Les impacts de l’organisation d’un grand événement sur un territoire sont nombreux et de natures diverses. Ils se résument essentiellement à des considérations économiques – impacts sur de nombreuses industries liés aux dépenses des touristes, emplois directs et indirects créés – quantifiables à court, moyen et long termes ainsi qu’à des effets moins tangibles relatifs à l’amélioration du capital-marque (notoriété et image), de la réputation, voire du statut d’une destination.
Par ailleurs, des incidences importantes peuvent également être constatées du point de vue des infrastructures (sportives comme des stades mais plus globales comme des infrastructures de transports) créées ou rénovées à l’occasion de l’événement. Chaque ville candidate se retrouve dans une configuration particulière, certains impacts devenant majeurs dans certains cas, d’autres plus mineurs par ailleurs.
Ainsi, la future organisation de la Coupe du Monde de football au Qatar en 2022 se présente comme un enjeu principal de développement de la notoriété – qui connaît réellement le pays aujourd’hui, et peux le situer géographiquement ? – et d’amélioration de son image – le Qatar vise un positionnement « eco friendly » loin de son image actuelle –, celui d’un pays qui ambitionne à terme de devenir une destination touristique.
Cascade de défections
De nombreux analystes soulignent également un certain nombre d’effets négatifs. En effet, le coût final de l’organisation est souvent montré du doigt tout comme l’écart constaté entre le budget affiché lors d’une candidature et le budget réel. Certains postes comme la sécurité faisant considérablement augmenter la facture. Par ailleurs, certaines éditions ont laissé une impression de gigantesque gaspillage avec des sites à l’abandon comme en Grèce ou au Brésil.
Ces incidences négatives expliquent aussi que les habitants-contribuables ne soient pas favorables à la tenue de ces événements jugés coûteux et non prioritaires par rapport à d’autres chantiers. Les deux dernières campagnes concernant les Jeux olympiques (d’hiver et d’été) 2022 et 2024 se sont traduites par un nombre important de défections de villes candidates. Ainsi, Stockholm, Lviv, Oslo et Cracovie ont renoncé à candidater à l’organisation des JO d’hiver 2022, alors que Boston, Budapest, Rome et Hambourg ont jeté l’éponge concernant l’édition d’été en 2024. Les motifs invoqués par les dirigeants de ces villes sont systématiquement liés aux risques d’inflation des coûts d’organisation et à la défiance de la population locale.
Quelle configuration alors pour Paris au coude à coude avec Los Angeles pour les JO 2024 ? Les externalités exposées précédemment sont-elles particulièrement pertinentes ?
Il ne s’agira pas de discuter du capital-marque (notoriété + image) de la capitale française, Paris étant une des villes les plus connues et réputées du monde.
D’un point de vue touristique, Paris conserve son attractivité à l’instar de villes comme Londres ou New York et en dépit de la menace terroriste. Les incidences économiques mises en avant notamment par une étude sérieuse du CDES (Centre du Droit et d’économie du sport de Limoges) sont assez contestées par plusieurs économistes parmi lesquels Wladimir Andreff et ne pourront pas faire consensus en amont de l’événement.
Si les impacts plutôt « classiques » ne peuvent pas être spécifiquement argumentés dans le cadre de la candidature parisienne, comment justifier Paris 2024 ?
Renforcer le soft power, l’influence de la France
Selon une étude récente publiée par l’Université de Caroline du Sud et le cabinet de conseil Portland, la France est devenu le pays le plus influent du monde. Rappelons que le soft power peut être défini comme la capacité d’influence et de persuasion d’un état en dehors des moyens militaires. L’obtention (et évidemment la bonne tenue) d’un événement comme les Jeux olympiques renforcerait encore le rayonnement de la France et de ses dirigeants.
L’instrumentalisation d’un grand événement à des fins diplomatique ou géopolitique n’est pas un phénomène nouveau, l’obtention d’un événement d’envergure ayant souvent été interprétée comme une des manifestations de l’influence d’un État et de ses dirigeants.
Le président de la République Emmanuel Macron a plus que mouillé la chemise, à Paris pour des opérations de promotion et à Lausanne pour porter le dossier de candidature. Une victoire au mois de septembre serait indiscutablement analysée comme un succès personnel, comme l’attestent certains précédents (Lula, Poutine).
Les jeux durables-bénéfices sociétaux
Autre idée forte fréquemment mise en avant par les membres du comité de candidature Paris 2024 : l’écologie, même si, là encore, l’écologisation des Jeux olympiques ou d’un événement sportif d’envergure n’est pas un concept inédit, l’ensemble des manifestations intégrant un axe « RSE » au sein de l’organisation globale. En revanche, les JO Paris 2024 seraient alignés sur l’accord de Paris sur le climat.
L’un des enjeux majeurs de Paris 2024 sera sans doute le développement du sport et des disciplines sportives en France, pays à la culture sportive faible en raison d’un manque de pratique à l’école. L’engouement suscité par le projet sportif pourrait permettre d’atteindre l’objectif ambitieux de 80 % de pratique sportive d’ici à 2024 affiché par le Comité d’organisation. Au-delà de l’organisation sans faille de l’événement, un pays doit également « performer » sur le terrain, une victoire finale dans une Coupe du Monde de Football (voir France 98) ou un record de médailles lors des JO (voir le cas de la Chine en 2008 et de Londres en 2012) sont des exploits qui sortent du cadre purement sportif pour rejaillir sur la société toute entière.
Au final, il peut certes paraître surprenant d’affirmer que les impacts événementiels traditionnellement mis en avant par les candidatures – notoriété, image, infrastructures, tourisme, économie, emploi – bien que réels ne seront pas majeurs pour Paris si la capitale française obtient l’organisation des JO en 2024, contrairement à ce qu’on a pu observer par le passé à de nombreuses reprises pour des destinations comme Barcelone ou Pékin.
Paris est au top de son capital-marque tandis que son attractivité touristique se maintient. D’ailleurs, la ville risque même un effet d’éviction avec les JO et les infrastructures existent déjà en grande majorité (le paysage urbain ne sera pas modifié). Il n’y aura que peu de constructions d’infrastructures nouvelles.
Compte tenu de cette configuration, est-il pertinent d’envisager les Jeux olympiques ? La réponse est positive au regard d’autres enjeux moins abordés comme le développement d’un élan et d’une culture sportive en France, la contribution au pouvoir d’influence de la France et le positionnement d’un événement « durable ».
Jean-Philippe Danglade, Professeur de Marketing, Kedge Business School
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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