3 340 perquisitions, 580 armes saisies et 567 procédures judiciaires ouvertes depuis le 13 novembre. Ce bilan, dressé par Bernard Cazeneuve, souligne le travail mené par les autorités françaises. Mais ce n’est que le début. En repoussant l’état d’urgence au 26 mai prochain, le message politique est clair à ce sujet.
« Le débat devient très dur à appréhender, car il concerne des détails très pointus liés à l’évolution des communications numériques et touche en même temps à la philosophie du droit », résumait récemment Thomas Legrand, éditorialiste de France Inter. De plus, les discussions autour de la déchéance de nationalité, tel l’arbre qui cache la forêt, ont occupé la scène médiatique, sans rassurer sur le fond. Si les forces politiques de divers bords semblent converger sans peine sur le besoin de renforcer la sécurité des Français, les propositions affluent de tous côtés, si bien que les députés et les magistrats peinent parfois à suivre.
« La sécurité, première des libertés »
Les cadres sécuritaires semblent poser un réel défi pour l’administration actuelle. Le fossé historique droite-gauche sur les questions de sécurité n’est plus. Alain Peyrefitte, ministre de la Justice sous le gouvernement de Raymond Barre en 1980, clamait à l’Assemblée nationale : « Il n’y a aucune contradiction à vouloir renforcer à la fois la sécurité et la liberté. La sécurité sans la liberté, c’est l’oppression ; la liberté sans la sécurité, c’est la jungle ! » S’ensuivait une loi par la suite en partie abrogée par François Mitterand en 1982.
La formule reprise plus tard par Jean-Marie Le Pen lors de sa campagne en 1992, puis par Manuel Valls dans un manifeste de 2011 sous la forme de : « L’ordre n’est pas injuste, il est le socle des libertés », témoigne d’un estompement progressif des clivages. L’apparition de groupes et actes terroristes a largement contribué à ce changement : depuis 1986, la France a renforcé à 15 reprises sa législation anti-terroriste. Aujourd’hui, difficile de se référer à cette formule autrement qu’à un poncif du débat public. Un sondage Ifop indiquait qu’à la suite des attentats, 84% des Français étaient prêts à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de leurs libertés.
« Jusqu’à ce qu’on en finisse avec Daech »
En janvier, Manuel Valls affirmait que l’état d’urgence serait maintenu « jusqu’à ce qu’on en finisse avec Daech ». Approuvé par 7 Français sur 10, le Premier ministre omettait de mentionner que l’état d’urgence est une mesure du maintien d’ordre public, comme l’a rappelé le ministère de l’Intérieur, et qu’il ne s’agit pas d’un dispositif anti-terroriste. Une confusion, certes peu dommageable en soi car il ne s’agit dans le fond que d’une question fondamentale de sécurité, mais qui pointe également le symptôme d’un manque de discernement général sur le fonctionnement de la justice.
Par exemple, le renforcement des perquisitions a pris de court une partie des magistrats. « Avec les perquisitions administratives, on renforce les pouvoirs des préfets, estime Laurence Blisson, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM). « Or, le préfet a une fonction d’ordre public qui est différente de la logique d’enquête », ajoute-t-elle. Des craintes concernant des « risques d’arbitraires » sur les mesures adoptées par le ministre de l’Intérieur ont également été formulées par le Syndicat de l’Union des Magistrats.
Les parlementaires ne sont pas en reste : l’amoncellement des dispositifs les aurait pris de court. « Bien sûr il y a eu le choc, la sidération des attentats. Mais on déplore l’accélération et l’accumulation de lois, dans des délais de plus en plus contraints », indiquait Noël Mamère, député de Gironde. Plusieurs députés ont constaté des textes adoptés dans l’urgence, sans qu’il n’y ait de temps de discussions.
Pas de Patriot Act français, mais le souhait d’élargir les moyens
Le Patriot Act s’est naturellement invité dans les débats politiques, suite à l’annonce de la prolongation d’un état d’urgence qui pourrait devenir, comme son homologue américain, permanent. Lancée en octobre 2001, la loi américaine a permis la création de Guantanamo, le renforcement de la surveillance des appels téléphoniques et des données informatiques des entreprises et des particuliers.
Sans mentionner Guantanamo, le gouvernement des États-Unis a été vivement critiqué autour de ce dispositif. Pourtant, dans les faits, la France est loin d’atteindre un tel niveau. « Dans l’imaginaire, les services de renseignement sont ‘Big Brother’, ils ont des tas de moyens. C’est faux », plaide Jean-Jacques Urvoas. Il est souhaité cependant d’avoir accès « aux ordinateurs, parce que les interceptions de sécurité sont en général assez stériles ». Le député socialiste, nouveau garde des Sceaux, indique également que seules 2 000 personnes peuvent être écoutées par les six services existants, chaque année.
Le numérique devrait pourtant rester la ligne de front menée par les services de renseignement. « Aujourd’hui tout ce qui est sur Internet est moins cher et plus facile d’accès pour tout le monde, et nous ne pouvons pas y accéder. Nous voulons aller sur Skype par exemple, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui juridiquement. »
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