Des cornes de brume, des drapeaux et des dizaines de supporteurs dans des gradins: l’ambiance tient plus du stade de football que du concours gastronomique. C’est pourtant dans cette atmosphère survoltée que s’est tenu à Turin, en Italie, le Bocuse d’Or Europe, remporté mardi par la Norvège. Malgré le vacarme, les chefs, toque blanche sur la tête, ne se laissent pas déconcentrer. Ils coupent, râpent, font revenir des oignons ou activent leur mixeur.
Des fumets s’élèvent des dix cuisines-boxes accolées les unes aux autres. Le défi: réaliser, en 5 heures et 35 minutes, 15 assiettes et un grand plateau, afin de décrocher un des sésames européens pour le concours mondial Bocuse d’Or, qui aura lieu en janvier 2019 à Lyon, la ville du grand chef cuisinier français Paul Bocuse disparu en janvier. Pour les assiettes, les candidats doivent nécessairement utiliser du fromage Castelmagno, des œufs et, Italie oblige, des… spaghettis, élément révélé seulement la veille de l’épreuve. Et pour le plateau: du filet de bœuf race piémontaise, du riz de Baraggia Biellese et Vercellese, et du ris de veau.
Un jury de grands chefs est chargé de départager les vingt pays européens et d’en sélectionner dix pour la finale mondiale. Les critères? « Avant tout, le goût. Mais on regarde aussi la présentation, l’utilisation des produits, la propreté des box, l’absence de gaspillage. C’est vraiment une note globale », explique à l’AFP Jérôme Bocuse, président de cette compétition vécue cette année avec une émotion particulière. C’est en effet la première organisée depuis la mort du « pape » de la gastronomie française, qui avait créé ce concours en 1987.
« Il y a un vide. Ces dernières années, il était fatigué et n’était plus présent physiquement, mais il continuait à suivre de très près ce concours. C’est quelque chose qu’il a toujours aimé. Cela va au-delà du concours, c’est un rassemblement de chefs du monde entier et c’est très important de pouvoir échanger », souligne son fils. Le concours permet de « se rappeler ce que (Paul Bocuse) a fait, son ADN, ses valeurs. On est dans son sillage, on garde le cap, mais on le remplace pas », confie-t-il.
Ce sont finalement de nouveau les pays nordiques, grands favoris, qui ont fait le grand chelem: le chef norvégien Christian André Pettersen s’est hissé sur la première marche du podium, suivi du Suédois Sebastian Gibrand et du Danois Kenneth Toft-Hansen. Le Bocuse d’Or représente souvent un énorme tremplin dans la carrière des chefs. Mais décrocher le trophée requiert un travail acharné. Certains prennent un congé de plusieurs mois pour s’entraîner, à l’image du candidat italien, Martino Ruggieri, chef adjoint de Yannick Alléno, trois étoiles Michelin, au Pavillon Ledoyen à Paris.
« C’est un concours très compliqué, c’est stressant. Mais il faut prendre du plaisir tout en se donnant à fond. L’essentiel est de ne pas avoir de regrets », estime Matthieu Otto, sous-chef du restaurant Auberge Saint Walfrid, à Sarreguemines (est de la France), qui a qualifié la France en s’attribuant la cinquième place. Son assiette-un œuf crémeux surmonté d’un soufflé et « une variation estivale avec des petits légumes », a été désignée la meilleure de cette sélection européenne.
Durant les 5h35, chaque chef est aidé de commis, et soutenu par un « coach ». « Tout est quasiment chronométré et ils ont tout en tête, mais je suis là pour leur rappeler des choses s’ils ont des trous de mémoire. On évite de trop discuter car sinon ils perdent leur concentration », explique le Belge Roland Debuyst, « coach » de l’équipe russe menée par Andrey Matuha.
« Je suis là pour donner l’impulsion à l’équipe », ajoute celui qui fut Bocuse d’Argent en 1997, après avoir appelé un commis à accélérer le rythme. Devant lui, des feuilles de papier remplies de dizaines de lignes, qu’il passe au surligneur une fois les actions réalisées. Et juste à côté neuf minuteurs. A quelques cuisines de là, Rasmus Kofoed, qui fut Bocuse d’Or, d’Argent et de Bronze, « coache » l’équipe du Danemark.
Son rôle, il le voit comme celui d’un chef d’orchestre, chargé de « diffuser le bon esprit ». Le secret pour remporter le Bocuse, selon lui? « Avoir quelque chose en plus: un élan personnel, la bonne équipe autour de toi et avoir une très forte mentalité de gagnant ».
DC avec AFP
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