Après 13 ans d’attente, les voilà enfin dans l’espace Schengen. La Roumanie et la Bulgarie ont officiellement fait leur entrée à minuit heure locale (22h00 GMT) dans cette vaste zone de libre circulation, à l’exception notable des frontières terrestres.
Sur les routes, les contrôles seront pour l’heure maintenus, au grand dam des chauffeurs routiers. La faute au veto de l’Autriche, seul pays réfractaire dans l’UE par peur d’un afflux de demandeurs d’asile.
Malgré cette adhésion partielle, limitée donc aux aéroports et aux ports maritimes, l’étape a une forte valeur symbolique. « Il s’agit d’un grand succès pour les deux pays », a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans un communiqué. « Le moment est historique pour l’espace Schengen, le plus grand espace de libre circulation au monde. Ensemble, nous construisons une Europe plus forte et plus unie pour tous nos citoyens », a-t-elle affirmé.
« Question de dignité »
La ministre roumaine de la Justice Alina Gorghiu est persuadée que cette normalisation va attirer les investisseurs et profiter à la prospérité du pays. « L’attractivité de la Roumanie s’en trouve renforcée et à terme, cela va favoriser la hausse du tourisme », a-t-elle affirmé samedi lors d’une conférence. Adhérer enfin, c’est « une question de dignité », note Stefan Popescu, expert en relations internationales basé à Bucarest. « Tout Roumain, quand il empruntait une ligne séparée des autres ressortissants européens, se sentait traité différemment », dit-il à l’AFP.
Le Bulgare Ivan Petrov, 35 ans, cadre marketing vivant en France, salue lui aussi « un grand pas en avant », « un gain de temps » et des voyages « moins stressants » en perspective. Dans l’aéroport de la capitale roumaine, où la majorité des vols desservent l’espace Schengen, les équipes se sont affairées toute la semaine pour préparer cette petite révolution. Avec la promesse d’un renforcement des effectifs pour mener des contrôles inopinés, notamment à l’égard des mineurs « afin d’éviter qu’ils ne soient la proie de réseaux de traite d’êtres humains », selon le gouvernement.
Les agents déployés seront aussi là pour « guider les passagers et identifier ceux qui en profiteraient pour quitter illégalement la Roumanie ». Car il faut montrer patte blanche pour espérer lever les réticences de Vienne. Et devenir des membres à part entière de l’espace Schengen, au sein duquel plus de 400 millions de personnes peuvent voyager librement, sans contrôles permanents aux frontières intérieures.
La Croatie, pourtant entrée dans l’UE après la Roumanie (19 millions d’habitants) et la Bulgarie (6,5 millions), membres depuis 2007, leur avait damé le pion en janvier 2023. Avec cette double entrée, cette zone créée en 1985 comprendra désormais 29 membres : 25 des 27 États de l’Union européenne ainsi que leurs voisins associés que sont la Suisse, le Liechtenstein la Norvège et l’Islande. Exclus du processus, les transporteurs routiers ne décolèrent pas.
L’attente dure « de 8 à 16 heures » à la frontière avec la Hongrie, « de 20 à 30 heures avec la Bulgarie, avec des pics à trois jours » dans les deux cas, a déploré dans un communiqué l’un des principaux syndicats roumains du secteur, déplorant « des pertes financières » colossales. « Nous avons patienté 13 ans, nous sommes à bout », réagit le secrétaire général Radu Dinescu.
« Processus irréversible »
Même coup de gueule du côté des patrons bulgares. « Seulement 3% des marchandises bulgares sont acheminées par air et mer, les 97% restants circulant par voie terrestre », affirme Vassil Velev, président de l’organisation BICA (Bulgarian Industrial Capital Association), interrogé par l’AFP. « Nous sommes donc à 3% dans Schengen et ne savons pas à quelle date nous serons autorisés à adhérer complètement », déplore-t-il.
S’il espère des avancées d’ici la fin de l’année, l’entrepreneur craint de faire les frais des élections législatives prévues fin septembre en Autriche, alors que le chancelier conservateur Karl Nehammer doit faire face à la montée dans les sondages de l’extrême droite.
Dans tous les cas, Sofia comme Bucarest ont averti : il n’y aura pas de retour en arrière. « Il est clair que ce processus est irréversible », a déclaré début mars le ministre de l’Intérieur roumain, Catalin Predoiu, appelant à le boucler en 2024.
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