À 23 ans, Jacqueline a souvent changé d’emploi.
Il y a environ six mois, elle a fait un stage de trois mois dans une multinationale. Ensuite, elle a travaillé dans une petite entreprise technologique qui fait de l’externalisation. Aujourd’hui, elle travaille à temps partiel dans une autre startup technologique naissante, tout en jonglant avec deux autres emplois. Cependant, Jacqueline ne s’installe pas. Elle envisage de repartir de plus belle.
« Est-ce que je regrette d’avoir changé d’emploi ? Non », a assuré Jacqueline. « Chaque fois que je change de job, je gagne un peu en sagesse. Ma vision et ma mission deviennent plus claires. »
« Et je ne gaspille rien : toutes les compétences que j’ai acquises dans mon emploi précédent s’intègrent parfaitement à mon nouveau rôle. C’est comme un effet composé : mon panier de compétences s’élargit de plus en plus. »
Changement de génération
Il fut un temps où il était normal que les employés restent dans la même entreprise pendant toute leur carrière. Les employeurs voyaient d’un mauvais œil le fait de quitter souvent son emploi. Ils y voyaient un signe d’incohérence, de manque de fiabilité et de loyauté. Le recrutement, la formation et l’intégration d’un nouveau salarié est un processus coûteux. Les employeurs n’étaient pas disposés à investir ce temps sur un employé incapable de tenir sur le long terme.
Mais des changements notables sont intervenus au début du XXIe siècle, lorsque la crise économique de 2008 a entraîné la perte d’emplois pour des millions de personnes et que les nouvelles technologies ont eu un impact considérable sur le lieu de travail. Pour les milléniaux, nés entre 1980 et 1996, le changement d’emploi est devenu la nouvelle normalité. Les données du Bureau of Labor Statistics des États-Unis pour 2022 montrent que les travailleurs âgés de 25 à 34 ans restent en moyenne 2,8 ans dans une entreprise, contre 9,8 ans pour les travailleurs âgés de 55 à 64 ans.
Pour certains, la génération Z – née entre 1997 et 2010 –, qui est beaucoup moins soumise à des contraintes financières que les générations précédentes, dépasserait les milléniaux à cet égard. Selon une enquête réalisée au mois de juin auprès de 54.000 travailleurs de 46 pays et territoires par Pricewaterhouse Coopers, une société de conseil et de services professionnels de premier plan, les travailleurs de la génération Z sont les plus enclins à rechercher de nouvelles opportunités, 35% d’entre eux souhaitant démissionner, suivis par les 31% de milléniaux.
La pandémie a également entraîné une vague de départs, un phénomène que le psychologue des organisations Anthony Klotz a appelé « la grande démission ».
Pourquoi ce changement ?
Contrairement aux idées reçues, pour de nombreux jeunes travailleurs comme Jacqueline, les difficultés rencontrées au travail ne sont pas la raison qui les pousse à quitter le navire. En fait, Jacqueline est persuadée qu’elle a toujours respecté ses principes fondamentaux et qu’elle s’est attelée à toutes les tâches qui lui ont été confiées.
Jacqueline a expliqué au journal Epoch Times que les compétences de base telles qu’apprendre à apprendre, poser de bonnes questions, être cohérent, savoir travailler avec les gens et rendre les clients heureux l’ont aidée à « résoudre 70% de son travail ».
« Peut-être suis-je jeune et trop optimiste, mais je crois que je suis en train de construire ma propre carrière, une carrière qui ne ressemble à aucune autre », a ajouté la jeune femme de 23 ans. « Je ne veux pas passer à côté de quoi que ce soit. »
Elle est loin d’être la seule. Si le sentiment de surcharge de travail et le faible niveau de rémunération sont souvent cités comme les raisons les plus courantes de quitter un emploi, le psychiatre australien Tanveer Ahmed estime que les jeunes générations ont d’autres considérations.
