ENTRETIEN – L’ancien commandant de police Jean-Pierre Colombies répond aux questions d’Epoch Times sur l’augmentation des attaques au couteau et le programme du Nouveau Front populaire en matière de sécurité.
Epoch Times : Plusieurs agressions au couteau ont été recensées dans différentes villes ces derniers temps. Dans une note publiée en 2020, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) indiquait que 120 attaques de ce type ont lieu tous les jours en France. Quelle est l’origine de cette banalisation des attaques au couteau ?
Jean-Pierre Colombies : L’arme blanche est une arme létale à portée de main. On en a tous chez nous et plus précisément dans nos cuisines. Prendre un couteau est donc très simple.
Cela étant, ces attaques traduisent une banalisation de l’extrême-violence. Il y a maintenant des individus qui n’hésitent plus à poignarder celui qui les empêche de vivre leur caprice librement ou qui interfère dans leur cercle de vie très proche.
Regardons ce qu’il s’est passé cette semaine à Paris. Un jeune de 22 ans a été poignardé et tué par un individu qui venait de lui voler son portable. Même chose à Marseille. Dans un métro, un sexagénaire a fait remarquer à une jeune fille qu’elle avait les pieds sur la banquette, son petit ami de 15 ans a sorti un couteau et a poignardé la personne âgée.
Nous avons affaire à des individus qui se croient tout-puissants et qui n’imaginent pas une seule seconde qu’on puisse s’opposer à eux d’une manière ou d’une autre.
Selon le profil des agresseurs, il y a plusieurs explications possibles : pour les mineurs, il y a une forme d’explosion de la notion d’autorité puisqu’il n’y a plus d’autorité parentale. Par conséquent, ils sont dans une démarche d’individualisme exacerbé qui conduit très vite à l’ultra-violence. Un individualisme qui concourt à imaginer qu’on ne peut rien leur refuser et qu’on leur doit le respect. Mais un respect un peu étrange qui correspond à la volonté de s’imposer au reste de la planète parce qu’il n’y a qu’eux qui comptent.
C’est l’expression de l’ultra-narcissisme. Ces gens ne conçoivent pas l’autre. L’autre n’existe plus. On peut le tuer. On peut le tuer parce qu’il contrarie. Les attaques au couteau se sont d’autant plus banalisées que la justice n’est plus perceptible pour eux. La notion de peine n’existe plus. Il y a eu un courant anti-incarcération tellement fort au sein de la justice aujourd’hui que ces jeunes n’ont même pas conscience du caractère délictueux ou criminel de leurs actes. Ils sont dans une trajectoire de délinquance au cours de laquelle il n’y a pas d’obstacle. Donc tuer fait partie d’un aboutissement logique.
Des amendes forfaitaires de 500 € pour les individus porteurs d’une arme blanche ont été mises en place à titre expérimental. Qu’en pensez-vous ?
Cette mesure n’a pas de sens parce que la plupart des délinquants se disent insolvables et on a du mal à faire jouer la responsabilité civile des parents, qui devrait être, par ailleurs, automatique. Les parents ne sont donc pas responsabilisés sur leurs défaillances éducatives et les héritiers de cette défaillance ne sont pas sanctionnés au travers d’une décision de justice crédible.
Quand je travaillais encore au sein de la police nationale, j’ai connu des délinquants qui avaient été interpellés des dizaines de fois et présentés à des magistrats mais ce n’est jamais allé plus loin. Il n’y avait pas de suite. Ni d’incarcération véritable, ni d’incarcération éducative. À partir de là, comment voulez-vous que cela change ?
Quels autres dispositifs devraient être mis en place pour endiguer ce phénomène ?
Il faudrait un sursaut régalien. Mais il n’existe pas dans la France d’Emmanuel Macron. Depuis une vingtaine d’années, nous vivons sous l’égide d’un courant philosophique très thatchérien, détestant l’État régalien. Ce courant a totalement appauvri la capacité à réagir et à s’imposer de l’État. Nous l’avons vu à l’œuvre sous Nicolas Sarkozy quand ce dernier a supprimé de manière substantielle des effectifs de la fonction publique, y compris des policiers.
Maintenant, il n’y a plus de visibilité de la force de l’État. Nous avons besoin de gouvernants qui aient un vrai souci de l’intérêt général et un sens de l’État.
Le NFP est arrivé en tête des élections législatives. Quel regard portez-vous sur le programme de la gauche en matière de sécurité ?
Il contient des mesures sécuritaires irréalistes voire catastrophiques. Quand je parle de mesures irréalistes, je pense notamment au retour de la police de proximité. C’est une supercherie parce que nous n’avons pas les effectifs à l’heure actuelle.
Ensuite, le NFP veut ré-autoriser le port de l’abaya dans les écoles. Ce qui est un non-sens laïc et républicain. Une telle décision pourrait légitimer des actes de violence contre des enseignants ou des chefs d’établissement.
Mais une mesure proposée par la gauche qui aurait des conséquences dévastatrices si elle était appliquée, est bien entendu l’interdiction de certaines armes, surtout quand on sait comment les délinquants sont surarmés de nos jours. C’est tout simplement une mise en danger des policiers. Cependant, pour être tout à fait honnête, je suis favorable à la suppression de la BRAV-M.
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