La conscience peut-elle exister sans cerveau ?

Les scientifiques ont déployé des efforts considérables pour trouver l'insaisissable corrélat anatomique de la conscience. Pourtant, les origines de la conscience restent floues

Par Dr Yuhong Dong MD, Ph.D. et Makaï Albert
8 octobre 2024 20:36 Mis à jour: 8 octobre 2024 20:59

Voici la première partie de la série « D’où vient la conscience ? ».
Cette série se penche sur les recherches menées par des médecins renommés pour explorer des questions profondes sur la conscience, l’existence et ce qui peut se trouver au-delà.

« En tant que neurochirurgien, on m’a appris que le cerveau créait la conscience », a déclaré le Dr Eben Alexander, qui a décrit en détail son expérience de la conscience alors qu’il était plongé dans un coma profond.

De nombreux médecins et étudiants en biomédecine ont sans doute reçu le même enseignement sur la conscience. Cependant, les scientifiques débattent encore de la véracité de cette théorie.

Imaginons un enfant qui observe un éléphant pour la première fois. La lumière se reflète sur l’animal et pénètre dans les yeux de l’enfant. Les photorécepteurs de la rétine, situés à l’arrière des yeux, convertissent cette lumière en signaux électriques, qui transitent par le nerf optique jusqu’au cortex du cerveau. C’est ainsi que se forme la vision ou la conscience visuelle.

Comment ces signaux électriques se transforment-ils miraculeusement en une image mentale vivante ? Comment se transforment-ils en pensées de l’enfant, suivies d’une réaction émotionnelle – « Wouah, l’éléphant est si gros ! ».

La question de savoir comment le cerveau génère des perceptions subjectives, notamment des images, des sentiments et des expériences, a été qualifiée de « problème difficile » par le chercheur australien en sciences cognitives David Chalmers en 1995.

Il s’avère que le fait d’avoir un cerveau n’est peut-être pas une condition préalable à la conscience.

Sans cerveau, mais pas sans cervelle

La revue The Lancet a recensé le cas d’un Français chez qui on a diagnostiqué une hydrocéphalie postnatale – un excès de liquide céphalo-rachidien sur ou autour du cerveau – à l’âge de 6 mois.

Malgré son état, il a grandi en bonne santé, s’est marié, a eu deux enfants et a travaillé comme fonctionnaire.

À l’âge de 44 ans, il s’est rendu chez le médecin en raison d’une légère faiblesse de la jambe gauche. Les médecins lui ont fait un scanner complet de la tête et ont découvert que le tissu cérébral avait presque entièrement disparu. La majeure partie de l’espace dans son crâne était remplie de liquide, et il ne restait qu’une fine couche de tissu cérébral.

« Le cerveau était pratiquement absent », a écrit l‘auteur principal de l’étude de cas, le docteur Lionel Feuillet, du service de neurologie de l’hôpital de la Timone à Marseille.

L’homme menait une vie normale et n’avait aucun problème pour voir, sentir ou percevoir les choses.

La revue The Lancet a rapporté le cas d’un fonctionnaire français diagnostiqué d’hydrocéphalie postnatale à l’âge de 6 mois. Plus tard, une IRM a révélé une hypertrophie massive des ventricules latéraux, troisième et quatrième, un manteau cortical très fin et un kyste de la fosse postérieure. (Illustré par Epoch Times)

Le cortex cérébral normal est responsable des sens et des mouvements, et l’hippocampe est responsable de la mémoire. Les patients atteints d’hydrocéphalie perdent ces régions cérébrales ou en ont un volume nettement inférieur, ce qui ne les empêche pas d’exercer les fonctions correspondantes.

Même sans cerveau substantiel, ces personnes peuvent avoir des fonctions cognitives supérieures à la moyenne.

Le professeur John Lorber (1915-1996), neurologue à l’université de Sheffield, a analysé plus de 600 cas d’enfants atteints d’hydrocéphalie. Il a constaté que la moitié des quelque 60 enfants atteints du type le plus grave d’hydrocéphalie et d’atrophie cérébrale avaient un QI supérieur à 100 et menaient une vie normale.

