La Banque centrale américaine s’apprête à baisser les taux d’intérêt pour la première fois en onze ans, selon les marchés, mais sa communication tâtonnante l’expose aux attaques incessantes de Donald Trump, qui l’accuse de tous les maux économiques.
Le président de la Fed Jerome Powell donnera mercredi une conférence de presse à l’issue d’une réunion de deux jours du Comité monétaire (FOMC). Il a déjà signalé à plusieurs reprises que les incertitudes commerciales, la morosité économique mondiale et surtout la faiblesse de l’inflation américaine (1,5% en mai) étaient « une combinaison de facteurs renforçant les arguments en faveur d’une politique monétaire plus accommodante ».
Une certaine cacophonie dans la communication de la Fed a même fait un moment miroiter aux marchés une baisse des taux d’un demi-point de pourcentage (0,5%). Mais vu la croissance relativement solide, quoique ralentie au deuxième trimestre à 2,1%, ces espoirs des marchés ont été balayés. Quelque 80% des acteurs financiers misent sur une baisse d’un quart de point (0,25%), selon l’évolution des produits à terme suivie par CME Group.
« Une réduction de 25 points de base est signée, scellée et livrée », a assuré Nathan Sheets, économiste en chef de PGIM Fixed Income. Les membres de la Fed « le justifient comme une prise d’assurance contre les risques et le manque d’inflation », ajoute cet ancien sous-secrétaire au Trésor interrogé par l’AFP. Une inflation trop basse, bien en-dessous de la cible de 2% de la Fed, fait toujours craindre le cercle vicieux d’un ralentissement économique.
Mais hormis la faiblesse de l’industrie manufacturière et les tensions commerciales, les autres indicateurs sont au vert, comme les dépenses de consommation (+4,3% au deuxième trimestre) ou le taux de chômage, proche de son plus bas niveau en 50 ans (3,7% en juin).
Critiquant quasi quotidiennement la Fed et très souvent son président, Donald Trump qui n’a pas digéré la hausse du coût du crédit fin 2018 par l’institution indépendante, réclame à cor et à cri des taux plus bas. « La Fed a relevé les taux trop vite et trop tôt », a-t-il redit vendredi sur Fox News.
Les taux au jour le jour se situent entre 2,25% et 2,50%. « Ils nous les ont relevés neuf fois. Vérifiez! », s’est encore indigné Donald Trump, faisant référence aux relèvements progressifs depuis fin 2015. « Quelques hausses avec elle (NDLR: Janet Yellen) et beaucoup d’autres avec Powell. Vraiment, je ne suis pas fan », a protesté le président.
Une réduction des taux serait la première depuis onze ans.
Mais pour Douglas Holtz-Eakin, économiste et ancien directeur du Bureau du budget du Congrès, l’inquiétude de la Fed sur l’inflation « est seulement une excuse pour satisfaire les marchés, satisfaire le président ». « La Fed devrait s’en tenir à la politique monétaire à long terme et pas à ces mouvements au jour le jour », ajoute-t-il.
A l’inverse, pour Quincy Krosby, stratège en chef chez Prudential Financial, la Fed a fait « une bêtise et elle le sait » en relevant les taux fin 2018, ce qui justifie une correction. « Une Banque centrale après l’autre est en train de baisser les taux« , dit-elle, faisant référence aux perspectives d’assouplissement de la Banque centrale européenne (BCE). « La Fed ne veut pas être la seule à ne pas le faire ».
Diane Swonk, chef économiste chez Grant Thornton, résume ainsi la position difficile de la Réserve fédérale, prise entre la défense de son indépendance et les coups de boutoir de Donald Trump: « C’est dur pour la Fed, car quand ils font ce qu’il faut, on dirait qu’ils capitulent ». « Le président est tellement vociférant que cela mine la crédibilité de la Fed », ajoute-t-elle pour l’AFP.
L’enjeu de taux plus bas pour l’administration réside aussi dans son objectif à peine voilé de faire baisser le dollar, même si le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin s’en défend. Un dollar plus fort grève les exportations américaines, un handicap en pleine guerre commerciale, et Donald Trump n’a pas manqué dans ses tweets d’accuser les partenaires commerciaux d’adopter des politiques monétaires accommodantes et de déprécier leur monnaie par rapport au billet vert.
« Il y a une sensibilité accrue à la valeur du dollar. Si la BCE assouplissait sa politique monétaire de manière significative, cela devrait nourrir une hausse du billet vert », pronostique Nathan Sheets. Le dollar est pour l’instant modérément fort. Par rapport à l’euro, il l’est même moins que fin 2016.
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