Choqué par l’inaction et l’indifférence des badauds tandis que son père gisait dans une allée passante du 16e arrondissement, victime d’un malaise cardiaque, Éric veut désormais sensibiliser les citoyens aux gestes de premiers secours afin d’éviter que ce genre de drame se reproduise.
Le mardi 16 juin, un coureur de 66 ans s’effondrait dans une rue du 16e arrondissement de Paris. Parti faire un jogging dans le bois de Boulogne, le père de famille a été victime d’un malaise cardiaque dans une allée arborée près de son domicile.
Jean, un riverain de 20 ans qui passait par là, avait fini par se porter à sa hauteur, tandis que les badauds filmaient la scène ou se détournaient, indifférents.
Le jeune homme avait prévenu les pompiers et tenté de ranimer la victime en lui prodiguant un massage cardiaque, sans succès. Père de cinq enfants et grand-père de quatre petits enfants, le sexagénaire ne s’était jamais relevé.
Premier membre de la famille de la victime à être arrivé sur les lieux du drame, Éric, fils aîné du défunt, s’est confié aux journalistes du Parisien.
« La première chose qui me saute aux yeux, c’est le regard vide de mon père. On m’explique que ça fait plus d’une demi-heure qu’on essaie de le ranimer, mais je comprends qu’il est décédé », raconte le jeune homme de 36 ans.
« En état de choc », il saisit quelques bribes des conversations des policiers et des médecins présents. « J’entends que des gens à quelques mètres n’ont pas réagi ou ont filmé la scène avec leurs téléphones », indique Éric.
Le lendemain, au commissariat, le trentenaire apprend que son père est « resté entre 20 et 25 minutes au sol avant l’intervention de Jean » selon les images issues des caméras de vidéosurveillance. Des images qu’il n’a toutefois pas pu lui-même consulter.
« J’ai fait une demande au procureur de la République pour y avoir accès. S’il y a non-assistance à personne en danger, je suis prêt à aller plus loin. Je ne veux pas tomber dans la haine ni être dans une démarche de vengeance. Mon père n’est pas mort à cause d’eux, mais il serait peut-être encore là si quelqu’un était intervenu ou avait appelé les secours plus tôt. Comme tout homme, il méritait d’être assisté, secouru. Si ça permet de sensibiliser les gens et les convaincre que porter assistance n’est pas une option… Si on peut, on doit le faire, même s’il s’agit seulement d’un appel », précise Éric.
« Je suis retourné sur place aux mêmes heures, et ce n’est pas possible que les gens n’aient pas pu le voir », poursuit ce professeur agrégé qui enseigne l’histoire et la géographie dans un lycée.
« Après la sidération, j’ai ressenti une grande colère, du mépris. J’en voulais à l’humanité et à cette société indifférente. J’ai perdu un peu confiance en l’être humain, mais il y a des personnes comme Jean, par leur attitude, qui me réconfortent et me redonnent espoir. Il a été admirable », ajoute-t-il.
Joggeur mort dans l’indifférence à Paris : «Comme tout homme, mon père méritait d’être assisté»
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« C’était un homme bon, un bon vivant, joyeux, avec des goûts simples »
Près de trois semaines après le drame, Éric ne comprend toujours pas pourquoi son père est resté seul par terre aussi longtemps sans que personne ne réagisse avant l’intervention de Jean.
« Peut-être la peur du Covid ? Peut-être l’effet du témoin comme on l’appelle en sociologie? En voyant une personne en danger, on peut être inhibé et se dire que quelqu’un d’autre va intervenir. C’est un mélange de peur, de lâcheté, d’impuissance », souligne le fils aîné de la victime.
Il souhaite désormais « essayer de retirer du positif de ce drame » et veut notamment promouvoir l’application gratuite Staying Alive lancée avec le concours des sapeurs-pompiers de Paris il y a quelques années. L’application propose des tutoriels sur les gestes de premiers secours ainsi qu’une cartographie des défibrillateurs et alerte les citoyens sauveteurs lorsqu’une personne fait un malaise cardiaque près de l’endroit où ils se trouvent.
« Je vais les contacter et suivre leur formation. Je vais aussi sensibiliser mes élèves à l’éducation morale et civique et militer pour apprendre les gestes qui sauvent », précise Éric.
Une manière aussi de rendre hommage à la mémoire de son père : « C’était un homme bon, un bon vivant, joyeux, avec des goûts simples. Il laisse un grand vide. »
« Il était très dévoué pour ma grand-mère [âgée de 98 ans, ndlr], il l’aidait au quotidien. Les gens qui ont enjambé son corps en quelque sorte ne réalisent pas tout ça, que cet homme avait une histoire, une famille, qu’il était aimé et aimant. Il faut se dire que ça peut arriver à tout le monde et s’imaginer quand on voit quelqu’un qui a besoin d’aide : Si c’était mon frère ? Si c’était mon père ? » conclut le trentenaire.
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