ANALYSES

La difficile et indispensable loi de finances 2025 pour sortir la France du rouge

juillet 22, 2024 9:46, Last Updated: juillet 22, 2024 9:49
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Tandis que le budget 2025 doit être déposé le 1er octobre à l’Assemblée, des économistes craignent un blocage du Parlement et une explosion de la dette début 2025. Le projet de loi de finances doit en effet répondre à un triple impératif de rigueur budgétaire, d’apporter une réponse aux aspirations de changement des Français et d’une adoption avant la fin de l’année.

Le budget 2025 devait être préparé dès le printemps par le gouvernement, puis soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat. Or, la phase de préparation administrative et de négociations ministère par ministère a été interrompue par la dissolution, alors qu’aucun nouveau Premier ministre n’est encore nommé et qu’aucune majorité ne s’est dégagée à l’Assemblée.

Si aucun consensus n’émerge, le Président pourrait gouverner par ordonnance en imposant lui-même un budget, qui n’aura pas été approuvé par la représentation nationale.

La France dans le rouge

L’abaissement le 1er juin de la note souveraine française par l’agence de notation S&P Global Ratings en raison de la dette croissante a redonné des arguments pour justifier de futures réductions de dépenses publiques. En l’état, « les réformes ne seront pas suffisantes pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs budgétaires », a lancé l’agence de notation dans son analyse.

Sans majorité absolue au Parlement, le gouvernement devra trouver des compromis avec les oppositions, un exercice difficile qui a d’ailleurs été souligné par les agences de notation. S&P a ainsi relevé « l’incertitude sur la capacité du gouvernement à continuer à mettre en œuvre des politiques » du fait de la « fragmentation politique » en France.

Ajouté à cela, le 19 juin, la Commission européenne a annoncé ouvrir une procédure de sanction pour déficit public excessif à l’encontre de la France, qui pourrait subir une nouvelle dégradation de sa note souveraine par une agence de notation. Pour éviter une amende de 2,5 milliards, Bruxelles demande de réduire le déficit public français de 14 à 20 milliards d’euros par an.

Le 14 juillet, la Cour des comptes prévenait aussi qu’après « une très mauvaise année » 2023, les finances publiques françaises sont dans « une situation inquiétante » et la trajectoire fixée par le gouvernement sortant pour les assainir d’ici à 2027 repose sur des « objectifs peu réalistes ». Cela repose sur des hypothèses de croissance « trop optimistes » et supposent des économies en dépense « sans précédent » tout comme « des hausses importantes des prélèvements obligatoires qui ne sont pas précisées », a précisé la Cour.

Faire passer un budget avec une majorité relative

Une fois que l’Assemblée sera saisie du projet de loi de finances par le gouvernement, au plus tard le 1er octobre, elle disposera de quarante jours pour l’examiner et se prononcer en première lecture, en votant pour ou contre et en ajoutant des amendements. Le texte sera ensuite envoyé au Sénat, majoritairement à droite, qui n’aura que 20 jours pour se prononcer.

Selon la loi organique relative aux lois de finances, si aucune des deux chambres du Parlement n’a pu se prononcer par un vote sur le projet de budget « dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance ».

Si au bout des 70 jours de délibération à l’Assemblée, le budget n’est toujours pas voté, le Président pourrait en effet gouverner par ordonnance. L’article 47 de la Constitution permet au gouvernement de déposer une « loi spéciale » pour autoriser à prélever les impôts en reprenant par décret les plafonds de dépenses de l’année précédente. Si malgré cela, le budget est de nouveau rejeté, le Président pourrait utiliser fin décembre 2024 l’article 16 de la Constitution, qui lui octroie des « pouvoirs exceptionnels et étendus » afin de faire adopter lui-même le budget.

Cette situation ne s’est jamais produite sous la Ve République, les gouvernements successifs ayant toujours pu compter soit sur une majorité absolue, soit sur l’incapacité des oppositions à voter une motion de censure après l’adoption sans vote du budget grâce à l’article 49.3 de la Constitution. Mais l’option du 49.3 apparaît très risquée si le prochain gouvernement ne peut pas compter sur une majorité stable à la chambre basse.

Si le Parlement a pu se prononcer au moins une fois sur le projet de loi de finances, mais que le gouvernement n’a pas réussi à le faire adopter avant le 31 décembre, ce dernier pourra donc demander en urgence l’autorisation de percevoir les impôts. Mais il doit pour cela obtenir un feu vert… du Parlement, forcément incertain en l’absence de majorité absolue.

L’hypothèse d’un rejet de cette demande d’autorisation n’est pas envisagée par les textes, mais le cas échéant « on aurait évidemment une crise politique », juge Anne Levade. Pour le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, « ce n’est dans l’intérêt de personne d’aller au clash, au blocage et à l’arrêt de l’État ». Anne Levade estime aussi qu’en matière de stratégie politique, « ce n’est pas un signe de grande aptitude à gouverner un pays que de débuter par une année budgétaire cacophonique ».

Un agenda chamboulé par la dissolution

Seuls la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, et le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guérini – parmi les budgets les plus modestes – ont été consultés en phase de préparation sur le budget de 2025.

Traditionnellement, les dépenses maximales accordées à chaque ministre pour l’année suivante sont dévoilées à partir de la mi-juillet et Matignon arbitre les derniers désaccords, avant d’envoyer les nouveaux plafonds de dépenses à chaque ministère.

Mais du fait de la dissolution, le gouvernement sortant a décidé de suspendre les préparatifs du projet de loi de finances. Selon Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics,  « nous avons décidé que le prochain gouvernement devrait être en charge de le publier, en prenant en compte les orientations qu’il souhaite porter ».

La direction du budget a cependant déjà planché sur plusieurs versions de budget : une version qui épouse les priorités du gouvernement sortant et une version « technique », qui se contenterait de reconduire les budgets des ministères votés en 2024, dans le cas où aucune majorité n’était trouvée à l’Assemblée.

Des hausses prévues pour les armées et la transition écologique

À la veille du 14 juillet, le président Emmanuel Macron a quand même jugé « nécessaire » un « ajustement » du budget de défense en 2025, en raison du « rapprochement des menaces », notamment à l’aune de la guerre en Ukraine. « L’accélération du temps, le rapprochement des menaces impose en effet de nouveaux réglages. C’est pourquoi je vous demande de continuer à tirer les conséquences de la guerre telle qu’elle sera demain et pas telle que nous l’imaginions hier, et de préparer un ajustement de notre programmation militaire pour 2025 », a déclaré le chef de l’État devant un parterre de hauts gradés.

La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, prévoit une hausse de 40% par rapport à la précédente LPM avec 413 milliards d’euros sur sept ans.

Financer la transition écologique va aussi nécessiter de doubler voire tripler les dépenses publiques d’ici 2030, jusqu’à 103 milliards d’euros par an. Ce chiffrage englobe les investissements nécessaires pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et de viser la neutralité carbone en 2050. Cela inclut l’électrification du parc automobile, la rénovation des logements, le développement des transports en commun, des énergies renouvelables et nucléaire, etc.

Mais cet effort supplémentaire, en période de disette budgétaire, pourrait être ramené à un « besoin minimal » de « 39 milliards d’euros d’argent public additionnel », soit plus que doubler les dépenses actuelles.

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