La Norvège, plus gros producteur d’or noir d’Europe occidentale est à partir de mardi sur le banc des accusés dans le cadre d’un procès intenté par Greenpeace et une autre ONG contestant l’attribution de licences de prospections en Arctique.
Conjointement avec Natur og Ungdom, une organisation environnementale qui cible la jeunesse, Greenpeace poursuit l’État norvégien pour protester contre l’autorisation donnée en 2016 de la prospection pétrolière dans les eaux arctiques de la mer de Barents.
Les plaignants accusent l’Etat nordique d’enfreindre l’accord de Paris mais aussi une disposition de la Constitution modifiée en 2014 qui garantit le droit à un environnement sain.
Selon eux, il s’agit de la première plainte déposée contre un État s’appuyant sur les accords signés lors de la Cop21, et entrés en vigueur en novembre 2016.
« Il est clair pour nous que la prospection est une violation de l’accord de Paris et de la Constitution norvégienne, et nous avons hâte de soulever ces questions devant les tribunaux », a déclaré Truls Gulowsen, responsable de Greenpeace Norvège, dans un communiqué publié lundi.
La Norvège, dont les revenus pétroliers périclitent –la production de pétrole brut a été divisée par deux depuis 2001– avait en mai 2016 attribué dix licences (couvrant au total 40 blocs) à 13 groupes pétroliers, parmi lesquels le champion national Statoil, les Américains Chevron et ConocoPhillips, l’Allemand DEA, le Japonais Idemitsu, le Suédois Lundin, l’Autrichien OMV et le Russe Lukoil.
Les deux ONG réclament aujourd’hui l’annulation de ces concessions, faisant valoir le risque environnemental que représente la prospection.
Contacté par l’AFP, le bureau chargé de représenter l’État a indiqué lundi ne pas vouloir s’exprimer à la veille de l’ouverture du procès.
À l’époque, la Norvège avait expliqué que « l’attribution de nouvelles licences de production (…) satisfait les exigences résultant du paragraphe 112 de la Constitution et que la validité des concessions ne peut donc pas être attaquée sur cette base », selon Ole Berthelsen, un porte-parole du ministère du Pétrole et de l’Énergie.
Trois de ces licences, les plus âprement contestées, sont situées dans une région maritime frontalière, jusque-là totalement inexplorée, que la Norvège et la Russie se sont longtemps disputée jusqu’à la conclusion d’un accord en 2010.
L’une de ces zones est la plus septentrionale jamais ouverte à la prospection par la Norvège et les ONG s’inquiètent de sa proximité avec les limites de la banquise.
Les plaignants accusent en outre le gouvernement d’avoir « violé le droit à un environnement sain et sûr pour les générations futures, garanti par la Constitution norvégienne ».
« Chaque gouvernement a le devoir de protéger les droits des personnes à un environnement sain », a souligné Ingrid Skjoldvaer, porte-parole de Natur og Ungdom, dans un communiqué conjoint.
Avec ces forages, « nos enfants souffriront des pires effets du changement climatique causé par la combustion d’énergies fossiles », a-t-elle martelé.
Paradoxalement, la Norvège, plus gros producteur d’hydrocarbures d’Europe de l’Ouest, est aussi le leader mondial de la voiture électrique. Elle affiche l’ambition d’en finir dès 2025 avec les ventes de voitures neuves équipées seulement d’un moteur à combustion.
Mais l’or noir a tout de même permis au pays nordique de constituer le plus gros fonds souverain au monde, d’une valeur aujourd’hui proche de 1.000 milliards de dollars.
En juin dernier, la Norvège a proposé d’ouvrir à l’exploration pétrolière un nombre record de blocs dans les eaux arctiques de la mer de Barents malgré l’hostilité des ONG et de sa propre administration, inquiètes pour le climat et l’environnement.
Parmi les blocs offerts aux compagnies pétrolières par le ministère du Pétrole et de l’Énergie, 93 sont situés en mer de Barents, les neuf autres se trouvant en mer de Norvège, également au-delà du cercle polaire.
Le pays nordique a été l’un des premiers à ratifier l’accord de Paris qui a pour ambition de limiter en dessous de 2°C, voire à 1,5°C, la hausse du thermomètre mondial par rapport au niveau pré-industriel.
Mais libres de glace, les eaux ouvertes à la prospection, en particulier celles proches de la Russie, sont jugées prometteuses par l’industrie pétrolière alors que la production d’or noir en Norvège ne cesse de décliner depuis le pic atteint en 2000.
Le procès doit se tenir jusqu’au 23 novembre à Oslo.
R.B. avec AFP
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