Parmi eux, un étudiant universitaire avait d’excellentes notes, un diplôme de mathématiques avec mention, un QI de 126 et une vie sociale normale. Le cerveau de ce génie des mathématiques n’avait qu’un millimètre d’épaisseur, alors que celui d’une personne moyenne mesure généralement 4,5 centimètres d’épaisseur, soit 44 fois plus.

Une analyse de plus de 600 cas d’enfants atteints d’hydrocéphalie a révélé que sur les 60 cas où le liquide occupait 95 % du crâne, environ 30 avaient un QI supérieur à la moyenne. Le côté droit de la figure illustre l’image cérébrale d’un étudiant universitaire avec un cerveau d’1 mm d’épaisseur qui avait un QI de 126, le plaçant dans les 5 % supérieurs de la tranche supérieure de la population. (Epoch Times)

Les conclusions du Pr Lorber ont été publiées dans la revue Science en 1980 sous le titre Is Your Brain Really Necessary ? (Votre cerveau est-il vraiment nécessaire ?).

Le cerveau invisible

« Ce qui est important chez  le Pr Lorber, c’est qu’il a effectué une longue série d’analyses de scans systématiques au lieu de se contenter d’anecdotes », aurait déclaré Patrick Wall (1925-2001), professeur d’anatomie à l’University College de Londres, dans un article de Roger Lewin publié dans Science en 1981 à propos de l’article du Pr Lorber.

Les cas de personnes dépourvues de cerveau remettent en question les enseignements conventionnels selon lesquels la structure cérébrale est à l’origine de la conscience. Notre cerveau – qui pèse environ 1,4 kg et compte environ deux milliards de neurones reliés par quelque 500.000 milliards de synapses – est-il la véritable source de la conscience ?

Certains scientifiques ont proposé que des structures profondes et invisibles dans le cerveau expliquent les fonctions cognitives normales, même en cas d’hydrocéphalie grave. Ces structures peuvent ne pas être facilement visibles sur les scanners cérébraux conventionnels ou à l’œil nu. Cependant, le fait qu’elles ne soient pas facilement visibles ne signifie pas qu’elles n’existent pas ou qu’elles ne sont pas importantes pour les fonctions cérébrales.

« Pendant des centaines d’années, les neurologues ont supposé que tout ce qui leur était cher était réalisé par le cortex, mais il se pourrait bien que les structures profondes du cerveau réalisent un grand nombre des fonctions supposées être du seul ressort du cortex », commente le Pr Wall dans l’article de 1981.

Ces structures profondes inconnues « sont sans aucun doute importantes pour de nombreuses fonctions », a noté le neurologue Norman Geschwind (1926-1984) de l’hôpital Beth Israel, affilié à l’université de Harvard, dans l’article de 1981.

En outre, les structures profondes « sont presque certainement plus importantes qu’on ne le pense actuellement », a déclaré David Bowsher, professeur de neurophysiologie à l’université de Liverpool, au Royaume-Uni, dans le même article.

La source de la conscience peut se trouver dans des domaines que nous n’avons pas encore explorés. Lorsque les théories médicales ne parviennent pas à résoudre un mystère, la physique peut intervenir pour donner un tour à l’intrigue, en particulier la physique quantique.

Au-delà des neurones

« Pour comprendre la conscience, nous ne pouvons pas nous contenter de regarder les neurones », a déclaré à Epoch Times le Dr Stuart Hameroff, directeur du Centre d’études sur la conscience de l’université de l’Arizona.

Même des organismes unicellulaires comme la paramécie adoptent des comportements réfléchis, comme nager, éviter des obstacles, s’accoupler et, surtout, apprendre, sans avoir une seule synapse ou faire partie d’un réseau neuronal.

Même les organismes unicellulaires comme les paramécies présentent des comportements intentionnels tels que nager, éviter les obstacles, s’accoupler et apprendre sans avoir une seule synapse ou faire partie d’un réseau neuronal. (Lebendkulturen.de/Shutterstock)

Selon le Dr Hameroff, ces comportements intelligents, voire conscients, sont médiés par des microtubules à l’intérieur de la paramécie. Ces mêmes microtubules se trouvent dans les neurones du cerveau et dans toutes les cellules animales et végétales.

