Héros traqué de la liberté d’informer, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange a perdu vendredi 10 décembre une étape importante dans sa bataille pour éviter l’extradition vers les Etats-Unis.
Les États-Unis veulent juger l’Australien de 50 ans pour une fuite massive de documents. Une juge britannique s’y était opposée en première instance, mettant en avant un risque de suicide s’il était extradé. Mais après des assurances de Washington sur ses conditions de détention, la Haute Cour de Londres a cassé vendredi 10 décembre cette décision.
Emprisonné depuis 11 ans
Les avocats d’Assange ont cependant l’intention de saisir la Cour suprême, selon sa compagne Stella Moris, qui a souligné vendredi qu’il était privé de liberté depuis 11 ans.
Les Etats-Unis reprochent à Julian Assange d’avoir diffusé, à partir de 2010 sur sa plateforme WikiLeaks plus de 700.000 documents concernant les activités militaires et diplomatiques de Washington, notamment en Irak et Afghanistan.
Il risque jusqu’à 175 ans de prison et est détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans l’est de Londres, depuis deux ans et demi. Il y avait été écroué immédiatement après avoir été extrait en avril 2019 de l’ambassade d’Equateur, où il s’était réfugié sept ans plus tôt, déguisé en coursier.
Pendant ses années de réclusion dans ces locaux diplomatiques, Assange a eu deux enfants avec Stella Moris, l’une de ses avocates.
Son image de « cyber-warrior » aux cheveux blancs s’était brouillée, en particulier avec la diffusion par sa plateforme, en 2016, pendant la campagne présidentielle américaine, de milliers de courriels piratés provenant du Parti démocrate et de l’équipe d’Hillary Clinton.
Ces révélations avaient alors suscité des éloges appuyés du candidat Donald Trump, qui avait lancé lors d’un meeting : « J’adore WikiLeaks ! » Selon la CIA, ces documents ont été obtenus auprès d’agents russes, ce que nie la plateforme.
Cet épisode a alimenté les soupçons, par ses détracteurs, de collusion avec la Russie d’un Julian Assange dont les révélations se font souvent au détriment des Etats-Unis, et qui a collaboré avec la chaîne de télévision RT, proche du Kremlin.
Balloté dès son enfance, il devient un hacker redouté
L’Australien a commencé sa vie ballotté de droite à gauche par sa mère, Christine Ann Assange, une artiste de théâtre séparée de son père avant sa naissance.
Il compare son enfance à celle de Tom Sawyer, entre construction de radeau et explorations de son environnement. A 15 ans, il a déjà vécu dans plus de 30 villes australiennes avant de se poser à Melbourne où il étudie les mathématiques, la physique et l’informatique.
Happé par la communauté des hackers, il commence à pirater les sites internet de la Nasa ou du Pentagone en utilisant le pseudonyme de « Mendax ».
Il lance Wikileaks pour « démasquer les secrets et abus d’État »
Lorsqu’il lance WikiLeaks pour « libérer la presse » et « démasquer les secrets et abus d’État », il devient, selon un de ses biographes, « l’homme le plus dangereux du monde ».
Il devient connu du grand public en 2010 avec la publication des centaines de milliers de documents américains. Il est alors présenté comme un champion de la liberté d’informer.
Dix ans avant son élection à la présidence des Etats-Unis, Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, estimait lui que Julian Assange s’apparentait davantage à un « terroriste high tech » qu’à un héritier des « Pentagon papers » ayant révélé dans les années 1970 les mensonges des États-Unis sur la guerre du Vietnam.
« Selon le vice-président nord-américain, la vérité sur les États-Unis, c’est du terrorisme », avait rétorqué Assange.
Sa notoriété grandit, les critiques s’accumulent.
En 2011, cinq journaux dont The New York Times, The Guardian et Le Monde, associés à WikiLeaks condamnent la méthode de la plateforme, qui rend publics des télégrammes du département d’État américain non expurgés. Ils estiment que les documents sont susceptibles de « mettre certaines sources en danger ».
Mais un noyau dur lui est resté fidèle, à l’instar de la créatrice britannique Vivienne Westwood, et nombre d’associations de journalistes ou de défense des droits humains.
Vendredi, sa compagne a estimé que la décision de la Haute Cour à Londres allait « contre les fondamentaux de la liberté de la presse et de la démocratie ».
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