La France est incontestablement le pays de l’inflation normative pour reprendre l’expression de certains experts. En 2023, nos entreprises sont toujours étouffées par le poids d’une bureaucratie qui n’a jamais été réellement réformée. Depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, des propositions et des politiques en faveur de l’allègement des normes sont présentées, parfois mises en œuvre, mais sans impact concret.
Le pays des 400.000 normes
« Selon la représentation courante au XIXe siècle, la société devait devenir une immense usine. Aujourd’hui, nous aurions plutôt la représentation d’une immense bureaucratie », écrivait le philosophe Raymond Aron dans son ouvrage Dix-huit leçons sur la société industrielle, paru en 1941. Ces mots ont plus de 80 ans, mais trouvent un certain écho dans la France des années 2020, manifestement toujours en proie à cette « immense bureaucratie ». De nos jours, l’Hexagone compte en moyenne 400.000 normes réglementaires émanant des 78 codes créés au fur et à mesure par l’État français. Parmi les codes les plus contraignants, on trouve notamment celui dédié aux collectivités territoriales dont beaucoup de maires se plaignent en raison de ses évolutions constantes, ainsi que ceux consacrés à l’environnement et au commerce. Et la tendance ne va pas vers une diminution de ces réglementations. Selon un rapport d’information du Sénat déposé en juin, entre 2002 et 2023, le volume du code des collectivités territoriales (CGCT) a été multiplié par trois, passant de 348.070 mots à 936.892 mots. Le même document fait état sur la même période d’une augmentation du nombre de mots de 44 % pour le code de l’urbanisme et de 689 % pour le code de l’environnement. Un pic d’inflation normative a même été atteint en 2021. 83.570 pages, 1843 décrets, 91 ordonnances et 67 lois avaient été rajoutés dans le Journal officiel.
Les conséquences sur l’industrie française
Cette explosion des règlements n’est pas sans impact sur le tissu industriel français. Certains experts évaluent, en 2022, le coût de la charge normative entre 75 et 87 milliards d’euros pour les entreprises. Cette trop forte production de textes représente en moyenne 4 % du PIB. Elle aurait également une part de responsabilité dans le déclin industriel de la France de ces dernières décennies. C’est ce qu’affirme l’OCDE, dans une étude économique publiée en 2021. « Certaines réglementations ont freiné l’entrée et la croissance des entreprises et fait obstacle à une allocation plus efficace des ressources », raporte l’étude, qui poursuit en indiquant que « les réglementations relatives aux créations d’entreprises et aux secteurs des services qui freinent l’entrée de nouvelles entreprises, la concurrence et la productivité sont plus restrictives que dans de nombreux autres pays de l’OCDE ». Les entreprises françaises se plaignent aussi d’une compétitivité asphyxiée par la bureaucratie de l’Union européenne et demandent la mise en œuvre de grandes politiques d’allègements d’actes législatifs. En 2022, le président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, qualifiait l’Europe de « machine infernale produisant de la norme » qui risque de « broyer la compétitivité européenne ».
Des volontés de réformes depuis Nicolas Sarkozy
Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, on remarque une volonté des gouvernements successifs d’inverser la tendance et promettre des « chocs de simplification ». En 2008, sous l’égide du Premier ministre de l’époque, a été créée la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), présidée par Alain Lambert. Mais cette commission a seulement évalué les lois concernant les collectivités territoriales. Un quinquennat plus tard, sous François Hollande, en 2014, le secrétaire d’État à la simplification Thierry Mandon promet lui aussi un « choc de simplification permettant d’économiser 11 milliards d’euros par an ». Enfin, depuis qu’Emmanuel Macron est aux responsabilités, on promet aussi des « thérapies de choc » pour « simplifier la vie des Français » comme l’a fait Elisabeth Borne au mois de mai. Mais, malgré toutes ces annonces et outils, le changement n’est pas pour maintenant en matière de réglementations. C’est exactement le contraire qui se produit. Peut-être qu’il est nécessaire de repenser le problème et de ne pas créer des nouvelles normes visant à évaluer celles existantes. Le blocage semble être culturel. La France est historiquement étatiste. Droite et gauche, en passant par le centre, l’extrême-droite et l’extrême-gauche sont en réalité tous partisans d’un interventionnisme étatique fort et le démontrent soit par leur bilan, soit par leur discours.
C’est la raison pour laquelle les dispositifs mis en place pour « dégraisser le mammouth » sont sans impact. Ceux qui les créent n’y croient sans doute pas. Très peu de personnalités politiques semblent prendre l’enjeu de l’inflation normative au sérieux. Hier, l’ancien ministre Alain Madelin, aujourd’hui le maire LR de Cannes, David Lisnard. Deux libéraux bien seuls enfermés à vingt ans d’intervalle dans la pièce insonorisée de l’étatisme ambiant. Pourtant, l’urgence est là. La bureaucratie n’a jamais été aussi forte, et la France a chuté au 126e rang sur 144, au classement mondial de la complexité administrative.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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