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La méthode de Singapour peut-elle vraiment faire progresser les élèves en maths?

décembre 7, 2023 16:20, Last Updated: décembre 7, 2023 16:20
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Ce mardi 5 décembre, Gabriel Attal, le ministre de l’Éducation nationale, a annoncé différentes mesures afin de relancer les progrès des élèves français. Dans un vaste plan intitulé « Choc des savoirs », l’apprentissage des mathématiques s’inspirera désormais de la méthode de Singapour pour les élèves du primaire.

Les résultats des évaluations internationales PISA affichent une nouvelle baisse du niveau des élèves en mathématiques, reléguant la France au 23e rang dans le classement des 85 pays inscrits à cette étude comparative du niveau scolaire des élèves de 15 ans.

Afin de remédier à cette chute de niveau en France, Gabriel Attal a décidé de calquer les apprentissages fondamentaux du primaire en maths avec la méthode de Singapour.

En effet, la ville-État asiatique caracole en tête des évaluations depuis 1995 et sa méthode en mathématiques est maintenant appliquée dans 70 autres pays. Fait ironique de l’histoire, Singapour s’était à la base inspiré des travaux de pédagogues occidentaux tels que le Suisse Piaget ou l’Américain Bruner pour mettre en place sa méthode d’apprentissage dans les années 80.

Dans un rapport remis au gouvernement en 2018, le mathématicien et ex-député Cédric Villani, ainsi que l’inspecteur général de l’Éducation nationale Charles Torossian, présentaient 21 mesures pour améliorer le niveau des élèves, plébiscitant déjà une réforme de l’apprentissage des mathématiques se basant sur la méthode de Singapour.

En quoi consiste cette méthode ?

Cette méthode peut débuter dès la fin de la maternelle jusqu’en 6e, faisant la part belle à une progressivité en trois étapes : le concret, l’imagé et l’abstrait. Dans un premier temps, les élèves manipulent des objets afin de dénombrer et calculer, favorisant ainsi l’observation et la verbalisation. Puis, ils parviendront peu à peu à l’abstrait en passant par une étape intermédiaire faisant appel aux schémas et aux images pour finalement aboutir aux écritures mathématiques usant de chiffres et de signes.

« L’idée est d’emmener très graduellement les enfants du concret à l’abstrait, avec des représentations de nombres et des manipulations adaptées à leur âge et à leur développement », expliquait dès 2019 au Parisien Monica Neagoy, docteure en didactique des mathématiques et autrice de manuels sur la méthode de Singapour.

« En fonction de son âge, l’élève peut manipuler différents objets : à 5 ou 6 ans, des cubes ou des jetons représentent des unités, une colonne de dix cubes emboîtables ou dix crayons dans un élastique représentent une dizaine, explique Mme Neagoy. Vers 7 ans, il utilise une plaque avec cent cubes ou un gros cube pour mille. À 9 ou 10 ans, on lui donne des disques de taille identique mais de couleurs différentes, marqués 1, 10, 100, 1 000, 0,1 ou 0,01. On se rapproche ainsi progressivement de l’abstraction. Les enfants sont ainsi à l’aise avec les nombres. Au secondaire, ils sont prêts à sauter dans le grand bain de l’abstraction. »

La résolution de problèmes est aussi au cœur des apprentissages, puisque, faut-il rappeler que les mathématiques ont été conçues avant tout pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne…

La méthode de Singapour ouvre la porte à la découverte des quatre opérations dès le CP. La manipulation permet aussi aux élèves de CE1 d’aborder les premières notions de fractions, telles que couper un gâteau en deux pour comprendre la moitié ou séparer un ruban en 10 pour comprendre la notion de dixième…

Transposer la méthode de Singapour en France est-elle suffisante ?

Si la description en l’état de la méthode de Singapour semble évidente et logique, il faut comprendre que ses étapes, passant du concret à l’abstrait, sont déjà appliquées, peut-être différemment et pas systématiquement, par nombre d’enseignants en France depuis de nombreuses années.

En effet, nombre d’entre eux confirmeront passer par la manipulation avant de découvrir une notion mathématique et c’est particulièrement vrai pour les classes de maternelles ou de CP. De même, afin de démontrer que toute notion mathématique existe afin de résoudre un problème du quotidien, la résolution de problème est, pour beaucoup d’enseignants, la première étape introduisant la découverte de cette notion.

Cependant, il est vrai que, dans les faits, la manipulation n’est pas systématique et n’est pas suffisamment accompagnée d’une réflexion et d’une verbalisation de l’élève. De même, souvent par manque de temps, l’enseignant passera outre cette étape intermédiaire qu’est la schématisation ou la mise en image avant d’introduire l’écriture mathématique pure… Parallèlement, force est de constater que la phase première de manipulation est souvent peu à peu abandonnée ou mise de côté dès le CE2 ou le CM, privilégiant des apprentissages déjà basés sur l’abstrait.

Au vu de ces constats, on peut admettre qu’officialiser la méthode de Singapour dans les programmes, permettra peut-être une généralisation de l’application de ces différentes étapes.

Mais, ne faudrait-il pas tenir compte de la réalité de facteurs externes qui, au contraire limite ou accentue les effets de la méthode ?

À Singapour, le modèle éducatif est basé sur une forte compétition dès le plus jeune âge, amenant une grande majorité des familles à imposer des cours du soir à leurs enfants : en plus des heures d’écoles, 85 à 90% des enfants vont ensuite plancher sur les apprentissages pendant une heure ou deux lors de cours particuliers. On comprend un peu mieux les résultats excellents révélés lors des évaluations PISA !

En France, outre le fait que les cours particuliers demeurent souvent le fait des familles les plus aisées, se pose aussi le problème de la formation initiale des enseignants.

« La France a les ressources humaines, intellectuelles pour être la Number One en mathématiques. Ce que tous les gens auditionnés ont dit, c’est qu’il y avait un déficit dans la formation des enseignants », déclarait Monica Neagoy sur 20 Minutes en 2018.

« En comparaison, il y a 400 heures de maths en formation initiale à Singapour contre 80 heures en France. La méthode de Singapour n’est pas une méthode miracle. Il faut être bon en maths pour les enseigner », indiquait également à RTL Jean Nemo, pionnier de l’enseignement de la méthode de Singapour en France.

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