OPINIONS

La guerre contre l’argent liquide risque de détruire l’économie

septembre 22, 2024 6:51, Last Updated: septembre 23, 2024 19:26
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Selon certains « experts », il est urgent de mettre fin aux espèces. Selon eux, l’argent liquide fait le jeu de l’ « économie souterraine » et de la fraude fiscale. Une autre justification de la suppression de l’argent liquide est que, en période de choc économique et de récession, la course à l’argent liquide aggrave la situation et devient un facteur d’instabilité économique. En outre, il est avancé que, dans le monde moderne, la plupart des transactions peuvent être réglées au moyen de transferts électroniques. Ainsi, dans notre monde moderne, l’argent ne serait qu’une simple abstraction.

L’émergence de la monnaie

La monnaie est apparue parce que le troc ne permettait pas de soutenir l’économie de marché. Par exemple, un boucher qui voulait échanger sa viande contre des fruits avait besoin que le producteur de fruits soit d’accord, et le producteur de fruits qui voulait échanger ses fruits contre des chaussures rencontrait les mêmes problèmes. La caractéristique distinctive de la monnaie est d’être un moyen général d’échange. C’est devenu la marchandise la plus commercialisable.

Ludwig von Mises, le célèbre économiste libéral de l’école autrichienne, a écrit:

« … il y aurait une tendance inévitable à ce que les marchandises les moins commercialisables de la série des marchandises utilisées comme moyen d’échange soient rejetées l’une après l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste finalement qu’une seule marchandise, qui soit universellement employée comme moyen d’échange ; en un mot, l’argent ».

De même, Murray Rothbard, lui aussi de l’école autrichienne, soutient que,

« Tout comme il existe dans la nature une grande variété de compétences et de ressources, il existe aussi une variété dans les possibilités de commercialisation des biens. Certains biens sont plus demandés que d’autres, certains sont plus facilement divisibles en unités plus petites sans perte de valeur, certains sont plus durables sur de longues périodes, certains sont plus facilement transportables sur de grandes distances. Tous ces avantages font que les biens sont plus faciles à commercialiser. Il est clair que dans chaque société, les biens les plus commercialisables seront progressivement sélectionnés comme moyens d’échange. Au fur et à mesure qu’ils sont choisis comme supports, la demande augmente en raison de cette utilisation, et ils deviennent donc encore plus commercialisables. Il en résulte une spirale de renforcement : une plus grande qualité marchande entraîne une plus grande utilisation en tant que support, ce qui entraîne une plus grande qualité marchande, etc. Finalement, une ou deux marchandises sont utilisées comme moyen général dans presque tous les échanges et sont appelées monnaie ».

« La monnaie n’est pas une unité de compte abstraite, séparable d’un bien concret ; ce n’est pas un jeton inutile uniquement bon pour l’échange ; ce n’est pas une « créance sur la société » ; ce n’est pas la garantie d’un niveau de prix fixe. C’est simplement une marchandise », écrit-il.

De plus, selon Mises, « … un objet ne peut être utilisé comme monnaie que si, au moment où son utilisation comme monnaie commence, il possède déjà une valeur d’échange objective basée sur une autre utilisation ». Pourquoi donc ? Parce que, dit Rothbard,« (c)ontrairement aux biens de consommation ou de production directement utilisés, la monnaie doit avoir des prix préexistants sur lesquels fonder une demande. Mais la seule façon d’y parvenir est de commencer avec une marchandise utile faisant l’objet d’un troc, puis d’ajouter la demande d’un support à la demande précédente d’utilisation directe (par exemple, pour des ornements, dans le cas de l’or) ».

La monnaie est donc ce contre quoi tous les autres biens et services sont échangés. Au terme d’un processus de sélection qui s’est déroulé sur des milliers d’années, les hommes ont choisi l’or comme monnaie. Dans le système monétaire actuel, la masse monétaire n’est plus l’or, mais des pièces et des billets émis par le gouvernement et la banque centrale. Cette monnaie fiduciaire conserve une valeur d’échange en raison de son lien antérieur avec la vraie monnaie et de l’inertie due au fait qu’elle est déjà acceptée comme moyen d’échange général.

Par conséquent, les pièces et les billets constituent toujours de la monnaie, connue sous le nom d’argent liquide, qui est utilisé dans les transactions. Les biens et les services sont échangés contre de l’argent liquide.

Les particuliers conservent leur argent soit dans leur portefeuille, soit sous leur matelas, soit dans des coffres-forts, soit stocké – déposé – dans des banques. En déposant de l’argent, une personne ne renonce jamais à sa propriété. Lorsque je stocke mon argent dans une banque, je conserve un droit de créance illimité sur celui-ci et j’ai le droit d’en prendre possession à tout moment. Par conséquent, ces dépôts – appelés dépôts à vue – font partie de la monnaie.

