La métropole d’Aix-Marseille ou l’impossible simplification de la décision locale

Par ROMAIN DELISLE
3 mars 2023 14:41 Mis à jour: 3 mars 2023 14:41

Le 2 septembre 2021, dans un discours prononcé au palais du Pharo, le président de la République avait annoncé le lancement du plan « Marseille en Grand » prévoyant le déploiement de 1,5 Mds€ dédiés aux investissements réalisés dans la ville, dont un demi-milliard de subventions et un milliard en prêts garantis.

Cette offre généreuse était toutefois assortie de conditions quant à la réforme du mode de fonctionnement de la métropole créée en 2016 par la loi MAPTAM (modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles).

Dès 1982, la loi dite PLM (pour Paris, Lyon, Marseille) avait donné à ces communes une organisation spécifique, leur conférant un statut électoral basé sur l’échelon de proximité qu’est l’arrondissement à Paris et à Lyon, ou le secteur à Marseille (composé de plusieurs arrondissements).

Par la suite, le mouvement de métropolisation a accentué cette distinction juridique du reste des communes françaises avec la création de trois métropoles régies par un droit dérogatoire du droit commun, leur permettant de bénéficier de compétences supplémentaires (prises aux départements par exemple) et leur donnant une forme d’organisation particulière et différente les unes des autres.

Un compromis entre élus locaux et pouvoir central conduisant à l’éclatement de la décision publique

Dans un premier temps, la forte résistance des élus locaux avait conduit à la création d’une structure que le Sénat lui-même avait qualifié de manière peu flatteuse « d’objet métropolitain non identifié », qui s’insérait au milieu d’un fouillis territorial de six strates différentes : les mairies de secteur marseillaises, les communes, les conseils territoriaux composant la métropole, la métropole Aix-Marseille-Provence en elle-même, le département des Bouches-du-Rhône et la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Afin de rassurer les élus locaux fusionnés, l’État avait, en effet, été contraint de créer six conseils territoriaux sur les mêmes frontières que les six anciens EPCI (établissements publics de coopération intercommunaux), lesdits conseils disposant même de six compétences obligatoires et de compétences facultatives obtenues par délégation.

Deuxième point, la crainte de la domination marseillaise sur le nouvel ensemble avait également conduit à promettre au moins un siège à chaque commune, menant à la création d’un conseil métropolitain digne d’une armée mexicaine, composé de 240 membres. Pour ne rien gâcher, la présidente de la métropole, Martine Vassal, est l’ancienne compétitrice de l’actuel maire de Marseille, l’ex-socialiste Benoit Payan, augurant de guerres picrocholines entre et au sein même des différentes formations politiques.

Cette situation délétère, causée par la dispersion des centres de décision, n’avait donc permis, ni de lancer des politiques publiques légitimes lorsque la métropole atteint une taille critique, ni de préserver la proximité réclamée par les communes, ainsi que le relevait le préfet Pierre Dartout dans un rapport au Premier ministre rendu en 2019. Le président de l’Association des maires des Bouches-du-Rhône a, dans cette continuité, mentionné onze compétences, comme la voirie de proximité, les cimetières, la gestion de l’eau ou de l’éclairage public, dont les communes réclament de manière récurrente le retour.

D’un autre côté, la signature en 2022 de 211 conventions de gestion avec les communes, qui peut être aussi la marque d’une certaine forme de souplesse lorsque le phénomène n’est pas généralisé, commence à dessiner les contours de ce qui apparaît de plus en plus comme une coquille vide.

À titre d’exemple, le plan d’urbanisme local, qui devait initialement être réalisé par la métropole, a été finalement mis en œuvre par les territoires.

Une situation financière dégradée

Pendant la période allant de 2016 à 2020, la part de financement captée par les conseils territoriaux a oscillé entre 66 et 83 % selon les politiques publiques. L’épargne brute et nette de la métropole en 2019 (253 et 119 M€) était très faible par rapport à  d’autres collectivités de taille comparable.

Dans un rapport publié en 2021, la chambre des comptes de la région PACA constatait que la capacité d’autofinancement par habitant de cette dernière était également très en dessous de la moyenne nationale (189 € contre 330 €), d’où une capacité de désendettement alarmante de 8 ans, contre 4 pour les métropoles de Lyon et Lille ou 3 et 2 pour les métropoles de Nantes et Bordeaux.

Ce contexte financier inquiétant a notamment conduit la majorité métropolitaine, pourtant située à droite de l’échiquier politique, à décider de violentes hausses d’impôt inscrites au budget 2023, occasionnant d’importantes frictions avec les élus aixois qui avaient pris la défense du contribuable. La cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ont ainsi augmenté de 6 % et la TEOM (taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères) de 14%, sauf à Marseille.

De timides tentatives de réforme qui ne s’assortissent pas d’une fusion avec le département des Bouches-du-Rhône

Dans la continuité de son discours du Pharo, le chef de l’État avait poussé à l’adoption de différentes mesures de rationalisation de la collectivité incluses dans la loi 3DS,  notamment la suppression des conseils de territoire et le ré-octroi aux communes de certaines compétences, dont le tourisme, la lutte contre les incendies ou la gestion des cimetières.

Ces réformes sont certes les bienvenues mais ne règlent que partiellement l’enchevêtrement des compétences et l’émiettement du pouvoir au niveau local, notamment eu égard au maintien du conseil départemental.

La métropole, forte de 1,85 millions d’habitants, rassemble, en effet, 93 % de la population des Bouches-du-Rhône et l’essentiel de son activité économique. Comme le montre la carte suivante, seul le Pays d’Arles n’y est pas intégré et refuse d’ailleurs catégoriquement de l’être :

Deux solutions s’offrent alors au législateur qui souhaiterait rationaliser l’organisation des sources du pouvoir local : forcer le pays d’Arles à intégrer la métropole et la fusionner avec le conseil départemental ou faire fusionner la métropole et le conseil départemental en rattachant le pays d’Arles aux départements voisins.

Cette dernière solution, plus douce, se doit d’être recommandée, moyennant quoi la nouvelle collectivité pourrait devenir un laboratoire pour préparer la fin des conseils départementaux. En l’état, ni la métropolisation, ni l’intercommunalisation n’ont permis de rationaliser l’action et la dépense publique locale — ainsi qu’en témoigne la forte hausse des employés de la fonction publique territoriale qui n’a pas été accompagnée d’une amélioration des services locaux–, menant à la nécessaire conclusion qu’au moins un échelon de décision doit être supprimé. Il faudra ensuite veiller à rendre chacun de ces échelons fiscalement responsables. Bref, le chemin à parcourir reste encore long.

Article écrit par Romain Delisle. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

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