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Jeux olympiques : « Il règne au sein du CIO un sentiment de toute-puissance », selon Romain Molina

août 2, 2024 16:57, Last Updated: août 2, 2024 17:24
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ENTRETIEN – Romain Molina est journaliste, écrivain indépendant et conférencier. Il a récemment publié son dernier ouvrage : Le livre noir des Jeux olympiques (Exuvie, 2024) dans lequel il relate la « face sombre » de la compétition sportive. Il répond aux questions d’Epoch Times.

Epoch Times : Romain Molina, dans votre dernier livre, vous dénoncez les agissements et la « corruption » du Comité international olympique (CIO). Par quoi se traduit cette corruption ?

Romain Molina : Il y a eu plusieurs exemples dans le passé. Par exemple, moi et le journaliste Ed Aarons avions publié un article il y a deux ans dans The Guardian sur l’Australien John Coates, l’un des membres les plus éminents du CIO et aussi président du Tribunal Arbitral du Sport, soit la plus haute juridiction sportive au monde, qui avait avoué avoir acheté des voix africaines pour les Jeux olympiques de Sydney en 2000. Évidemment, le CIO disait à l’époque qu’il n’y avait pas de raison de sanctionner John Coates puisque la manière dont il avait acheté les voix n’était pas interdite.

En 2002, il y a eu le grand scandale des Jeux achetés à Salt Lake City aux États-Unis, mais également des scandales similaires à Rio de Janeiro en 2016. Actuellement, il y a plusieurs enquêtes liées aux achats de voix à Tokyo en 2020. Donc on se rend compte qu’il y a beaucoup de problèmes.

Certains des 111 membres du CIO, que l’on appelle les « membres actifs », ont été bannis, d’autres emprisonnés. Je pense notamment au Koweïtien Ahmad al-Fahd al-Sabah qui est en quelque sorte l’un des pontes de l’olympisme. Il a été condamné par la Justice suisse en 2021 dans une affaire de faux arbitrage dans le but de décrédibiliser ses adversaires politiques.

Il faut bien avoir à l’esprit que dans les arcanes mêmes du CIO, il y a des gens mêlés à diverses affaires criminelles et qu’à chaque fois, le CIO essaye de s’affranchir des lois.

Il y a un exemple récent qui montre l’impunité totale dans laquelle évolue le Comité international olympique. Quand les États-Unis et plus précisément le FBI ont lancé une enquête contre l’Agence mondiale antidopage qui avait notamment accordé un blanc-seing aux nageurs chinois, selon des éléments rapportés par le New York Times et les Allemands de l’ARD, le CIO a menacé les États-Unis, en particulier pour les Jeux olympiques d’hiver de 2034 et divers accords datant de Salt Lake City. Le président de l’Agence mondiale antidopage a refusé de se rendre aux États-Unis pour témoigner et le président du CIO, Thomas Bach, a annoncé publiquement que le prochain président américain allait s’entretenir avec lui afin que ce dernier dissipe les craintes du Comité international olympique.

Au-delà de la corruption, il règne donc au sein de ce comité, un sentiment de toute-puissance. On a quand même un président du CIO qui se place au-dessus de tous les pays du monde, y compris les États-Unis.

Ces agissements remontent donc à plus loin que l’organisation des Jeux de Paris 2024 ?

L’objet de mon livre était effectivement de montrer que tout ceci dépasse le simple cadre de l’organisation de Paris 2024.

Dans le monde francophone, l’olympisme n’est pas tellement connu. À chaque fois, les présidents français n’arrêtent pas de parler des valeurs de l’olympisme, mais il s’agit de quelque chose de fantasmé qui n’existe pas. Il y a seulement le CIO qui est capable de toutes les bassesses possibles et inimaginables. J’ai donc pensé qu’il était important de revenir en arrière, de parler des expérimentations humaines et comment elles ont été couvertes, de voir les affaires avec différents grands criminels qui ont fait partie de la famille olympique et que le CIO a toujours tenté de protéger en menaçant les États.

