La France, malade de son administration

Par Ludovic Genin
7 octobre 2024 07:54 Mis à jour: 7 octobre 2024 23:03

L’administration française a multiplié ces derniers mois les pistes d’économies pour ramener le déficit public (5,5 % du PIB en 2023) sous la limite européenne des 3 %. Selon les mots du Premier ministre Michel Barnier, la situation des finances publiques est catastrophique.

Plusieurs pistes de réduction des dépenses sont envisagées, comme la « fusion de services » ou le « non-remplacement » des personnes partant à la retraite. Des mesures qui permettraient de récupérer quelques milliards sur les 40 milliards d’économies  dont le pays a besoin.

Dénonçant les lourdeurs administratives de l’État, les députés du groupe LR à l’Assemblée proposent de supprimer progressivement des opérateurs, commissions et agences de l’État (« un tiers » d’ici à 2027), et de réduire leurs coûts de fonctionnement, pour dégager « 7,5 milliards d’euros » en 2025.

La Cour des comptes plaide pour une réduction de 100.000 emplois administratifs

Chargée d’identifier des pistes d’économies pour ramener le déficit public dans les clous européens, la Cour des comptes a dégainé une mesure choc : réduire « progressivement » de 100.000 emplois, les effectifs des collectivités, communes, régions.

La Cour note que « les dépenses de personnel, qui représentent un quart des dépenses des collectivités, connaissent une croissance soutenue », dans un rapport publié le 2 octobre.  Afin d’économiser 4,1 milliards d’euros par an dès 2030, l’institution préconise un « retour progressif des effectifs des collectivités », qui emploient environ 2 millions de personnes, « à leur niveau du début des années 2010 », soit une « réduction de 100.000 emplois ».

Cette proposition, contestée par les associations d’élus locaux, fait écho à celle du président français Emmanuel Macron, qui envisageait dans son programme de campagne avant son élection en 2017, de supprimer 120.000 postes en cinq ans dans la fonction publique – un objectif abandonné par la suite.

« Alors que les effectifs ont beaucoup augmenté jusqu’à récemment, malgré l’absence de nouveaux transferts de compétences, la maîtrise de leur évolution est un enjeu central », estiment les magistrats de la Cour des comptes.

De 1997 à 2022, les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 23 %, les chiffres montrant une explosion de la masse salariale dans la fonction publique territoriale et hospitalière. La Cour évalue à +5,4 % la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités sur les huit premiers mois de 2024. Selon les chiffres officiels, la France comptait 5,67 millions d’agents en 2023, répartis entre la « fonction publique d’État » (2,52 millions d’agents), la « fonction publique territoriale » (1,94 million d’agents) et la « fonction publique hospitalière » (1,21 million d’agents).

Comment le gouvernement entend « débureaucratiser » l’administration

Déploiement d’une intelligence artificielle 100 % française dans les administrations, simplification du langage des ministères, création de 300 maisons France Services supplémentaires, etc. le gouvernement Attal avait déjà des pistes pour « débureaucratiser » le pays.

L’administration fiscale devait déployer une IA 100 % française nommée Albert, conçue par la direction interministérielle du numérique (Dinum) « pour rédiger les réponses » aux 16 millions de demandes annuelles en ligne. L’intelligence artificielle servira aussi « dès la fin de l’année » à automatiser la retranscription d’audiences judiciaires, le dépôt de plaintes ou les compte-rendus médicaux. Elle sera également mise au service de la détection des feux de forêts ou de la gestion RH des fonctionnaires.

Quant aux espaces ou « maisons » France Services, qui permettent de se faire aider dans ses démarches administratives, avec 300 nouvelles villes moyennes concernées d’ici 2026 – ce qui portera leur nombre total autour de 3000 -, l’initiative a toutes les chances d’être prolongée par le gouvernement Barnier.

De nouveaux services y seront proposés : les conseillers France Services pourront désormais aider les Français à réaliser leurs démarches auprès de l’Urssaf ou du régime de retraites complémentaires Agirc-Arrco.

« Fusionner des services » et « ne pas remplacer tous les fonctionnaires »

Le gouvernement de Michel Barnier compte « fusionner des services publics » et « sans doute ne pas remplacer tous les fonctionnaires » afin de réduire les dépenses publiques, a expliqué le Premier ministre le 3 octobre sur France 2. « On va fusionner des services publics. On va sans doute ne pas remplacer tous les fonctionnaires quand ils ne sont pas en contact direct avec les citoyens, tous les fonctionnaires qui partent en retraite », a expliqué Michel Barnier.

Michel Barnier veut regrouper Business France, agence qui aide les entreprises françaises à se développer à l’étranger, et Atout France, chargée de la promotion touristique de la France à l’étranger, dans un effort de simplification. « Bien des améliorations peuvent être mises en place par des mesures de mutualisation, de simplification et de déconcentration. […] Nous allons mutualiser et regrouper des agences, des opérateurs et des fonds qui ont des objectifs communs comme Business France et Atout France », a-t-il indiqué lors de sa déclaration de politique générale.

« Nous allons développer partout une culture de l’évaluation. Nous ne pourrons pas dépenser plus. Nous dépenserons mieux », a-t-il encore estimé.

Le Premier ministre a également annoncé la fusion de France Stratégie, organisme chargé de conseiller le gouvernement, et du Haut Commissariat au plan, chargé d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux.

« Pour conserver une vraie capacité de prospective, nous fusionnerons France Stratégie avec le Haut Commissariat au plan. Il y a dans les services de l’État de l’intelligence et de l’expertise, qui peuvent être utilisées sans avoir recours aux cabinets de conseils privés », a-t-il également indiqué.

Réduire la voile des opérateurs d’État

Le gouvernement Attal proposait d’autres pistes d’économies en réduisant les aides aux entreprises et à l’apprentissage. En 2022, les entreprises ont bénéficié de 99 milliards d’euros d’aides publiques, selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF).

Trois milliards d’euros d’économies sont envisageables, par exemple en supprimant le financement étatique des missions d’accompagnement des entreprises (800 millions d’euros), en recentrant le crédit impôt recherche (450 millions), en supprimant les tarifs réduits d’accise sur les biocarburants (700 millions) ou le gazole utilisé par le transport collectif routier (170 millions).

Parmi les 180 opérateurs de l’État qu’elle a audités (sur 408 au total), l’administration a détecté un excédent de trésorerie de 2,5 milliards d’euros, que le rapport propose de réduire tout en renforçant les contrôles.

Alors que le coût des aides à l’apprentissage a été multiplié par 3,4 entre 2018 et 2022, l’administration suggère de supprimer l’aide à l’embauche de 6000 euros pour les niveaux licence et master (554 millions d’euros d’économies en 2025).

Les rapporteurs proposent aussi d’assujettir les apprentis à l’impôt sur le revenu (459 millions) ou de raboter les dérogations à la taxe d’apprentissage (310 millions).  Selon la mission, « ces mesures […] auraient un impact inférieur à 1000 destructions d’emploi. »

Autre poste d’économie et de simplification, parmi les 75 milliards d’euros de frais de personnel des collectivités en 2022, deux milliards pourraient être économisés en agissant sur la santé et la sécurité au travail (temps de travail, absentéisme) ou le renouvellement des effectifs (3 % de départs à la retraite chaque année).

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