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La nouvelle carte d’identité numérique chinoise suscite de nouvelles craintes concernant la censure

Pékin a introduit un certificat numérique contenant des informations personnelles, notamment des données biométriques et un numéro d'identification
août 10, 2024 18:53, Last Updated: août 10, 2024 19:17
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Pékin a suscité de nouvelles inquiétudes quant au renforcement de la censure en adoptant une politique visant à introduire des identifications numériques pour les internautes.

Le régime communiste chinois a déclaré que le système « volontaire » est conçu pour rationaliser les processus de service, protéger les informations personnelles et réduire la fraude. Dans le même temps, les critiques décrivant cette politique comme un outil de censure ont été éliminées des médias sociaux.

La politique, introduite le mois dernier par le ministère de la Sécurité Publique (MSP) et le département d’État chinois responsable de la censure en ligne, est encore sujette à consultation. Cependant, elle a déjà été testée dans un certain nombre de services publics et de plateformes de médias sociaux. L’application du MSP pour l’identification numérique est actuellement disponible sur plusieurs magasins d’applications, y compris celui d’Apple.

Par ailleurs, selon un groupe de défense des droits de l’homme, un homme du nord-est de la Chine poursuit le MSP pour avoir mis en œuvre cette politique avant que le processus de consultation ne soit achevé.

Nouvel identifiant numérique

Le 26 juillet, le MSP et l’administration chinoise du cyberespace (ACC) ont lancé une consultation sur les projets d’introduction de numéros d’identification et de certificats numériques pour les internautes.

Selon le document de consultation, les personnes disposant d’une pièce d’identité valide peuvent demander un numéro d’identification numérique et un certificat numérique contenant le numéro et leurs informations personnelles. Le numéro et le certificat peuvent ensuite être utilisés pour vérifier leur identité auprès des services publics et privés.

Le MSP a déclaré que cette mesure permettrait de mieux protéger les informations personnelles des internautes, puisque les plates-formes en ligne n’auraient plus besoin de les collecter séparément. Toutefois, les critiques affirment que cette mesure pourrait permettre au Parti communiste chinois (PCC) d’identifier plus facilement les dissidents qui franchissent la ligne du Parti dans le cyberespace.

Zhong Shan, expert en télécommunications basé aux États-Unis et anciennement connu sous le nom de Wang Zu, a déclaré que cette mesure, combinée au système chinois de crédit social, pourrait contribuer à augmenter les recettes des autorités locales provenant des amendes et être utilisée comme un autre moyen de contrôler les dissidents.

« Je pense que tout le monde recevra un numéro d’identification, mais pas nécessairement un certificat. Ceux qui sont surveillés par la police de sécurité politique pourraient se retrouver sans certificat », a-t-il déclaré à l’édition chinoise d’Epoch Times.

À la question de savoir pourquoi un certificat numérique est nécessaire alors que les internautes sont tenus d’enregistrer leur vrai nom et leur numéro d’identification depuis plus d’une décennie, M. Zhong a répondu que le nouveau certificat comprendra une combinaison de données qui n’ont jamais été consolidées auparavant, notamment la messagerie, l’adresse IP et l’adresse de la passerelle du routeur, et des données biométriques telles que les empreintes digitales et les traits du visage.

« Ce qui compte, c’est la prochaine étape. [Le PCC] pourrait forcer les principales plateformes, telles que TikTok et WeChat […]. Vous ne pouvez pas vivre sans faire du shopping et sans communiquer, alors comment ne pas vous porter volontaire ? », a-t-il déclaré, ajoutant que le système de crédit social et le projet pilote de monnaie numérique le mois prochain feront également partie du système de contrôle du PCC.

Critiques censurées

Malgré cette consultation ouverte, la police de l’internet a supprimé des plateformes de médias sociaux chinoises les critiques formulées à l’encontre de cette politique, notamment un message de Lao Dongyan, professeure de droit à l’université de Tsinghua.

Dans des remarques publiées sur Weibo, l’équivalent chinois de X, Mme Lao a comparé l’identifiant numérique à un traceur personnalisé pour chaque internaute, affirmant qu’il peut facilement collecter l’historique complet d’un utilisateur sur le web.

Le certificat numérique, a-t-elle écrit dans le message aujourd’hui supprimé, « transformera l’accès à l’internet et les services en ligne en véritables privilèges dont on ne pourra bénéficier qu’avec une autorisation ».

« Dès lors que certains services interdisent à une personne d’utiliser leurs services de vérification, le droit de cette personne d’accéder à Internet sera limité ou supprimé, notamment la liberté d’exprimer des opinions et d’obtenir des informations », a-t-elle ajouté.

Mme Lao a également déclaré que cette politique étendait les mesures prises à l’encontre des personnes soupçonnées d’infractions pénales et que les internautes seraient difficilement en mesure de donner leur consentement en connaissance de cause faute d’alternatives et d’informations sur les risques.

La professeure de droit a réclamé un réexamen pour déterminer si cette politique est constitutionnelle.

Dans un message ultérieur, qui a également disparu, Mme Lao s’est plainte des trolls qui l’ont prise pour cible suite à la publication de cet article et qui, selon elle, ont été commandités par les autorités.

Huang Yusheng, un autre professeur de l’université Tsinghua qui a critiqué cette politique, a été banni de Weibo après avoir publié son opinion.

M. Huang, qui a réagi à cette politique dans un article cinglant, a déclaré que la liberté civile était vitale pour une Chine modernisée.

« Tout État qui tente de surveiller ses citoyens sous tous les angles et de ne leur laisser aucune place pour leur vie privée montre, de la manière la plus crue et la plus flagrante, qu’il n’est pas un État pour ses citoyens », a-t-il écrit.

Le professeur de philosophie a affirmé que dans « un véritable État pour le peuple », les autorités n’ont pas besoin d’analyser et de contrôler les moindres pensées et paroles des citoyens ; ces derniers s’identifient à l’État, lui font confiance et le défendent. Il a ajouté que la recette secrète garantissant la confiance d’une nation doit reposer sur les libertés de ses citoyens.

Depuis la publication de ce message, le compte Weibo de M. Huang a été verrouillé.

Applications disponibles avant les résultats de la consultation

Alors que la date limite de consultation a été fixée au 25 août, l’application du MSP permettant de générer des certificats numériques est déjà disponible dans les magasins d’applications, notamment ceux de Tencent et d’Apple.

Capture d’écran montrant les critiques de l’application du ministère de la Sécurité Publique pour les certificats numériques dans l’App Store d’Apple, prise le 8 août 2024. (Epoch Times)

Epoch Times a contacté Apple pour obtenir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.

Le certificat a également été testé par des dizaines de services publics et de plateformes de médias sociaux, comme le chemin de fer 12306, la plateforme d’achat numérique Taobao et WeChat.

Selon un document publié par le site web des droits de l’homme @weiquanwang, Fu Wen, un homme de 49 ans originaire de Shandong, a intenté une action en justice le 2 août contre le MSP pour avoir mis en œuvre cette politique proposée au cours de son processus de consultation.

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