Aux États-Unis, Apple a lancé en avril dernier un nouveau compte épargne intitulé Apple Savings. En Europe, en février, le gouverneur de la Banque de France a posé « la question des conditions qui permettraient aux Big Tech d’élargir leur périmètre » dans son discours adressé aux cadres de la Banque des règlements internationaux (BRI) .
Quatre ans après les débuts de sa carte de crédit, Apple a lancé le 17 avril dernier aux États-Unis un compte épargne en partenariat avec la banque américaine Goldman Sachs. Baptisé Apple Savings, le compte épargne propose un taux de rendement – 4,15% par an – plus de dix fois plus avantageux que la moyenne aux États-Unis (0,37%). Cette offre attractive a permis à Apple Savings d’enregistrer environ 240.000 ouvertures de compte dans la semaine qui a suivi son lancement. Dès son premier jour d’existence, le nouveau compte épargne d’Apple a attiré près de 400 millions de dollars de dépôts, d’après Forbes.
Apple Card savings account offers an attractive 4.15% interest rate, but be very careful of these pitfalls before signing up https://t.co/hY2LacdfJQ
— MarketWatch (@MarketWatch) May 27, 2023
L’entame spectaculaire d’Apple Savings contribuait cependant à l’hémorragie de dépôts bancaires que subissent ces dernier temps les banques régionales américaines. Ces institutions financières de taille moyenne sont ainsi constamment menacées par le risque de bank run – la fuite massive de dépôts bancaires. Trois d’entre elles – SVB, Signature Bank et First Republic Bank, ont récemment fait faillite.
Percée des Big Tech dans la finance
Le nouveau compte épargne d’Apple n’est pas simplement un nouvel outil de fidélisation des utilisateurs, mais aussi un signe de l’ambition grandissante de la marque à la pomme dans le secteur des services financiers, selon l’AFP.
La société siégeant à Cupertino a en effet dévoilé sa plateforme de paiement Apple Pay en 2014. Cinq ans après, elle a lancé sa carte bancaire Apple Card. En mars dernier, le géant technologique a déployé son service de paiement fractionné (Apple Pay Later), un système d’emprunt remboursable permettant aux utilisateurs d’Apple Wallet d’emprunter de petites sommes d’argent pour financer leurs achats.
D’abord un portefeuille électronique, ensuite des cartes de paiement, suivies par des comptes bancaires, il s’agit là du chemin qui caractérise l’essor des Big Tech dans le secteur des services financiers. Tout comme Apple, Google, Amazon et Facebook possèdent chacun leur propre solution de paiement. En particulier, Google a mené pendant des années un projet visant le développement d’une banque en ligne avec l’aide de la banque américaine Citigroup, avant de l’abandonner en 2021. Tweeter, un autre géant de la Tech, a quant à lui signé en avril un accord de partenariat avec eToro, la compagnie israélienne de trading en ligne.
L’essor des Big Tech dans la finance ne s’arrêtera pas là, à en croire l’institut de recherche de Capgemini sur les services financiers qui prévoit un doublement du nombre de transactions électroniques d’ici cinq ans. Selon le rapport World Payments du même cabinet, le volume des paiements électroniques dans le monde entier s’est élevé à environ 990 milliards fin 2021 et il pourrait atteindre la barre des 2200 milliards en 2026.
Discours du gouverneur de la Banque de France
Atteignant une telle ampleur, la montée en puissance des Big Tech dans la finance n’est pas passée inaperçue et n’a notamment pas échappé à l’œil attentif des autorités bancaires. Lors d’une conférence organisée par la BRI en février dernier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a fait remarquer que « les Big Tech ont connu un grand succès dans ce domaine. Les paiements par portefeuille numérique ou par téléphone mobile représentent environ 27 % des paiements liés au commerce en ligne en Europe, 36 % en Inde et 69 % en Asie ».
Cependant, « les Big Tech n’ont pas réalisé la percée dans les activités bancaires traditionnelles que beaucoup attendaient », observe le gouverneur de la Banque de France. Selon ce dernier, les deux raisons principales tiennent aux « contraintes réglementaires » et à « l’environnement de taux bas qui prévalait jusqu’à récemment ».
Le chef du gendarme bancaire français pointe que l’environnement de taux bas n’est plus à l’ordre du jour depuis les augmentations successives de taux orchestrées par les banques centrales depuis mars 2022. Ainsi, la réglementation bancaire et financière serait, selon lui, le seul obstacle freinant la montée en puissance des géants de la Tech dans le secteur des services financiers.
Étant donné que « les grandes entreprises prospères de la Tech peuvent tirer des leçons de leurs difficultés et entrer dans le monde de la banque et de la finance », François Villeroy de Galhau a souligné l’importance d’établir « des conditions (réglementaires) qui permettraient aux Big Tech d’élargir leur périmètre ». Et d’avancer que « l’environnement réglementaire doit s’adapter et préserver la stabilité financière, sans stopper la révolution technologique ».
Pour ce faire, le dirigeant du régulateur banco-financier français alerte sur les « trois nouvelles questions » que posent les Big Tech : « concurrence, protection des données et cybersécurité ». Il voit pour ces trois questions des « défis communs », auxquels « l’OCDE, la BRI et le CSF (Conseil de stabilité financière) peuvent et doivent jouer le rôle de ‘bacs à sable’ ».
D’après lui, l’Union européenne est déjà « en position de fer de lance sur les questions essentielles », grâce à des réformes règlementaires majeures dans le secteur banco-financier. D’abord, le règlement sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) « améliorera la cyber-résilience de notre système financier et la protection des données financières ». Ensuite, le règlement relatif aux marchés de crypto-actifs (MiCA) sera « adapté aux nouveaux acteurs et aux nouveaux actifs ». Enfin et surtout, la législation sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA) « couvrira les questions de concurrence » et la législation sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) « réglementera les contenus en ligne ».
« Avec cette nouvelle législation, l’Europe crée un climat plus propice à l’émergence d’acteurs européens dans le domaine technologique. Nous ne pouvons qu’espérer, dans l’intérêt de la concurrence mondiale, qu’ils parviendront à se développer et à atteindre une taille critique, » conclut le gouverneur de la Banque de France.
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