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JO : « Les restaurants essuient une baisse de fréquentation, car les Parisiens ne veulent pas revivre la période Covid », estime Alain Fontaine

juillet 22, 2024 21:12, Last Updated: juillet 22, 2024 21:12
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ENTRETIEN – À quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, les restaurateurs parisiens grincent des dents. En cause, les « zones grises », dont l’accès nécessite un QR code, et les grillages aussi inesthétiques qu’encombrants installés devant leurs établissements. Président de l’Association française des maîtres restaurateurs et patron du du restaurant Le Mesturet, localisé dans le centre de la capitale, Alain Fontaine détaille l’impact des restrictions de circulation sur ces commerçants et déplore une ville « pratiquement désertée par les touristes depuis trois semaines » : « Nous allons passer à côté de la fête. C’est dur. Très dur ». 

Epoch Times : L’activité des restaurateurs est en berne à quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en raison d’une chute de la fréquentation. Quelle est votre analyse de cette situation à laquelle sont confrontés les bars, cafés et restaurants ?

Alain Fontaine : La situation actuelle des restaurateurs est pour le moins inattendue. Initialement, ces commerçants étaient enthousiastes à l’approche des Jeux olympiques, espérant bénéficier des retombées positives d’un afflux massif de touristes, estimé entre dix et quinze millions de visiteurs. En tant que citoyen, je suis heureux et fier que notre pays accueille cet évènement qui marquera sans doute l’histoire des olympiades, ne serait-ce que par sa cérémonie d’ouverture. Mais, dans le cas présent, c’est le chef d’entreprise qui vous partage sa perspective.

Alors que nous anticipions une année exceptionnelle, la capitale est, depuis trois semaines, pratiquement désertée par les touristes. Cela signifie que le tourisme habituel, avec ses visiteurs annuels, est absent cette année, remplacé par les touristes olympiques qui arriveront dans les jours à venir. Il s’agit donc d’une modification du profil touristique.

Cette situation est d’autant plus difficile que de nombreuses entreprises ont envoyé leurs employés en vacances ou en télétravail, privant ainsi les restaurants de leur clientèle habituelle de travailleurs déjeunant le midi. Le commerce est donc au point mort, pire encore que les années précédentes. Les zones de sécurité mises en place compliquent également la situation, vidant en grande partie le centre de Paris.

Les contraintes comme l’obligation de présenter son QR code, en zone grise par exemple, même pour les piétons, divisent la ville en deux, empêchant les clients de la rive droite et de la rive gauche de se rendre dans les commerces de l’autre rive.

À cela s’ajoutent les conditions climatiques défavorables, avec de la pluie en juin et juillet, ainsi qu’un contexte politique instable. Tout ceci entraîne une baisse significative de la fréquentation de nos restaurants, qui se chiffre, pour la première période de juillet, de 20 à 30 % sur Paris intra-muros, et de 60 à 80 % sur les sites interdits à la circulation. Nous espérons une amélioration de la situation après cette cérémonie d’ouverture, mais cela restera compliqué, car les informations sur le pass Jeux et les autorisations de circulation n’ont pas été suffisamment bien diffusées auprès des touristes et des Parisiens.

Si nous sommes convaincus que les Jeux olympiques seront extraordinaires, notre désarroi et notre déception de restaurateurs viennent du constat, au fil des heures et des jours, que nous ne participerons pas à la fête. Nous allons passer à côté. C’est dur. Très dur.

Dénoncez-vous un manque de communication de la part des autorités publiques concernant ces barrières installées dans les rues de Paris devant de nombreux établissements ?

Nous comprenons les préoccupations liées à la sécurité. La sécurité, c’est comme la santé : primordial. La question est de savoir si la menace sécuritaire a réellement augmenté à ce point. On ne sait pas. Je ne le pense pas. Ce que l’on sait en revanche, c’est que la sécurité a été portée à son niveau maximal, avec des barrières et des grillages.

Si les restaurateurs étaient informés du fait qu’il y aurait un système de sécurité renforcé, ils ne savaient pas qu’il y aurait des barrières devant leurs établissements. C’est très clair : il y a eu un manque de communication de la part de la préfecture.

