par le pouvoir en place.
Lors de votre dernière interview à Epoch Times, vous nous aviez indiqué être classé personnalité politique « divers droite » par l’Arcom. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas puisqu’entre temps j’ai rejoint Reconquête ! et je me suis présenté aux élections européennes et législatives. À l’heure actuelle, je suis porte-parole de Reconquête ! Mon temps de parole est donc maintenant décompté en lien avec mon engagement dans le parti d’Éric Zemmour.
Mais à l’époque, la décision prise par l’Arcom de me classer personnalité politique « divers droite » était totalement arbitraire dans la mesure où je n’avais, à ce moment-là, ni d’engagements ni de mandats politiques et que je n’étais candidat à aucune élection. Elle n’avait donc aucun fondement factuel et légal.
D’ailleurs, je note que Raquel Garrido a été membre de LFI pendant plusieurs années et après avoir quitté le parti, elle est devenue chroniqueuse sur BFMTV sans problème. L’Arcom n’a rien trouvé à redire. Idem pour l’ancienne ministre d’Emmanuel Macron, Marlène Schiappa. Elle a quitté Renaissance, et est devenue chroniqueuse sur RMC.
Pour ma part, quand l’Arcom a pris sa décision en novembre 2023, cela faisait déjà deux ans que je n’avais plus d’engagement politique. Je n’ai jamais été ministre ou même parlementaire et je n’avais même pas été candidat à une élection après la présidentielle de 2022. Mon parcours politique était quand même plus vierge que ceux qui ont occupé des fonctions ministérielles ou parlementaires pendant des années. L’Arcom est clairement dans le deux poids, deux mesures.
Malheureusement, cette autorité, n’est pas, contrairement à ce qui est dit, indépendante. Le mot « indépendant » est en réalité un artefact visant à rassurer, mais c’est un mensonge.
D’ailleurs, si l’Arcom était réellement une autorité qui veillait à la liberté d’expression, elle ne serait pas en train de promouvoir la censure. En théorie, une autorité de régulation doit veiller au respect de la liberté et non pas édicter en permanence des règles qui la contraignent et ô combien abusivement.
L’Arcom devrait être là, par exemple, pour enjoindre le service public de l’audiovisuel d’avoir des chroniqueurs issus de différents courants.
Dans une dizaine de jours, Donald Trump entrera officiellement à la Maison-Blanche. Dans sa future administration, il sera notamment entouré d’Elon Musk. Ce dernier a fait de la liberté d’expression l’un de ses mantras. L’arrivée de personnalités comme Elon Musk à des responsabilités politiques peut-elle avoir un impact positif sur la liberté d’expression en Occident ?
Dans le paysage actuel français, on ne peut plus rien dire sans se faire censurer, y compris sur les autres réseaux sociaux, à commencer par ceux du groupe Meta (Facebook et Instagram).
X est aujourd’hui une véritable bouffée d’oxygène qui permet de contourner la chape de plomb, l’omerta que le système antinational et ses médias souhaitent pouvoir garder sur un certain nombre de réalités qui percutent leurs œillères idéologiques.
J’ai récemment posté sur X une vidéo qui montre la manière dont les viols de Telford et de Rotherham ont été traités par le JT de France 2 d’un côté et Cnews de l’autre, par les réseaux sociaux d’un côté et X de l’autre. C’est le jour et la nuit !
Nous avons besoin d’un électrochoc de liberté d’expression.
Pour filer la métaphore, je dirais qu’actuellement, nous sommes dans le catholicisme français d’avant la réforme. C’est-à-dire que seuls quelques grands prêtres sont autorisés à dire ce qui est, non pas en fonction de la réalité, mais en fonction ce qu’ils aimeraient qu’elle soit.
Et vous avez Elon Musk qui est en quelque sorte le Martin Luther de notre ère, estimant que tout le monde a le droit d’avoir son opinion. Maintenant, vous avez comme une « Contre-Réforme » de tous ces grands médias qui essayent de jeter le discrédit sur X, avec pour seul but de reprendre la main sur le réseau social pour y diffuser le dogme progressiste. Mais aujourd’hui, les Français ne sont plus dupes. J’en veux pour preuve le succès de Cnews et le déclin de chaînes comme BFMTV.
Puis, toute la jeune génération ne regarde plus la télévision. Elle s’informe essentiellement sur les réseaux sociaux. Je suis persuadé que la télévision telle que nous l’avons connue va disparaître dans une quinzaine d’années. Il ne restera plus qu’une espèce d’information totalement décentralisée disponible sur les réseaux sociaux.
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