« Ils sont beaucoup plus motivés par ce que l’on pourrait appeler un travail utile. Un travail qui correspond à leur système de valeurs », a-t-il confié au journal Epoch Times. « L’inconvénient de cet état d’esprit, c’est que les systèmes de valeurs sont mal orientés ou influencés par des tendances négatives. »
« Ils sont beaucoup plus intéressés par la flexibilité. Il peut s’agir de travail à domicile ou de congés sabbatiques. »
« Ils veulent un développement personnel. Ils veulent vraiment pouvoir évoluer au sein de l’entreprise ou bénéficier d’une formation supplémentaire, et leurs attentes portent souvent sur une promotion rapide. »
Les jeunes générations sont également plus difficiles à gérer et ont donc tendance à préférer un lieu de travail plus démocratisé à une structure fondée sur la hiérarchie. Ils veulent « continuer à être dirigés et supervisés, tout en bénéficiant d’une plus grande autonomie et d’une plus grande liberté pour faire ce qu’ils veulent. »
« Ils sont souvent un peu plus entreprenants par nature, et veulent donc imprimer leurs propres idées et proposer des innovations ou des opportunités à exploiter. »
« Tous ces éléments font que la génération Z se retrouve et que, grâce au marché du travail qui offre de nombreuses possibilités d’emploi, elle n’a pas besoin de beaucoup d’efforts. S’ils ont de bonnes qualifications, ils savent qu’ils peuvent potentiellement quitter le navire et aller ailleurs. »
Et c’est ce qu’a fait Jacqueline. Après être passée de la finance à la technologie puis à la logistique au cours des deux dernières années, elle cherche aujourd’hui un poste qui lui donnera un sentiment de connexion et d’appartenance, ce que son employeur actuel ne peut pas lui offrir.
Selon cette jeune femme de 23 ans, les jeunes travailleurs « donnent la priorité à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à la santé mentale plutôt qu’à leur emploi, de sorte que si leur emploi ne correspond pas à leur mode de vie, ils en changeront sans trop de difficultés. »
Si la recherche d’une valeur ajoutée est un facteur commun de démission, cet objectif est plus difficile à atteindre en raison de l’évolution de la nature des emplois.
« Nous occupons de plus en plus d’emplois sédentaires dont l’impact n’est pas bien défini, par rapport à ceux des générations précédentes. De plus, l’IA entraîne une augmentation drastique de l’automatisation des emplois. Il est donc naturel que la jeune génération ne se sente pas connectée au rôle qu’elle occupe. »
Le coût des démissions
Le changement d’emploi n’est toutefois pas une solution miracle. Stella, 23 ans, titulaire d’un diplôme d’enseignement, est restée à son poste d’enseignante pendant les deux dernières années. Elle explique que changer d’emploi permet d’explorer davantage, mais que ce n’est pas la solution idéale en ce qui la concerne.
« Il n’est pas vraiment possible pour moi de passer, par exemple, de professeur d’anglais à professeur de musique, puis à professeur de mathématiques, car il est difficile d’être compétente dans tous les domaines. Je peux avoir de nombreuses années d’expérience en tant qu’enseignante, mais passer d’un domaine à l’autre implique un manque de compétences. »
La recherche constante de nouveaux horizons exige plus de temps et d’efforts.
« Si vous changez souvent d’emploi, vous devez toujours vous poser la question : ‘Où dois-je aller à présent ?’. Vous devrez toujours comparer, penser à telle ou telle entreprise, et pourtant, vous ne trouverez pas forcément un poste bien rémunéré. »
Le fait de changer d’emploi peut aussi devenir un handicap pour la carrière.
« Peu d’entreprises, en particulier les grandes, apprécient les personnes qui changent si souvent d’emploi. Elles se demandent par exemple quels problèmes sont à l’origine de ces changements d’emploi répétitifs. »
Cette opinion a été reprise par M. Ahmed, qui estime que la démission risque de se faire au détriment de la maîtrise, car il faut plusieurs années pour devenir performant dans un domaine complexe.
« Parfois, on grandit dans une entreprise, on adhère à ses valeurs, on apprend son histoire. De nombreux grands dirigeants deviennent PDG d’une entreprise après y avoir travaillé pendant 20 à 25 ans. Ce niveau d’engagement fait donc parfois défaut à la génération Z. »
Il pense que les employeurs peuvent retenir les milléniaux et les travailleurs de la génération Z en les aidant à se perfectionner, en tenant compte de leur système de valeurs et en leur donnant un sentiment d’appartenance à une communauté et de l’autonomie.
« Ce sont des principes qui peuvent potentiellement s’appliquer à tout le monde. Mais je pense que les plus jeunes, la génération Z et les milléniaux, y accordent plus d’importance ; ils les mesurent davantage et ont des attentes à cet égard. »
Bien qu’elle ait changé de voie à plusieurs reprises, Jacqueline était consciente des inconvénients inhérents à la grande démission. À une époque où les démissions discrètes faisaient la une des journaux et où les jeunes employés utilisaient les médias sociaux pour quitter leur emploi en direct (également appelé #Quittok), elle pensait « appartenir au camp de la vieille école ».
« J’aime toujours les vertus traditionnelles comme le travail acharné, l’engagement et la détermination. J’aime l’idée d’être au service de quelque chose de plus grand que soi », a déclaré la jeune femme de 23 ans.
« Je pense que ces vertus vont disparaître à une époque où les gens démissionnent en masse. Je pense que les gens sont de plus en plus égoïstes, et je ne pense pas que cela soit de bon augure pour la santé mentale. »
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