« Le CPE a mis du temps à partir, on n’était que 150, 200, en AG au début du mouvement. Là on est 500, 700, le mouvement part beaucoup plus vite et tapera beaucoup plus fort », déclare Clément Gauthier, étudiant, au micro de BFM TV. Comme lui, beaucoup d’étudiants et de lycéens espèrent renouveler le succès de la mobilisation du 9 mars, journée de mobilisation durant laquelle 240 000 jeunes manifestants s’étaient rassemblés. Les syndicats étudiants parlent désormais de « premier avertissement » et visent une nouvelle journée d’action le 17 mars.
Malgré l’annonce du report de la présentation du texte au 31 mars, le mouvement contre la loi El Khomri ne faiblit pas. À l’heure où nous imprimons, 1 200 000 personnes ont signé la pétition défendant sa non-adoption. La comparaison avec le CPE, texte rédigé dix ans plus tôt, semble d’actualité en terme de nombre d’opposants.
« Ce n’est jamais bon d’avoir la jeunesse dans la rue »
– Benjamin Lucas, président du Mouvement des Jeunes Socialistes
Cet engagement de la part des jeunes semble peu lisible pour la classe politique, mais il n’est pas sûr qu’il soit plus lisible pour les syndicats ou même pour les Français. En effet, le projet de loi El Khomri est un texte à vocation générale, et ni dans son application, ni dans le contexte, il ne peut être comparé au CPE. Les raisons d’une telle opposition dans la jeunesse sont peut être plus profondes.
Incompréhension des politiques
Trouver des mots pour expliquer est loin d’être évident pour les politiques souhaitant s’adresser à la jeunesse française. En 2005, Jacques Chirac avait eu à faire face à une mobilisation sans précédent ; le 23 mars 2006, on comptait entre 1 et 3 millions de manifestants, dont une majorité de jeunes. Le chef de l’État avait décidé d’un débat public et télévisé, avec 83 jeunes. Si le format avait le mérite d’innover, cette rencontre n’aura pas marqué les esprits, si ce n’est le souvenir de sa conclusion : « Le pessimisme » des jeunes gens faisait de « la peine » au président. « Je ne le comprends pas », déclarait-il, peu avant de décider le retrait du texte. Pour François Hollande, l’exercice de pédagogie n’aura pas lieu. S’il dit comprendre que la jeunesse passe des moments difficiles, sa réponse récente contenait une pointe d’agacement. « Vous n’êtes même pas encore dans la présentation du projet de loi, avant même que le texte ait été évoqué en Conseil des ministres et il faudrait le retirer », a-t-il déclaré. Pour autant, la prudence reste de mise à l’Élysée. Les mots sont pesés, choisis : on « dialogue », on « respecte » la jeunesse qui veut « avoir les clefs de son destin ».
Chez les Républicains, on ne s’encombre pas trop avec les formules. « quand on parle de la modernisation du code de travail, on va agiter des lycéens qui ne sont pas forcément les mieux placés pour savoir ce qu’il convient de faire en matière d’emplois, de gestion d’entreprises ou d’évolution du code du travail », a indiqué Nicolas Sarkozy.
« Aujourd’hui, c’est le bon moment »
Laurent Berger, Secrétaire Général de la CFDT, estime également que le projet de loi ne contient aucune « mesure anti-jeunes ». Bien que contestant la loi telle qu’elle est rédigée, il affirme que la loi ne fera pas empirer leur situation. Du côté des étudiants manifestants, on retient essentiellement un texte promettant une certaine précarité dans l’emploi. « Ce n’est pas normal qu’on fractionne nos droits au travail comme ça », explique Melody, 18 ans, étudiante en première année de licence à l’université Paris-Diderot, qui se dit « particulièrement mobilisée ».
Une autre partie de la jeune génération s’est résolue à la difficulté du contexte économique. « Je ne pense pas que le CDI soit encore quelque chose d’actualité. Nos grands-parents avaient un emploi à vie, nos parents ont eu six emplois dans leur vie et nous, on a six emplois en même temps », soutient Antoine Valespir, cofondateur de Gymlib, un réseau de salles de sport.
D’après plusieurs responsables d’organisations étudiantes ou de jeunesse, François Hollande ferait principalement les frais de ses promesses de campagne. Le candidat François Hollande avait affirmé qu’il ferait de la jeunesse la priorité de son quinquennat. En novembre 2015, un jeune sur quatre était au chômage, d’après les statistiques d’Eurostat.
« Ce qui s’est levé depuis quelques jours ne va pas s’éteindre facilement. C’est la coagulation de toutes les colères qui se sont accumulées depuis l’élection de François Hollande », affirme Guillaume Loïc, du NPA jeunes. Même son de cloche du côté de l’Unef ; d’après l’un de ses lieutenants, cela fait deux ans que le syndicat étudiant « veut mobiliser, comptant et recomptant ses troupes. Aujourd’hui, c’est le bon moment ».
Même au Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), l’ambiance est à la mobilisation. Une situation encore plus délicate à gérer pour le président de la République, qui doit affronter les contradictions au sein même de son propre camp, à l’heure où les défenseurs de la loi El Khomri s’amenuisent. Benjamin Lucas, président du MJS, se souvient du retrait du CPE dix ans plus tôt, alors qu’il faisait ses premiers pas en politique. Il espère lui aussi le retrait du texte. « Beaucoup de choses ont déjà été faites [pour la jeunesse] depuis 2012, ce serait dommage de gâcher comme ça la fin du quinquennat », admet-il, ajoutant : « Ce n’est jamais bon d’avoir la jeunesse dans la rue ».
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