La France, terre d’accueil des investisseurs étrangers ou foyer d’explosion sociale? L’image de la France comme destination de choix est écornée par le blocage sur la réforme des retraites qui ravive les vieux démons d’un pays économiquement instable.
« Ce que nous entendons de nos clients, des différents groupes de décideurs auxquels nous participons, c’est qu’il n’y a pas de panique mais de la préoccupation », observe auprès de l’AFP Marc Lhermitte, associé au cabinet EY, qui publie chaque année un baromètre européen sur l’attractivité des États en matière de projets d’implantation.
Cette préoccupation vient davantage des dirigeants de filiales en France, « qui essayent de remporter des arbitrages au sein de leurs groupes et qui prennent cela assez au sérieux », poursuit-il, citant surtout des interrogations sur le moyen terme et la capacité du gouvernement à poursuivre ses réformes. « Vu de loin, de New York, Kansas City ou Londres, les problèmes en France ne sont pas sur le premier radar », relativise toutefois M. Lhermitte.
« Une potentielle incapacité future à gouverner »
Au milieu d’une actualité internationale bousculée par les conséquences de la guerre en Ukraine et la hausse des prix presque partout dans le monde, les images de Paris sous les incendies de poubelles et attaquée par les casseurs ont toutefois fait le tour du monde, ravivant auprès des milieux d’affaires le souvenir des gilets jaunes et d’une France en grève. Au-delà des images, la presse économique, vitrine de l’attractivité française, n’a parfois pas ménagé le gouvernement. L’agence américaine Bloomberg a affirmé que le président français « s’est peut-être transformé en canard boiteux » en allusion à une potentielle incapacité future à gouverner, tandis que le Financial Times a appelé à « inaugurer une sixième République moins autocratique ».
L’agence de notation Moody’s a de son côté dit craindre que l’usage du très contesté article 49-3 pour faire passer la réforme des retraites pourrait « compliquer » l’adoption de futures réformes structurelles, pourtant vantées par l’exécutif pour accueillir les entreprises étrangères, à l’instar des réformes fiscales et de celles du marché du travail.
De solides résultats en matière d’investissements étrangers
Bien qu’elle note un regain d’intérêt des investisseurs étrangers pour la France ces derniers mois, l’avocate spécialisée en fusions et acquisitions internationales Nathalie Younan confie à l’AFP qu’« à chaque fois qu’on commence une réunion, la première question est : comment ça se passe à Paris ? »
« Pour certains, c’est la première fois qu’ils vont mettre les pieds en France, c’est donc un peu plus inquiétant », poursuit la juriste associée au cabinet FTPA, au sujet de ces investisseurs qui se demandent « si c’est le bon moment pour faire leurs premiers pas » dans l’Hexagone. « Pour d’autres, qui ont déjà des activités et qui veulent s’étendre, il y a parfois un regard presque amusé ou ironique sur la France », ajoute-t-elle, notant que globalement les événements ne sont pas de nature à faire hésiter les entreprises sur une implantation.
La France affiche pour l’instant de solides résultats en matière d’investissements étrangers. Le cabinet EY la classe depuis trois ans en tête des destinations européennes en nombre de projets, et doit publier son prochain bilan à la mi-mai.
Une « espèce de culture de l’explosion sociale comme mode de règlement d’un conflit »
Interrogé par l’AFP, le ministre du Commerce extérieur Olivier Becht affirme que « les manifestations ce n’est pas plaisant, mais je n’ai pas aujourd’hui d’entreprises qui m’appellent en me demandant ce qui se passe en France ». « Les investisseurs sont habitués à ce que de temps à autre, les Français aient ce type d’expression parfois un peu virulente dans la rue, cela fait partie de notre histoire. Ils ne nous jugent pas sur une conjoncture de quelques semaines ou de quelques mois. Quand on investit dans un pays, c’est pour cinq ans, dix ans, vingt ans », poursuit le ministre, mettant davantage au rang des premières préoccupations les prix de l’énergie et l’accès à la main d’œuvre.
Le retour à cette image frondeuse en France est confirmée par une source proche de l’industrie pharmaceutique internationale : « il y a une sorte de fatalisme qui consiste à dire que la France reste la France », affirme-t-elle, signalant « une accoutumance des entreprises internationales à cette espèce de culture de l’explosion sociale comme mode de règlement d’un conflit ».
« L’enthousiasme du premier mandat d’Emmanuel Macron est passé depuis longtemps », souligne l’avocate Nathalie Younan. « Au départ il n’y avait que des compliments et des sourires concernant un président qui allait s’occuper d’économie et de finances, et quand on constate les difficultés, les gens sont plus réalistes sur la capacité à réformer. »
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