Après l’Espagne et les Pays-Bas, la France a annoncé vendredi son retrait du Traité de la charte de l’énergie, accord vieux de 30 ans, très protecteur des investissements dans les énergies fossiles et accusé d’entraver les ambitions climatiques européennes.
« La France a décidé de se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (…) C’est cohérent avec notre stratégie climatique européenne », a déclaré le président français Emmanuel Macron en marge d’un sommet européen à Bruxelles.
Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) a été signé en 1994, au sortir de la Guerre froide, pour offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS.
Réunissant l’UE et une cinquantaine de pays, il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un Etat dont les décisions et l’environnement réglementaire affectent la rentabilité de leurs investissements – même lorsqu’il s’agit de politiques pro-climat.
Cas emblématique : après l’adoption d’une loi néerlandaise bannissant le charbon d’ici 2030, l’énergéticien allemand RWE réclame 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique.
Face à la multiplication des contentieux, les Européens s’efforcent depuis 2020 de moderniser le texte.
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— BFMTV (@BFMTV) October 21, 2022
« Aller plus vite sur les renouvelables »
Après d’âpres pourparlers, ils ont obtenu en juin à Bruxelles un accord de principe des pays signataires sur un compromis, qui devra être confirmé en novembre par un vote formel à l’unanimité.
Ce projet de réforme prévoit notamment d’empêcher « les réclamations frivoles » ou opportunistes et d’exclure du champs du traité –après une transition de 10 ans– les investissements déjà lancés dans les combustibles fossiles. Trop lointain et insuffisant, selon une partie des Européens, dont la France.
« Dans le moment que nous vivons, nous devons plutôt concentrer nos investissements et aller plus vite sur les renouvelables, l’efficacité énergétique, le nucléaire (…) et aujourd’hui, je regarde avec inquiétude revenir les hydrocarbures et les énergies fossiles les plus polluantes », a fait valoir Emmanuel Macron.
« Il ressort de plusieurs cas récents que (le TCE) conduisait à des mécanismes un peu spéculatifs et à des indemnisations importantes de certains acteurs » des énergies fossiles, a-t-il observé.
En juin, Yamina Saheb, économiste contributrice du rapport du Giec (experts climat de l’ONU), répertoriait 146 litiges connus liés au TCE, pour les deux tiers intra-européens, et les compensations accordées à ce jour dépassent 42 milliards d’euros.
« L’option d’un retrait coordonné »
La Pologne a lancé une procédure parlementaire pour se retirer du traité. Ces derniers jours, l’Espagne et les Pays-Bas ont annoncé leur décision de sortir également du TCE, tout en appelant à « une sortie coordonnée » par l’ensemble des pays de l’UE, sans toutefois préciser une date de sortie officielle.
Reste la question épineuse de la « clause de survie » du TCE pour protéger encore pendant 20 ans, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité.
Dès fin 2020, Paris appelait à étudier « l’option d’un retrait coordonné » des pays européens qui pourraient s’entendre entre eux pour interdire les contentieux entre entreprises européennes et États de l’UE.
Dans un avis rendu mercredi, le Haut Conseil pour le Climat (HCC), instance consultative française, a recommandé de « neutraliser » cette clause pour éviter de prolonger de deux décennies les effets négatifs du traité. Ce serait l’option « la moins risquée pour respecter les engagements nationaux, européens et internationaux sur le climat », estime-t-il.
La Russie s’est retirée du traité en 2009, suivie de l’Italie en 2015.
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