Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné mercredi la confiscation de neuf châteaux dans le vignoble bordelais acquis au début des années 2010 par un magnat chinois qui a été condamné pour blanchiment de détournement de fonds publics chinois et abus de biens sociaux.
Dans cette affaire de « bien mal acquis », Naijie Qu, 63 ans, patron du groupe Haichang qui a fait fortune dans le pétrole et les parcs d’attractions à Dailan dans le nord de la Chine, a été condamné à trois ans de prison avec sursis et à une amende de un million d’euros. C’est plus que les 400 000 euros d’amende demandés lors de l’audience en février par le procureur Patrice Amar, qui avait aussi requis quatre ans de prison avec sursis.
Les châteaux étaient mis au nom de sa femme à Hong Kong, via de complexes montages financiers impliquant des prêts auprès de la succursale française de la plus grande banque chinoise, ICBC, une foule de sociétés aux noms anglais exubérants comme « Vast Fortune », « Golden Finder » « Major Billion » ou « Silver Emperor », le paradis fiscal des Iles vierges britanniques et des jeux de compensation de dettes et créances réciproques.
Pour acquérir ces propriétés, il lui était reproché d’avoir employé des subventions de la municipalité de Dalian initialement destinées à acheter des entreprises étrangères dans le domaine scientifique et des technologies. Il a été relaxé du chef de blanchiment de fraude fiscale.
Son salarié Jian Liu, 54 ans, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 50.000 euros d’amende pour faux, usage de faux et escroquerie, conformément aux réquisitions. L’enquête du parquet national financier (PNF) a révélé des actes notariés falsifiés, « un comportement qui se règle normalement devant une cour d’assises », a tonné le président Pierre Jeanjean en rendant la décision du tribunal.
35,5 millions d’euros d’avoirs confisqués
Le montant des créances et des biens confisqués s’élève à 35,5 millions d’euros. Le tribunal a, en revanche, relaxé la société comptable Exco Ecaf, poursuivie pour non-dénonciation de délit par commissaires aux comptes.
Pour le parquet, le dossier met en évidence un problème de financiarisation des sociétés agricoles qui renchérit les prix à l’hectare et le caractère illusoire de l’intervention de la Safer, bras des pouvoirs publics pour veiller au maintien d’une agriculture dynamique et à la transparence du marché foncier.
Depuis 2012, plus de 200 acquisitions ont été réalisées dans le vignoble bordelais par des investisseurs chinois, issus principalement de l’élite économique, politique et artistique du pays, à l’instar du fondateur de la plateforme de commerce en ligne Alibaba, Jack Ma, qui a racheté plusieurs propriétés dont le château de Sours dans l’Entre-Deux-Mers, ou de l’actrice Zhao Wei dans l’appellation Saint-Émilion. Le Bordelais a vu débarquer des investisseurs, réputés cousus d’or, et pour les séduire, la filière viticole a fait feu de tout bois : « dîners de gala, dégustations prestigieuses, intronisations dans des ordres ou confréries plus ou moins folkloriques… » rapporte le journal Sud-Ouest. Naijie Qu, surnommé « l’homme aux 25 châteaux », n’a pas échappé à la règle. Cet intérêt s’est estompé ces dernières années, plusieurs dizaines de domaines ayant même été remis en vente.
27 propriétés viticoles en cinq ans
Débarqué dans le Bordelais en 2009, le « discret » M. Qu, comme le décrivait le quotidien Sud-Ouest en révélant il y a dix ans qu’il était dans le collimateur de la Cour des comptes chinoise, avait acheté 27 propriétés viticoles en cinq ans. Des châteaux délaissés et déficitaires, a-t-il assuré par écrit aux enquêteurs.
À l’époque, il passe par une agence immobilière bordelaise spécialisée, visite à tour de bras, projette d’acheter cinquante châteaux, de développer l’œnotourisme et contacte en 2010 la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bordeaux qui, dans un premier temps, l’accompagne dans ses projets : il veut créer en Chine « un Village Bordeaux » et un festival du vin.
« On leur a fait un mauvais sort », a déclaré après le délibéré Me Maxime Delhomme, avocat des deux ressortissants chinois, estimant qu’avec la confiscation, ses clients « se font plumer deux fois ». Un comble selon l’avocat, qui envisage de faire appel.
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