Les microtubules, comme leur nom l’indique, sont de minuscules tubes à l’intérieur des cellules. Ils jouent un rôle essentiel dans la division cellulaire, le mouvement et le transport intracellulaire et semblent être les porteurs d’information dans les neurones.

Les protéines qui composent les microtubules (tubuline) sont « les protéines les plus répandues ou les plus abondantes dans l’ensemble du cerveau », a déclaré le Dr Hameroff à Epoch Times. Il émet l’hypothèse que les microtubules jouent un rôle clé dans la conscience humaine.

« Parce que lorsqu’on regarde à l’intérieur des neurones, on voit tous ces microtubules, et ils forment un réseau périodique, ce qui est parfait pour le traitement de l’information et les vibrations », a détaillé le Dr Hameroff.

En raison de leurs propriétés, les microtubules fonctionnent comme des antennes. Le Dr Hameroff affirme qu’ils servent de « dispositifs quantiques » pour transduire la conscience à partir d’une dimension quantique.

Dispositifs quantiques

Le physicien, mathématicien et lauréat du prix Nobel britannique Sir Roger Penrose et le Dr Hameroff ont émis l’hypothèse d’une théorie selon laquelle les processus quantiques génèrent la conscience.

Le terme « quantique » fait référence à de minuscules unités d’énergie ou de matière à un niveau microscopique. Ses caractéristiques uniques peuvent nous aider à comprendre de nombreuses choses que la science actuelle ne peut expliquer.

En termes simples, les microtubules agissent comme un pont entre le monde quantique et notre conscience. Ils prennent les signaux quantiques, les amplifient, les organisent et, d’une manière ou d’une autre, par des processus que nous ne comprenons pas entièrement, les transforment en sentiments, perceptions et pensées qui constituent notre conscience.

Les microtubules peuvent expliquer des faits déconcertants concernant le cerveau. Le Dr Hameroff suppose que le cerveau des personnes nées avec une hydrocéphalie peut s’adapter car les microtubules contrôlent la neuroplasticité et réorganisent le tissu cérébral.

« Au fil du temps, les microtubules de ce cerveau s’adaptent et se réorganisent pour maintenir la conscience et la cognition », a-t-il déclaré.

Par conséquent, selon le Dr Hameroff, notre cerveau sert de processeur d’information, recevant des signaux de l’univers et les transformant en conscience.

Le cerveau traite les informations à plusieurs échelles, chacune vibrant à des fréquences différentes. Les ondes cérébrales oscillent lentement entre 0,5 et 100 hertz (Hz). Les neurones individuels se déclenchent plus rapidement à 500-1000 Hz. À l’intérieur des neurones, les microtubules vibrent beaucoup plus rapidement, dans la gamme des mégahertz. À l’échelle quantique la plus infime, les fréquences atteignent des niveaux incroyablement élevés, théoriquement jusqu’à 10^43 Hz.

Selon le neuroscientifique Hameroff et le lauréat du prix Nobel Sir Roger Penrose, notre cerveau fonctionne comme un processeur d’informations, recevant des signaux de l’univers et les transformant en conscience. Les microtubules, les protéines les plus abondantes dans les neurones, peuvent servir de pont pour collecter les ondes du monde quantique dans notre cerveau. Une fois traitées dans le cerveau, la conscience est générée.

D’autres scientifiques utilisent également des théories quantiques alternatives pour expliquer les activités mentales. Une étude publiée dans Physical Review E montre que les vibrations des molécules lipidiques dans la gaine de myéline peuvent créer des paires de photons quantiquement intriqués. Elle suggère que cette intrication quantique pourrait contribuer à synchroniser l’activité cérébrale, ce qui permettrait de mieux comprendre la conscience.

Un orchestre quantique

« Plutôt qu’un ordinateur composé de simples neurones, le cerveau est un orchestre quantique », décrit le Dr Hameroff, »parce qu’il y a des résonances, des harmonies et des solutions sur différentes fréquences, un peu comme en musique. Je pense donc que la conscience s’apparente davantage à de la musique qu’à un calcul.

La science est en constante évolution. L’étude de la conscience est encore un domaine de recherche active et de débat dans les neurosciences et la philosophie.

Cependant, chaque nouvelle découverte ouvre de nouvelles possibilités. Alors que nous continuons à explorer ces mystères, restons curieux et ouverts d’esprit.

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