William Malet, qui a reconnu avoir tué trois Kurdes en décembre à Paris, voulait « faire un attentat », a-t-il expliqué lors d’un récent interrogatoire, avant de nuancer ses propos et de confesser « des fantasmes sadiques » couplés à une envie de se suicider.
Le matin du 23 décembre, ce conducteur de train retraité se rend armé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour « faire un attentat », relate-t-il le 7 mars devant un juge d’instruction lors d’un interrogatoire consulté par l’AFP.
Un attentat, c’est « tirer sur des étrangers », ajoute-t-il. Il comptait se suicider ensuite « pour que sa mort ne passe pas inaperçue ». Après son arrestation, M. Malet avait déjà confié s’être rendu à Saint-Denis pour y tuer des étrangers, mais y avoir renoncé. À la lecture par le magistrat de la définition d’un attentat, il précise que son attaque « c’est pas idéologique vraiment » et qu’il se retrouve « vaguement » dans l’énoncé d’un « acte qui heurte les droits, les grands principes, les traditions ».
Une analyse psychiatrique complémentaire
À la suite de l’expertise psychiatrique réalisée en janvier et de cet interrogatoire, le parquet de Paris, interrogé par les juges d’instruction le 14 mars « sur une éventuelle requalification des faits en acte de terrorisme », a transmis le dossier au parquet national antiterroriste (Pnat) pour évaluation, a-t-il indiqué samedi, sollicité par l’AFP. Le Pnat, sollicité par l’AFP, a confirmé avoir « réalisé une analyse complémentaire à l’évaluation diligentée dès la commission des faits ».
« En l’espèce, il ne résulte ni des déclarations de l’intéressé ni d’aucun autre élément de la procédure que son acte a été conçu et perpétré dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, même s’il a de fait suscité un tel trouble », a estimé le Pnat.
Conclusion des experts
« Sa personnalité très perturbée qui a conduit les experts à conclure à une altération du discernement, ses fantasmes de meurtre, sa haine générale des étrangers, son désir de vengeance et de célébrité posthume inscrivent son acte dans une démarche exclusivement personnelle », selon le Pnat. Le parquet de Paris a indiqué avoir de fait « adressé le 13 avril aux trois juges d’instruction co-saisis un avis défavorable à une requalification des faits ». William Malet reste donc mis en examen pour assassinats et tentatives d’assassinats à caractère raciste.
« L’avancée de l’instruction montre que les motivations de l’acte se trouvent hors du champ politique ou idéologique », considère son avocat, M. Clément Pialoux. « Il ne s’agit pas d’une entreprise terroriste au sens de la loi en vigueur. Les faits sont graves et doivent être jugés pour ce qu’ils sont ».
Un « attentat politique » ?
M. David Andic, avocat du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), reste, lui, convaincu qu’il s’agit d’un « attentat politique ». Le jour des faits, incapable de mettre à exécution son projet à Saint-Denis faute de monde et encombré par son sac, William Malet rentre chez ses parents dans le IIe arrondissement de Paris et se rend rue d’Enghien (Xe). Il tue avec son arme trois personnes près du CDK-F, « un repaire » du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon lui. Il s’est attaqué à des Kurdes parce qu’il ne « tolère pas ce qu’ils ont fait avec Daech », le groupe État islamique, explique-t-il au magistrat. « Ils ont fait des tas de prisonniers et ils les ont pas livrés à Bachar Al-Assad et on les récupère en France ». Le CDK-F, « c’est un truc très militant (…) c’est des ultra-nationalistes ».
« C’était pas un attentat c’était une attaque »
Au fil de l’interrogatoire, le retraité de 70 ans tempère ses propos : « c’était pas un attentat c’était une attaque. (…) Il y a pas le côté politique. » Questionné par son avocat, il explique que la tuerie est « la suite » du cambriolage de son pavillon en 2016. Il a été condamné pour avoir blessé ses cambrioleurs – il a fait appel – et ses armes avaient été saisies. « Les armes c’était toute ma vie. C’est comme si on avait tué vingt personnes de ma famille quand je les ai perdues », confesse-t-il.
Ancien parachutiste, détenteur d’un brevet de pilote, il a appris le russe et l’hébreu, croit aux extra-terrestres. Il a mûri son projet criminel à sa sortie de prison (pour avoir attaqué des migrants en décembre 2021), lors d’insomnies. Il avoue avoir « des fantasmes sadiques », rêvant d’empaler des personnes et avoir « toujours fantasmé (tuer) des gens ». Il regrette d’avoir « loupé son suicide », mais reste « assez froid, indifférent » face aux trois morts et trois blessés qu’il a causés et ne parvient pas à avoir des remords.
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