JO 2024 : le palmarès des grèves à attendre pour les Jeux

Par Ludovic Genin
16 avril 2024 18:18 Mis à jour: 25 avril 2024 16:15

À 100 jours du début des Jeux olympiques de Paris, la France conforte sa position de championne du monde des grèves. La perspective de manifestations ajoutée à un contexte de sécurité renforcée pourrait venir gâcher la fête et alimenter le french bashing qui monte déjà à l’étranger.

Emmanuel Macron a exprimé en début de semaine son souhait de présenter « le plus beau visage de la France » pendant la compétition sportive. De son côté, Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique, a assuré que « tout le pays souhaite qu’il n’y ait pas de grèves » mentionnant au passage l’attribution de primes de 500 à 1500 euros aux agents publics mobilisés pendant les Jeux. Même écho du côté de Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux olympiques, qui a appelé à une trêve olympique pendant la durée des Jeux.

Mais c’est sans compter sur la pugnacité du syndicat d’extrême gauche de la CGT, majoritaire dans la fonction publique, qui a déposé des préavis de grève dans toutes les branches de la fonction publique, allant du 15 avril au 15 septembre, couvrant ainsi toute période des Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre). « Pas de trêve olympique » a annoncé le syndicat dans un communiqué publié le 10 avril.

Transports, santé, sécurité, propreté… voici la liste des secteurs potentiellement concernés par les grèves.

La RATP met la pression

Environ 20.000 agents RATP seront mobilisés chaque jour pendant les Jeux. La CGT-RATP, premier syndicat de la RATP, a déjà déposé un préavis de grève depuis le 5 février, couvrant la période allant jusqu’à la fin des Jeux paralympiques. Des augmentations salariales significatives sont demandées, mettant en avant l’importance des agents des transports pour le succès des Jeux. En parallèle, d’autres syndicats, FO et UNSA, ont signé un accord prévoyant une augmentation salariale pour tous les agents, accord que la CGT juge encore trop insuffisant pour arrêter les négociations.

Pourtant en 2021, la Cour des comptes épinglait les quelque 311 primes des salariés de la RATP, dont certaines apparaissaient comme « farfelues ». Selon la juridiction financière de l’administration française, le salaire médian à la RATP est de 2.625 euros net alors qu’il est de 1.800 euros dans le secteur privé. Même disparité pour les retraites, 2.357 euros en moyenne pour un agent de la RATP contre 1.410 euros dans le privé, avec un départ moyen à 55,7 ans à la RATP, quand il est de 63 ans dans le privé.  Malgré tout, l’occasion est trop juteuse pour la CGT pour ne pas demander encore davantage d’avantages sociaux.

Les hôpitaux menacent d’une « grève du zèle »

À l’hôpital, le besoin de personnel supplémentaire est pointé du doigt pour faire face à l’afflux attendu pendant les Jeux. L’Assistance publique-hôpitaux de Paris estime qu’elle aura besoin de 800 équivalents temps plein supplémentaires par rapport à un été classique. La direction propose une prime pour ceux qui renonceront à une partie de leurs congés, allant jusqu’à 800 euros brut par semaine pour les salariés en catégorie C et jusqu’à 2.500 euros bruts pour les médecins.

Cependant, les syndicats CGT, FO, Unsa et CFTC jugent ces propositions insuffisantes. Ils réclament une prime uniforme de 2.000 euros pour tous, ainsi que le respect d’un minimum de trois semaines de congé d’été. Une grève des personnels hospitaliers pendant les Jeux n’est donc pas à exclure, surtout après l’évocation d’une possible « grève du zèle » par le président de l’Association des médecins urgentistes de France en janvier, pointant l’afflux supplémentaire de touristes dans les services pendant les Jeux.

Les pompiers et la police municipale veulent des évolutions

Les compensations offertes à la police nationale en Île-de-France semblent pour le moment dissiper les tensions et les aspirations à la grève.

Cependant, la situation diffère pour la police municipale où aucune compensation n’est actuellement envisagée. Stéphane Poupeau, syndiqué au SNSP, assure que « des actions vont être menées dans certaines grandes villes pendant le passage de la flamme, et ensuite pendant les JO si les choses n’évoluent pas d’ici là ».

Pour les pompiers, le syndicat Sud-Solidaires a déposé un préavis de grève sur toute la période des Jeux. En cause, leur mobilisation pendant les JO qui écraserait leurs 21 jours de congé alloués normalement pendant la période de juillet et août.

Concernant les douanes, bien qu’un préavis de grève ait été déposé en début d’année, des progrès ont été signalés avec la possibilité d’une prime pour les agents mobilisés, ce qui pourrait limiter les risques de grève.

