Julie, de Moscou au Bosphore, en route pour la France

Par Epoch Times avec AFP
17 mars 2022 15:32 Mis à jour: 17 mars 2022 15:32

Elle cherche en français les mots qui lui viennent d’abord en russe. Assise avec vue sur le Bosphore, un thé en main dans le quartier branché de Cihangir à Istanbul, Julie Ledevea essaie de se figurer l’avenir.

« On a vite appris qu’il faut plutôt se montrer pessimiste dans cette situation », confie la jeune femme de 23 ans.

Julie est arrivée de Moscou, sa ville, le 4 mars avec son fiancé russe, Ramil.

Née à Moscou d’un père breton et d’une mère russe

Une semaine après le début de l’offensive russe sur l’Ukraine, les rumeurs de « mobilisation » et de « fermeture des frontières » ont commencé à circuler: « ils en parlaient seulement.. mais on le sait, ça commence toujours comme ça ».

Née à Moscou d’un père breton et d’une mère russe, Julie Ledevea a passé sa vie en Russie, où elle travaillait dans le marketing, parle russe, a suivi l’école russe, se sent russe. La Russie, « c’est mon pays », insiste-t-elle, le regard bleu faïence perdu au-dessus des toits.

Et Vladimir Poutine, « son » président depuis qu’elle est née.

« On est +la génération des enfants de Poutine+ », sourit-elle. « Quand je venais en vacances l’été, chez mon grand-père à Melrand, dans le Morbihan, je me demandais pourquoi les Français changeaient comme ça de président. Alors que nous, on avait toujours le même… »

Le risque est de voir Ramil appelé sous les drapeaux

Après avoir vécu le choc de l’entrée en guerre dans la nuit du 24 février, le 4 mars, le jeune couple réagit vite. Le risque est de voir Ramil appelé sous les drapeaux ou de rester bloqués.

« A 07H00 le matin on a acheté les billets. Ils étaient passés de 5.000 à 100.000 roubles. Donc pas offerts à tout le monde », relève-t-elle.

Ca fait combien? Elle éclate de rire: « Je n’en ai plus la moindre idée, ça change tout le temps! »

Sous l’effet des sanctions occidentales contre la Russie, le rouble bat chaque jour de nouveaux records à la baisse: 110 roubles pour un dollar le 1er mars, 140 six jours plus tard… Du jamais vu.

la Turquie devenait l’une des dernières échappées

En outre, toujours à cause des sanctions, les vols internationaux se raréfiaient tandis que la Turquie devenait l’une des dernières échappées hors d’une Russie isolée du reste du monde.

-Russo-française Julie Ledevea avec son petit ami Ramil à Istanbul le 16 mars 2022. Née à Moscou d’un père breton et d’une mère russe. Photo de YASIN AKGUL/AFP via Getty Images.

« En douze heures, on a tout nettoyé, fait les bagages -deux valises-, appelé les amis et la famille pour les prévenir. »

« C’était très émotionnel », souffle-t-elle en franglais. L’émotion partagée ce jour-là reste vivace.

Quelques jours après leur arrivée, les cartes de crédit russes ont été suspendues, semant la panique parmi les nouveaux arrivants. « Il y avait des queues devant les distributeurs, que des Russes. »

Depuis, le couple vit sur le liquide retiré ce jour-là. C’est Ramil qui tient les comptes.

Les jeunes gens partent en ce moment 

Son fiancé est programmeur informatique. Beaucoup de ceux qui sont partis, dans les 25-40 ans, savent qu’ils peuvent travailler à distance, souligne-t-elle. Ils sont dans la tech, le design, le marketing, l’informatique…

« Comment n’ont-ils (le gouvernement russe) pas encore compris que tous les jeunes gens intelligents (elle veut dire « éduqués ») partent en ce moment ? »

Sa sœur de 20 ans a opté pour Tbilissi, en Géorgie.

Après avoir vécu le choc de l’entrée de la Russie dans la guerre contre l’Ukraine dans la nuit du 24 février, julie et son petit ami ont décidé de quitter leur pays pour la Turquie le 4 mars. Photo de YASIN AKGUL/AFP via Getty Images.

Julie et Ramil ne savent pas encore ce qu’ils veulent faire, à part se marier au plus vite, si possible en France: « J’ai une famille là-bas, une maison, une mairie… ».

Mais les ambassades de Russie et de France ne leur donnent aucune consigne claire et des deux côtés, les délais s’allongent pour un simple rendez-vous. « Une de mes collègues a pu se marier en un jour à Tbilissi, je vais voir. »

Julie et Ramil voulaient quitter la Russie, « comme tous les jeunes »

« On essaie de se rencontrer entre Russes, d’échanger des informations pour l’argent et le logement, de louer des appartements à plusieurs. Dans la rue quand j’entends parler russe j’essaie d’aider… » 

Julie et Ramil voulaient quitter la Russie, « comme tous les jeunes », dit-elle. « Mais pas comme ça, pas si vite. »

Julie Ledevea a passé sa vie en Russie, où elle a travaillé dans le marketing, parle russe, a fréquenté l’école russe, et se sent Russe.  Photo de YASIN AKGUL/AFP via Getty Images.

« Chaque année en suivant les informations, on voyait la situation se dégrader. » Julie avait participé en famille aux manifestations en faveur de l’opposant Alexeï Navalny, bête noire du Kremlin victime d’une tentative d’empoisonnement.

Elle songe à ses parents, restés à Moscou avec son jeune frère. Pas encore inquiète.

« C’est plus difficile pour eux, ils sont installés, ils ont fondé une entreprise (de maroquinerie), ils ont des responsabilités. » Elle redoute qu’on leur demande un jour de choisir entre le passeport russe et le français.

Mais même si elle espère s’installer en Europe, Julie veut retourner un jour en Russie: « Voir mes parents, mes amis, voir Moscou: j’ai grandi là-bas, j’ai tout pris de cette culture, c’est très difficile de quitter tout ça… »

 

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