En 2000, pour les Jeux de Sydney, l’ancien président du CIO, Juan Antonio Saramanch a écrit au Premier ministre australien de l’époque en lui demandant pourquoi il a refusé l’entrée sur le territoire à Gafur Rakhimov, membre de la famille olympique de boxe. Les autorités australiennes pensaient qu’il représentait un risque pour la sécurité nationale et le CIO a jugé cela inacceptable. Pourtant la France l’avait déjà refusé sur son territoire et en 2012, les États-Unis vont lui imposer des sanctions pour une appartenance supposée à un grand trafic d’héroïne international.

Vous qualifiez le président du CIO Thomas Bach de « roi soleil ». Pourquoi ?

C’est l’un des surnoms que lui donnent ses employés puisqu’il se comporte comme un roi ou un monarque. Lorsqu’il est reçu dans n’importe quel pays, on lui déroule le tapis rouge. En ce moment, l’Inde et le Qatar tentent de le courtiser pour les Jeux de 2036. Il est présent partout, au G20 et à la COP 20. D’ailleurs, lors de la cérémonie d’ouverture, il a fait lever tout le monde pour le soi-disant hymne du CIO. Je ne savais pas que le CIO avait un hymne…

On peut dire que Thomas Bach est l’un des hommes les plus influents du monde.

Vous parlez également de la « monstruosité de la famille olympique ». Qu’entendez-vous par là ?

C’est comme l’hydre de Lerne, vous coupez une tête, il y en a d’autres qui repoussent. On peut reparler de l’histoire concernant les athlètes chinois dopés et l’Agence mondiale antidopage qui est une émanation du CIO. La version officielle de l’AMA dit qu’elle fait confiance aux enquêtes chinoises et que les 23 athlètes, qui avaient d’ailleurs par la suite été testés positifs, ont en fait été victimes d’une intoxication alimentaire dans un hôtel. Pourtant, il a été prouvé plus tard que les 23 nageurs n’étaient pas tous dans le même hôtel ce jour-là. Il y a donc bien eu du dopage et la version officielle ne tient pas.

Cette volonté de contrecarrer la lutte contre le dopage n’est pas seulement présente en Chine, mais aussi en Europe. Plusieurs articles ont été publiés cette année relatant des faits de dissimulation de cas de dopage en Espagne. Malheureusement, au lieu de s’en indigner, le CIO se satisfait pleinement de cela.

Cette monstruosité se vérifie également dans le sentiment d’impunité qui touche la « famille olympique ». Lors des élections américaines de 2016, l’ancien vice-président du CIO et premier président de l’AMA Dick Pound avait déclaré que l’élection de Donald Trump ou d’un autre était sans importance puisqu’aucun homme politique n’est plus important que les Jeux olympiques.

J’ai également cité un autre exemple dans mon livre qui me paraît pertinent. À l’occasion des Jeux de Sydney, Samaranch avait demandé à un procureur général indonésien la liberté conditionnelle d’un membre du CIO incarcéré en Indonésie et qui d’ailleurs écopera de plusieurs années de prison. Ce à quoi le procureur général répondra que le CIO a un drôle de sens de l’éthique. On peut donc clairement parler de gens qui n’ont que faire des lois et qui s’affranchissent de tout.

Mardi, l’épreuve de triathlon masculin a été reportée d’une journée en raison de la mauvaise qualité de l’eau de la Seine. 1,4 milliard d’euros avaient été investis pour dépolluer le fleuve. Quelle est votre analyse ?

Rappelons également que tous les entraînements dans la Seine ont été annulés depuis le début. On nous disait qu’à cause de la pluie, la Seine n’était pas baignable. Mais avec l’ultimatum de la Fédération internationale de triathlon, l’eau est redevenue miraculeusement propre ce mercredi. C’est surréaliste !

L’ONG environnementale Surfrider a réalisé récemment 14 prélèvements et 13 prélèvements sur 14 ont montré que le fleuve n’était pas baignable à cause des matières fécales. J’ajoute également que France Info a révélé que le jour où Anne Hidalgo s’est baignée dans la Seine, la qualité de l’eau était insuffisante contrairement à ce qu’avait affirmé la maire de Paris.

On nous ment quand on nous dit que l’eau de la Seine est de bonne qualité. Je ne fais pas de politique, mais c’est mon devoir en tant que journaliste d’éclairer les gens sur ce qu’il se passe.

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