Les éboueurs évoquent une montagne de déchets

Dans le secteur de la collecte et du traitement des déchets, la menace de grève plane également. Les éboueurs et autres agents territoriaux sont inclus dans le préavis de grève déposé par la CGT pour la fonction publique.

Si les négociations sur les primes n’aboutissent pas, cela pourrait entraîner une « montagne de déchets » dans les rues de la capitale similaire à celle pendant la réforme des retraites en 2023. «La même chose pourrait se produire pendant les JO si les négociations sur les primes et autres n’aboutissent pas» a menacé Céline Verzelettri de la CGT.

L’impact sur l’image de Paris serait aussi désastreux que des transports publics bondés, la capitale étant déjà réputée dans le monde entier pour sa saleté.

L’hôtellerie et la restauration montrent les muscles

Le secteur privé de l’hôtellerie-restauration et des commerces pourrait également être touché par des mouvements sociaux. Le 15 avril, plusieurs centaines de travailleurs du commerce, de l’hôtellerie-restauration et des services de sécurité ont manifesté à l’appel de la CGT pour dénoncer des atteintes au droit du travail avec le renoncement de leurs congés d’été. Des membres de la CGT brandissaient pendant la manifestation des pancartes promettant « l’incendie social » si « la flamme des JO brûle le code du travail », des propos à la limite d’un appel à l’insurrection sociale pour une question de congés.  La fédération Force Ouvrière réclame quant à elle une «prime exceptionnelle par rapport aux contraintes que subiront les travailleurs du Commerce, liées à l’organisation des JO».

La Tour Eiffel n’exclut rien

Quant aux sites touristiques comme la Tour Eiffel, le personnel n’exclut pas de reprendre les mouvements sociaux en fonction de l’issue des négociations avec la mairie. La possibilité d’une fermeture prolongée du monument reste sur la table, après une grève d’une semaine en mars.

Les motifs avancés comprennent un modèle économique considéré comme « trop ambitieux et intenable », une gestion jugée « irréaliste », ainsi que la nécessité de réaliser d’importants travaux de maintenance.

La SNCF se veut optimiste

À la SNCF, les syndicats parlaient en début d’année de « grèves échelonnées » jusqu’aux Jeux. Les contrôleurs ont fait grève en février, au début des vacances scolaires, des grèves ciblées de moins en moins appréciées par les usagers voulant profiter de leur vacances en famille. Pour les Jeux olympiques, la SNCF ne semble cependant pas prévoir de blocages majeurs.

Les discussions sur les primes prévues pour les JO sont toujours en cours mais avec une possible convergence en mai ou juin, selon Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF. Il assure qu’à ce stade, il ne « perçoit » pas de risque spécifique de perturbations et se montre optimiste.

L’entreprise ferroviaire propose déjà une prime quotidienne de 50 euros et une prime supplémentaire de 200 à 500 euros, en fonction de la période de congé des salariés mobilisés pendant les Jeux.

Les transports aériens favorables à la trêve

Dans le domaine aérien, le principal syndicat des contrôleurs aériens a annoncé qu’il observerait la « trêve olympique » jusqu’à la fin des Jeux, soit jusqu’en septembre prochain. Cette décision a été prise le 12 septembre dernier, à la suite d’un accord conclu entre les deux principaux syndicats et leur direction.

Et la médaille d’or de la grève revient à…

Avec une moyenne de 114 jours de grève par an pour 1.000 salariés, la France a déjà la médaille d’or mondiale de la grève, devant la Belgique et le Canada.

Le pire scénario pour les JO serait d’accueillir des centaines de milliers de touristes et qu’il n’y ait pas ou peu de transports, des trous dans la raquette dans les services de sécurité, pas assez d’agents de propreté et des hôpitaux tournant au ralenti. À l’heure des réseaux sociaux, les images renvoyées au monde montreront l’étendue de la catastrophe, en plus de mettre en danger la sécurité et la santé des spectateurs et des Parisiens.

Et en cas d’impact négatif sur les Jeux olympiques, cela pourrait aussi aboutir à l’effet inverse voulu pour les syndicats. Certains politiques envisagent en effet de renforcer le cadre législatif du droit de grève, une proposition de loi visant à renforcer la loi de 2007 sur le service minimum dans les transports ayant déjà été déposée par le sénateur Hervé Marseille. Une mauvaise presse de la part des syndicats pourrait faire pencher l’opinion publique en faveur d’un meilleur encadrement. Ce projet, inspiré du modèle italien, vise à délimiter certaines périodes, comme les fêtes de fin d’année ou les vacances d’été, où les grèves seraient interdites.

Chacun gagnerait donc au meilleur scénario pour le déroulement des Jeux, montrant une image de la France capable d’accueillir dans les meilleures conditions les spectateurs du monde entier.

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