Après des années de saga judiciaire, Julian Assange, relâché de prison au Royaume-Uni, fait route mardi vers un tribunal fédéral américain dans le Pacifique où il doit plaider coupable aux termes d’un accord qui lui permet de retrouver sa liberté.
Poursuivi pour avoir exposé au grand jour des centaines de milliers de documents confidentiels, cet Australien âgé de 52 ans doit comparaître mercredi à 9h00 locales (mardi 23h00 GMT) devant un tribunal fédéral des îles Mariannes, territoire américain du Pacifique, selon des documents judiciaires rendus publics dans la nuit de lundi à mardi.
« Julian Assange est libre » et a quitté le Royaume-Uni et la prison de haute sécurité proche de Londres, où il était incarcéré depuis 2019, pour embarquer dans un avion privé à l’aéroport de Stansted, a précisé WikiLeaks, se félicitant qu’il puisse retrouver sa femme Stella Assange et leurs enfants, en « résultat d’une campagne mondiale ». L’organisation a ensuite diffusé une vidéo de 13 secondes sur laquelle on le voit monter l’escalier de l’appareil.
Julian Assange boards flight at London Stansted Airport at 5PM (BST) Monday June 24th. This is for everyone who worked for his freedom: thank you.#FreedJulianAssange pic.twitter.com/Pqp5pBAhSQ
— WikiLeaks (@wikileaks) June 25, 2024
Selon des journalistes de l’AFP, l’avion s’est posé à Bangkok mardi vers 12h30 (5h30 GMT) pour une escale technique. Il doit redécoller pour Saipan, aux îles Mariannes, vers 21h00 (14h00 GMT), avait indiqué à l’AFP un responsable thaïlandais sous couvert d’anonymat.
Désormais poursuivi pour « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale », Julian Assange devrait plaider coupable de ce seul chef, selon les documents judiciaires rendus publics, qui citent également sa complice, la militaire américaine Chelsea Manning, à l’origine de cette fuite massive.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, sera « un homme libre » dès que l’accord de plaider coupable sera validé par la justice américaine, a déclaré mardi son épouse à la BBC. « Il y a un accord de principe entre Julian et le département de la Justice » américain « qui doit être validé par un juge dans les îles Mariannes », territoire américain du Pacifique, a déclaré Stella Assange. L’Australien âgé de 52 ans « sera un homme libre une fois l’accord validé par le juge », ce qui arrivera « demain » mercredi, a-t-elle déclaré à la BBC depuis l’Australie.
Une « immense gratitude »
Il devrait être condamné à 62 mois de prison, déjà purgés en détention provisoire à Londres, ce qui lui permettrait de regagner libre son Australie natale.
« Julian est libre!!! », a exulté son épouse Stella Assange, exprimant une « immense gratitude » envers ceux qui se sont mobilisés « depuis des années » pour que sa libération devienne « réalité ».
Julian is free!!!!
Words cannot express our immense gratitude to YOU- yes YOU, who have all mobilised for years and years to make this come true. THANK YOU. tHANK YOU. THANK YOU.
Follow @WikiLeaks for more info soon…pic.twitter.com/gW4UWCKP44
— Stella Assange #FreeAssangeNOW (@Stella_Assange) June 25, 2024
L’avocate sud-africaine, qui a eu deux enfants avec le fondateur de WikiLeaks, s’est refusée à donner davantage de détails quant à cet accord qui sera, dit-elle, « rendu public ». « Je ne veux pas compromettre quoi que ce soit », a-t-elle souligné.
« La priorité est à présent que Julian retrouve la santé », « il est dans un état terrible depuis cinq ans » et souhaite « être en contact avec la nature », a-t-elle ajouté. « C’est ce que nous désirons tous les deux pour le moment, et avoir du temps et de l’intimité et simplement commencer ce nouveau chapitre », a-t-elle poursuivi. « Je suis très émue », a déclaré Stella Assange, « c’est enfin fini ».
« Je suis reconnaissante que le calvaire de mon fils touche enfin à sa fin. Cela montre l’importance et le pouvoir de la diplomatie discrète », a déclaré sa mère, Christine Assange, dans un communiqué diffusé par les médias australiens. « Beaucoup se sont servis de la situation de mon fils pour promouvoir leur propre cause. Je suis donc reconnaissante envers les personnes invisibles et travailleuses qui ont fait passer le bien-être de Julian en premier », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement australien a également commenté ce dénouement en estimant que l’affaire Assange avait « traîné en longueur depuis trop longtemps » et que son maintien en détention ne présentait plus aucun intérêt.
Emma Shortis, une chercheuse du groupe de réflexion The Australia Institute, a déclaré à l’AFP que Canberra et Washington « reconnaissaient que cela devait cesser ». « Il était tout simplement impossible que cela ne devienne pas un problème pour l’alliance » américano-australienne, a-t-elle ajouté.
Cet accord met un terme à une saga de près de 14 ans. Il est intervenu alors que la justice britannique devait examiner, les 9 et 10 juillet, un recours de Julian Assange contre son extradition vers les États-Unis, approuvée par le gouvernement du Royaume-Uni en juin 2022.
700.000 documents confidentiels
Il se battait pour ne pas être livré à la justice américaine qui le poursuit pour avoir rendu publics à partir de 2010 plus de 700.000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.
Parmi ces documents figure une vidéo montrant des civils, dont deux journalistes de l’agence Reuters, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.
Visé par 18 chefs d’accusation, il encourait en théorie jusqu’à 175 ans de prison en vertu de la loi sur l’espionnage. Chelsea Manning avait pour sa part été condamnée en août 2013 à 35 ans de prison par une cour martiale, mais avait été libérée au bout de sept ans après commutation de sa peine par le président Barack Obama.
Dernier rebondissement dans cette affaire au long cours devenue un symbole pour ses partisans des menaces pesant sur la liberté de la presse, deux juges britanniques avaient accordé en mai à Julian Assange le droit de faire appel contre son extradition. Cet appel devait notamment porter sur la question de savoir s’il bénéficierait de la protection de la liberté d’expression en tant qu’étranger dans le système juridique américain.
Le fondateur de WikiLeaks avait été arrêté par la police britannique en avril 2019, après sept ans passés dans l’ambassade d’Équateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année.
Depuis, les appels se sont multipliés pour que l’actuel président américain Joe Biden abandonne les charges retenues contre lui. L’Australie a présenté une demande officielle en ce sens en février que M. Biden a dit examiner, suscitant l’espoir chez ses soutiens.
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