De plus, ces grilles auraient pu être remplacées par des plexiglas. Alors même que nous visons l’une des cérémonies les plus spectaculaires jamais vues, nous mettons des grilles peu esthétiques devant les cafés et les restaurants, et des barrières dans les rues. Ce n’est pas une image attrayante. Ainsi, aujourd’hui, au centre de Paris, il est possible de prendre un café derrière une grille, ce qui est loin d’être romantique…

Ce lourd dispositif de sécurité conçu pour les JO aurait-il pu selon vous dissuader certains touristes de se déplacer à Paris  ?

Les touristes viendront. Cependant, il est possible qu’ils évitent certaines zones en découvrant à la dernière minute qu’un QR code est nécessaire. Ce week-end a été catastrophique pour les restaurateurs de l’île de la Cité, car la plupart des touristes ignoraient qu’un Pass Jeux était obligatoire pour y accéder.

Les nombreuses fake news qui ont circulé sur les JO, mais aussi des messages négatifs comme, par exemple, le doublement du prix des transports en commun auront pu dissuader certains touristes. Cela s’est su mondialement que la région, et non la mairie, avait doublé ces tarifs.

Cette baisse de la fréquentation, que l’on retrouve aussi dans le secteur de l’hôtellerie, peut-elle s’expliquer à vos yeux par un refus des Français et des touristes de revivre une situation comparable à la période Covid avec son pass sanitaire ?

Tout à fait. Non seulement les Parisiens et les touristes n’ont pas été suffisamment sur ce Pass Jeux, mais ils ne veulent pas non plus revivre la période du Covid-19. À l’époque, les Français ont eu du mal à accepter le pass sanitaire. Pour un événement de divertissement comme les Jeux olympiques, on peut imaginer qu’ils soient encore plus réticents à adopter ce QR code.

Quant aux difficultés du secteur de l’hôtellerie, les palaces parisiens sont pleins, mais, en revanche, les hôtels trois étoiles souffrent, avec un taux de fréquentation de 70 %, inférieur à celui de l’année dernière en juillet.

Il faut toutefois rester optimiste sur deux points. Premièrement, les réservations de dernière minute vont très probablement augmenter dès jeudi ou vendredi. Et les 10 à 15 millions de touristes arriveront, les vols étant déjà réservés.

Maintenant, reste à savoir comment ils vont consommer. S’ils se rendent principalement dans les « fan zones » prévues à Paris, cela ne nous aidera pas beaucoup. Deuxièmement, pourront-ils accéder aux lieux qu’ils souhaitent visiter ? Et seront-ils bien informés des modalités d’accès ? Ce sont des questions sans réponse pour le moment.

Vous misez sur ces réservations de dernière minute en espérant qu’elles permettent d’acheminer 15 millions de touristes en France ?

Ce chiffre de 15 millions de touristes pourrait effectivement être atteint grâce aux réservations de dernière minute. Nous serons dans une fourchette de 10 à 15 millions de visiteurs, mais, rappelons-le, sur l’ensemble du territoire. En effet, les villes olympiques ne se limitent pas uniquement à Paris. Elles incluent également Marseille, Lyon, Nice… et même Tahiti, pour le surf.

Vous affirmez qu’un fonds d’indemnisation serait mis en place pour venir au secours des restaurateurs. De quoi s’agit-il ?

Pour pallier la perte de chiffre d’affaires, un fonds d’indemnisation va être mis en place en collaboration avec la préfecture. Mais elles ne seront probablement pas suffisantes et les indemnités ne seront sans doute versées qu’en fin d’année. Certains d’entre nous risquent alors d’avoir déjà mis la clé sous la porte.

En réalité, il faudrait adopter en la matière une politique similaire à celle lancée durant la crise du Covid-19, avec un fonds de soutien plutôt que d’indemnisation. La situation financière de 20.000 commerçants et restaurateurs est aujourd’hui très délicate, avec des trésoreries extrêmement tendues. Nous avons besoin d’aide. Il pourrait être nécessaire d’exonérer les charges sociales pendant un mois. Ces commerçants et restaurateurs sont faciles à identifier, selon les zones de sécurité dans lesquelles ils travaillent.

Il faut noter par ailleurs que les restaurateurs, hormis ceux qui ferment habituellement l’été, avaient demandé à leurs employés de ne pas partir en vacances à la période dans laquelle nous nous trouvons. Piégés, ils proposent des congés payés en urgence, ce qui n’est pas réglementaire, car normalement, il faut prévenir un mois à l’avance. Voilà à quoi nous sommes rendus.

Un dernier mot ?

Vive les Jeux olympiques ! Puissions-nous, les restaurateurs, en profiter également.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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