Des faits inhabituels et très surprenants se déroulent ces derniers temps à Hong Kong : un journal local, qui obéit à la ligne de Pékin, tire à boulets rouges sur le haut fonctionnaire chinois en charge de la ville.
Sur ses quatre Unes, entre le 29 septembre et le 4 octobre, le quotidien Sing Pao Daily a avancé des accusations cinglantes à l’encontre de Zhang Dejiang, membre du Comité permanent du Politburo. Cela, qui plus est, à un moment où Zhang est déjà sous une énorme pression en Chine à cause d’un scandale de corruption au sein de son autre ministère, l’assemblée législative nationale. Zhang Dejiang dirige à la fois le Congrès national du peuple et la commission du Parti communiste en charge des régions semi-autonomes de Hong Kong et de Macao.
Dans son entreprise de saper Zhang, Sing Pao l’associe à une clique politique, au sein du Parti communiste, que le journal tient responsable des récents troubles survenus à Hong Kong. Zhang a longtemps été soupçonné d’être un rival de Xi Jinping, le chef du Parti.
Étant donné la nature très inhabituelle des attaques du quotidien Sing Pao, de l’historique de celles-ci et du climat politique actuel, il est fort probable qu’elles s’inscrivent dans les efforts, répartis sur plusieurs fronts, de Xi Jinping. Ce dernier voudrait empêcher Zhang d’initier un faux pas à l’approche d’une réunion politique majeure qui se tiendra à la fin du mois d’octobre et où Xi s’attend à ce que toute la direction du parti soit à l’unisson sur son programme politique.
« La calamité de Hong-Kong »
C’est sous un pseudonyme, que les commentaires de Sing Pao sur Zhang Dejiang sont écrits ; il y est accusé d’avoir « apporté le désastre à Hong Kong » les 13 dernières années.
Zhang, écrit le quotidien, est responsable des massives manifestations pro-démocratie qui ont éclaté à Hong Kong en 2014 ; il a caché l’épidémie mortelle de SRAS survenue dans la province voisine du Guangdong et a permis à la maladie de se propager à Hong Kong, où elle a tué des centaines de personnes ; il a introduit les pratiques de corruption de Chine continentale dans la ville, en y renforçant la présence du Parti ; et il a violemment réprimé une manifestation à Dongzhou, un Village de Guangdong, « une première depuis l’incident du 4 Juin 1989 », invective le journal, en référence au massacre de la place Tiananmen à Pékin en 1989.
Mais Zhang n’a jamais été inquiété pour ses « erreurs » se plaint Sing Pao, parce qu’il était « à l’abri sous la coupelle de Jiang Zemin », l’ancien chef du Parti. « Puisque Zhang Dejiang est soutenu par Jiang Zemin, il échappe à ses responsabilités. »
Même si la véracité des informations contenues dans les articles acerbes de Sing Pao est discutable, son intention d’invectiver Zhang Dejiang et son mentor politique Jiang Zemin est sans équivoque — et très politiquement chargée.
Soutien de Haut niveau
Étant donné que Jiang Zemin, le chef suprême du Parti communiste entre 1989 et 2002, exercerait encore une énorme influence, il serait impossible pour Sing Pao de produire de tels articles sans être à son tour sous un protectorat de haut niveau, estiment les experts.
Le propriétaire de Sing Pao « doit avoir un soutien politique … autrement il encourt la mort », a prophétisé Luo Yu, un ancien chef officier militaire chinois et fils d’un des pères fondateurs de la révolution Luo Ruiqing. Il a livré ses analyses sur la chaîne internationale d’information de langue chinoise New Tang Dynasty Television.
Selon le Hong Kong’s South China Morning post qui rapporte ses propos, Gu Zhuoheng, l’homme d’affaires de chine continentale derrière le journal, aurait déjà déclaré être la cible « d’attaques politiques nourries par la vengeance », depuis sa reprise de Sing Pao en 2015. Et cela car « il ne voulait pas se soumettre à »un certain pouvoir » ».
Heng He, un spécialiste de la Chine et chroniqueur chez Epoch Times, affirme que Sing Pao « agit certainement sur ordre » et que le journal a reçu « un soutien de haut niveau en provenance de Zhongnanhai » pour obtenir la permission de publier les commentaires sur Zhang Dejiang, puisque le journal est sous contrôle du régime.
« Autrement, le Parti communiste chinois n’aurait jamais permis aux médias qui sont sous son autorité de publier de tel points de vues particuliers » assure-t-il.
Heng He soupçonne Wang Qishan, le chef anti-corruption du Parti, d’être derrière Sing Pao, pointant vers un article du 29 septembre du magazine officiel de l’agence anti-corruption, que Sing Pao cite comme preuve de la corruption du régime chinois.
Wang est l’allié du chef du Parti Xi Jinping. La campagne anti-corruption lancée par Xi et supervisée par Wang a pour objectif d’éliminer la puissante faction politique, coiffée par Jiang Zemin, et de permettre à Xi de consolider son contrôle sur le régime.
Suivre la ligne
Depuis le début du mois de septembre, les éléments clés de la faction de Jiang ont reçu de sévères mises en garde.
Le 10 septembre, Huang Xingguo, le secrétaire du parti par intérim de Tianjin, a été soudainement limogé. Huang est l’allié de Zhang Gaoli, membre du Comité permanent du Politburo et un fidèle de Jiang.
Ensuite le 20 septembre, Caixin, magazine financier chinois respecté, a écrit au sujet du magnat du recyclage chinois Chen Guangbiao, qu’il a accusé de fraude, avant d’identifier les cadres destitués Li Dongsheng et Ling Jihua comme ses appuis politiques. Li était autrefois le chef d’une organisation de type Gestapo, qui supervisait la brutale persécution de Jiang Zemin contre le Falun Gong, une pratique spirituelle traditionnelle chinoise. Ling, qui a déjà dirigé le Bureau général secret du parti, est connu pour ses liens avec le tsar déshonoré de la sécurité, Zhou Yongkang, une autre pièce maitresse de l’échiquier de Jiang.
Avant même la publication des articles de Sing Pao sur Zhang Dejiang, ce dernier était sous surveillance. Le 13 septembre, les autorités provinciales du Liaoning ont annulé les votes de 45 de ses 102 délégués au Congrès national du peuple pour avoir acheté des voix. Pour les spécialistes, cette action viserait le natif du Liaoning, Zhang, qui est le chef de la législature nationale du régime.
La série d’actions contre les éléments clés de Jiang se produit la veille de la réunion plénière, un rendez-vous important du Parti qui se tiendra du 24 octobre au 27 octobre. Xi Jinping et les plus hauts dirigeants y discuteront de « la discipline » des « cadres de haut niveau qui siègent au sein du Comité Central, le Politburo et le Comité permanent du Bureau politique ».
Version anglaise : Why a Pro-Beijing Newspaper Is Attacking Hong Kong’s Overseer
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