Des documents confidentiels obtenus par le média d’investigation Disclose ont révélé que la France a délivré 76 licences d’exportations de matériel militaire à la Russie depuis 2014, pour un montant de 152 millions d’euros. Il s’agit essentiellement de caméras thermiques destinées à équiper les chars russes.
Le site d’investigation Disclose a réalisé une enquête après avoir obtenu des informations grâce à des documents confidentiel-défense et en sources ouvertes. Publiée ce lundi 14 mars, cette enquête révèle que la France a profité d’une brèche dans l’embargo européen pour discrètement équiper l’armée russe entre 2014 et 2020. Le matériel technologique militaire vendu pourrait bien être utilisé en ce moment même, dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
L’État français a « décidé depuis 2014 que ces armements ne posaient pas de problèmes »
En août 2014, l’Union européenne a imposé un embargo pour la vente d’armes à destination de la Russie qui venait d’annexer la Crimée. Mais la France avait signé des contrats avec la Russie avant cet embargo européen. Ce dernier n’étant pas rétroactif, les gouvernements de François Hollande puis d’Emmanuel Macron ont pu maintenir ces contrats jusqu’en 2020, précise l’enquête.
Ainsi que le rapporte Disclose, la Commission européenne a toutefois rappelé que ces exportations sont censées respecter « la position commune de 2008 », à savoir le refus d’exportations d’armement par les États membres, dans le cas où celles-ci pourraient provoquer ou prolonger un conflit armé.
Ariane Lavrilleux, l’une des autrices de cette enquête, a indiqué à France info que l’État français a « décidé depuis 2014 que ces armements ne posaient pas de problèmes et qu’on pouvait continuer de les exporter à la Russie », soulignant qu’il s’agit d’« un choix politique, totalement à huis clos », car « cela se passe au sein d’une commission placée sous le secret-défense avec des représentants du ministère des Armées » et « sous l’autorité du Premier ministre », a-t-elle précisé.
?️ Ariane Lavrilleux, une des autrices de l’enquête menée par le média « Disclose », sur les ventes d’armes de la France à la Russie de 2015 à 2020 : « Les contrats qui ont été signés avant l’embargo sont toujours valables. Un choix politique, totalement à huis-clos ». pic.twitter.com/2FnzohglDg
— franceinfo (@franceinfo) March 14, 2022
Ces avions russes équipés de matériel français survolent actuellement l’Ukraine
Consulté par Disclose, le dernier rapport du Parlement sur les exportations d’armement montre que 76 licences d’exportations de matériel de guerre ont été délivrées par la France à la Russie depuis 2015, ce qui représente une somme de 152 millions d’euros. Ce matériel hautement technologique exporté en Russie comporte des systèmes de navigation et des détecteurs infrarouges pour les avions de chasse et les hélicoptères de combat, ainsi que des caméras thermiques pour équiper plus de 1000 chars russes.
Disclose précise que les principaux bénéficiaires de ces marchés sont les sociétés Thales et Safran, dont l’État français est le premier actionnaire. D’après le site d’investigation, les caméras thermiques « Matis STD » du groupe français Safran équipent trois types de chars russes présents sur le front de guerre en Ukraine. Le groupe Thales a aussi permis de doter 60 avions de chasse russes de son système de navigation Tacan, d’un écran vidéo et d’un viseur HUD. Ces avions survolent actuellement l’Ukraine, d’après Disclose, de même que des hélicoptères de l’armée russe pourvus du système d’imagerie infrarouge produit par Safran.
258 détecteurs infrarouges doivent encore être livrés à la Russie
La société Sofradir, détenue par Safran et Thales, a par ailleurs signé en octobre 2012 un contrat de 5,2 millions d’euros avec la Russie pour la vente de détecteurs infrarouges. Une note découverte par Disclose révèle que Sofradir doit encore livrer 258 détecteurs infrarouges à la Russie.
« La France a permis l’exécution de certains contrats passés depuis 2014 au titre de la clause dite ‘du grand-père’ : un contrat conclu avant l’annexion de la Crimée peut aller à son terme, et les livraisons d’équipements achetés avant juillet 2014 peuvent être poursuivies. Cette possibilité est clairement prévue par le régime de sanctions mis en place contre la Russie en 2014 », a réagi sur Twitter ce lundi soir Hervé Grandjean, le porte-parole du ministère des Armées.
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