À tout moment, une partie du stock d’argent liquide est stockée, c’est-à-dire déposée dans les banques. Ainsi, dans une économie, si les gens détiennent 10.000 euros en espèces, la masse monétaire de cette économie est de 10.000 euros. Mais si certains individus ont stocké 2000 euros en dépôts à vue, la masse monétaire totale restera de 10.000 euros – 8000 euros en espèces et 2000 en dépôts à vue auprès des banques. Si tous les particuliers déposent la totalité de leur stock d’argent liquide auprès des banques, la masse monétaire totale restera de 10.000 euros, intégralement sous forme de dépôts à vue.

Cette situation doit être comparée aux transactions de crédit. Le crédit implique toujours l’achat par le créancier d’un bien futur en échange d’un bien présent. Par conséquent, dans une opération de crédit, l’argent est transféré d’un prêteur à un emprunteur. Les dépôts d’épargne font partie de ces opérations. Il s’agit en fait de prêts à la banque. Avec ces dépôts, le prêteur abandonne à la banque sa créance sur l’argent pour la durée du prêt. Ces transactions de crédit (c’est-à-dire les prêts) ne modifient toutefois pas la masse monétaire dans l’économie. Si Jean prête 1000 euros à Jacques, l’argent est transféré du dépôt à vue de Jean ou du portefeuille de Jean à la possession de Jacques.

La monnaie électronique

La monnaie électronique change-t-elle la donne ? La monnaie électronique n’est pas de la monnaie en tant que telle, mais une manière particulière d’utiliser la monnaie existante. Par exemple, au moyen d’appareils électroniques, Jean peut transférer 1000 euros à Jacques. Il peut également transférer cette somme au moyen d’un chèque tiré sur son dépôt à la banque A. À son tour, Jacques peut placer le chèque auprès de sa banque – la banque B. Après la compensation, l’argent sera transféré du dépôt à vue de Jean à la banque A au dépôt à vue de Jacques à la banque B. Notez que tous ces transferts, qu’ils soient électroniques ou par chèque, peuvent avoir lieu parce que les 1000 euros en espèces existent physiquement. Sans l’existence de ces 1000 euros, rien ne peut être transféré.

Si Jean paie ses courses avec une carte de crédit, il emprunte en fait à la société émettrice de la carte de crédit, par exemple MasterCard. Par exemple, s’il achète pour 100 euros de produits alimentaires avec une carte MasterCard, cette dernière verse 100 euros à l’épicier. À son tour, Jean rembourse la dette qu’il a contractée auprès de MasterCard. Encore une fois, tout cela n’aurait pas pu se produire sans l’existence préalable d’argent liquide. Après tout, qu’est-ce qui a été transféré exactement ?

Le fait que l’argent liquide n’ait pas été utilisé en tant que tel dans l’exemple ci-dessus ne signifie pas que nous n’en avons plus besoin. Au contraire, le fait qu’il existe permet d’effectuer diverses formes de transactions par le biais de technologies sophistiquées telles que les transferts numériques. Ces différentes formes de transfert ne sont pas de l’argent en tant que tel, mais simplement une manière particulière de transférer de l’argent. Le moyen d’échange reste l’argent liquide, mais le moyen de transférer cet argent est différent dans un monde numérique.

Qu’en est-il de l’introduction d’une monnaie numérique par la banque centrale ? Celle-ci pourrait-elle remplacer l’argent liquide ? Il est permis de penser que la monnaie numérique ne deviendrait pas forcément le moyen d’échange accepté. Pour devenir de la monnaie, une chose doit suivre le processus de sélection du marché. Cela ne peut pas devenir de la monnaie juste parce que la banque centrale en a décidé ainsi. Si les autorités imposent la monnaie numérique aux particuliers, il est probable que ceux-ci utiliseront d’autres choses comme monnaie. Si le gouvernement devait appliquer des réglementations abusives, l’économie de marché risquerait d’être détruite.

La suppression de l’argent liquide va nuire à l’économie de marché

Toute tentative de suppression de l’argent liquide (la monnaie) implique l’abolition du moyen d’échange choisi par le marché et, en fin de compte, de l’économie de marché.

La monnaie a été introduite parce que le troc était inefficace. Par conséquent, en l’absence de monnaie (c’est-à-dire de moyen d’échange), l’économie de marché ne pouvait pas émerger.

Les commentateurs qui préconisent la suppression progressive de l’argent liquide prônent involontairement la destruction de l’économie de marché et le retour de l’humanité à l’âge des ténèbres.

L’argument selon lequel la suppression de l’argent liquide éliminera la fraude fiscale et la criminalité est douteux. La fraude fiscale diminuerait si l’on supprimait les incitations qui encourage ces pratiques, à savoir des impôts élevés et un gouvernement dépensier. Le fait qu’en période de crise économique, les gens se précipitent dans les banques pour retirer leur argent indique qu’ils ont probablement perdu confiance dans le système bancaire à réserves fractionnaires et qu’ils aimeraient récupérer leur argent.

Conclusion

Quel que soit le niveau d’avancement technologique de l’économie, l’argent est cette chose contre laquelle nous échangeons des biens et des services. Par conséquent, toute politique visant à supprimer progressivement l’argent liquide risque de détruire l’économie de marché.

Traduit de l’anglais de Mises.org

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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