Paris l’a fait. 100 ans après les dernières Olympiades dans la Ville-lumière, la capitale française va de nouveau accueillir et organiser les Jeux olympiques, en 2024. Depuis mercredi 13 septembre, date de l’annonce officielle, tout le monde est euphorique. Tout le monde se félicite de cette excellente nouvelle qui, en plus d’apporter fierté et renommée à la France entière, permettra de redynamiser la croissance économique. Vraiment ?
Le Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, connu pour ses analyses ex-ante des grandes compétitions sportives, comme la Coupe du monde de rugby, en 2007, ou l’Euro de football, en 2016, a simulé plusieurs scénarii possibles. Il estime, notamment, que Paris 2024 rapportera au moins 5,3 milliards d’euros et jusqu’à 10,7 milliards d’euros, soit « des bénéfices de 294 à 594 millions d’euros par an sur dix-huit années ». En effet, durant l’événement, la France espère accueillir au moins 3 millions de supporters.
À cela se rajoute la création de 119 000 emplois, au minimum, dans les secteurs du BTP, du tourisme et de l’événementiel. Enfin, les rentrées fiscales devraient exploser, avec plus de 250 millions d’euros sur la seule quinzaine de l’événement. Une aubaine donc pour la France et un argument supplémentaire pour les Jeux olympiques de 2024.
Des effets d’éviction
Seulement, en regardant plus en détail, on se rend compte que les grandes compétitions sportives internationales, quelles qu’elles soient, n’ont pratiquement jamais rapporté d’argent, n’ont jamais vraiment été bénéficiaires et n’ont jamais soutenu l’emploi durable. Appliquée au domaine du football mais étayée par de nombreux exemples sportifs, l’étude des économistes Bastien Drut et Richard Duahutois, parue dans leur livre Sciences sociales football club, vient d’ailleurs illustrer ce postulat.
Premièrement, les effets mis en avant a priori ne sont pratiquement jamais constatés a posteriori. Certes, qu’il s’agisse d’une Coupe du monde ou des JO, on assiste à un regain de la croissance à l’instant t, durant toute la durée de la compétition, mais les impacts sont minimes et ne se répercutent pas sur les autres strates de l’économie nationale.
Drut et Duhautois expliquent que les rapports ex ante –tous sauf ceux du CDES– oublient ce que les économistes appellent « les effets de substitution et les effets d’éviction ». Sur le marché touristique, les événements sportifs attirent du monde mais font aussi fuir des personnes, apeurées à l’idée de se retrouver au milieu des foules de supporters. Par exemple, la Coupe du monde 2014 et les Jeux olympiques 2016, au Brésil, n’ont ni augmenté ni diminué les chiffres du tourisme. Le pays étant déjà le plus touristique d’Amérique du Sud, les étrangers férus de sport ont tout simplement remplacé, « substitués », ceux qui avaient l’habitude de venir jusque-là.
En France, c’est pareil. La Coupe du monde 1998, organisée dans le pays, n’a pas connu une croissance exceptionnelle du tourisme, il est resté exactement le même qu’il avait été en 1997 ou en 1999. Les supporters de foot ont seulement remplacé les visiteurs du musée du Louvre ou de la Tour Eiffel. Comme l’Euro 2016, d’ailleurs. Le niveau touristique était quasiment le même qu’en 2015 et était même inférieur à celui de 2017. Pas de boom donc.
Un gouffre financier historique
Enfin, le dernier élément est celui du coût. Si l’on se réfère à l’histoire des Jeux olympiques, les coûts prévus lors du dépôt du dossier de candidature sont pratiquement toujours dépassés. Et parfois de façon spectaculaire. L’économiste du sport Wladimir Andreff a montré que le taux moyen de dépassement était de 167 % depuis les JO de 1968.
Paris pourrait très bien prendre ce risque et voir son budget, estimé à 6,5 milliards d’euros, dépasser et atteindre des niveaux dangereux. À Pékin, en 2008, le taux de dépassement était de 1130 %, celui de Barcelone, en 1992, de 156 %. Si, d’un côté, les grandes compétitions sportives ne rapportent pas et que, de l’autre, elles coûtent cher, cela pourrait rapidement devenir un gouffre financier pour Paris.
Les points positifs de Paris
Néanmoins, la ville a un double avantage à ce niveau-là. Premièrement, il n’y a pas eu de « malédiction du vainqueur », expression économique désignant la situation où le vainqueur d’une enchère ne bénéficiera pas du gain escompté car il a surpayé l’offre, face à une concurrence trop forte, « il est maudit ».
Paris n’a pas été victime de cette « winner’s curse » puisque Paris était la seule ville candidate pour les Jeux de 2024. Boston, Rome ou encore Budapest s’étaient désistés. La ville n’a donc pas eu à surenchérir face à des propositions indécentes et promettre monts et merveilles au CIO pour décrocher la timbale. Elle a présenté un budget éco-responsable, simple et réaliste.
C’est le deuxième argument : Paris a d’ores et déjà 95 % des infrastructures sportives. Les organisateurs vont « seulement » construire pour 2024 un centre aquatique, un village olympique et un média center. Pas un nouveau stade olympique de 1 milliard de dollars, comme à Pékin, en 2008, ou à Londres, en 2012, par exemple.
Le risque de l’accélération
Au sujet des infrastructures, nous pouvons néanmoins nous inquiéter de l’accélération des travaux du Grand Paris, avec la création de quatre nouvelles lignes de métro et la ligne à grande vitesse entre le centre de Paris et l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Les projets ont déjà été budgétés, donc les organisateurs annoncent qu’il n’y aura pas de financement supplémentaire, mais pour 2030. En effet, ces travaux étaient prévus pour être livrés en 2030, pas en 2024 avec six ans d’avance. Face à cette imposante accélération, il y a un risque de dépassement budgétaire. Pour aller plus vite, il faut payer plus cher ses salariés, embaucher plus de monde et dépenser plus d’argent.
Mais certains diront : « Et alors ? » Si la dette explose au profit d’une considérable amélioration du service des transports et du bien-être des 10 millions de Franciliens, pour un héritage durable pendant au moins 100 ans, doit-on vraiment se focaliser sur la question des retombées économiques de court terme ?
Le géographe Loïc Ravenel, responsable du Centre international d’économie du Sport, le rappelle très bien :
« Cette histoire de retombées économiques, c’est de l’enfumage. Assumons qu’à ce niveau de sport spectacle, ça ne rapporte pas. Aujourd’hui, on accepte que la culture soit déficitaire parce qu’on estime que c’est important pour une société. reconnaissons qu’on veut organiser une grande compétition sportive pour des questions d’image, de fête populaire, mais arrêtons de vouloir le justifier économiquement. »
Pierre Rondeau, Professeur d’économie, Sports Management School
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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