Alors que la France s’engage dans une transition énergétique aux ambitions vertigineuses, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) 2025-2035 suscite des doutes croissants sur sa faisabilité économique et sociale. Entre investissements pharaoniques non chiffrés, dépendance accrue aux technologies étrangères et objectifs irréalistes, le plan gouvernemental peine à convaincre. Une analyse critique révèle les fissures d’un projet risquant de sacrifier compétitivité industrielle et pouvoir d’achat des ménages sur l’autel d’une urgence climatique mal calibrée.
L’objectif de la politique climatique de la France est de contribuer à limiter le réchauffement global à 2 °C, préférablement à 1,5 °C. C’est pourquoi une planification est entreprise tous les cinq ans pour faire en sorte que l’approvisionnement énergétique du pays soit conforme à l’engagement pris dans le cadre de l’accord de Paris d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Cela signifie que la consommation de carburants fossiles – gaz et fioul pour les chauffages, essence et diesel pour les transports – doit à terme disparaître pour être remplacée par de la sobriété, de l’efficacité et par d’autres formes d’énergie, avant tout l’électricité.
Après quatre ans de travaux, le troisième volet de programmation, portant sur la période 2025-2035, a été soumis à consultation finale par le public, tandis qu’un débat parlementaire semble devoir s’imposer plutôt qu’une exécution par décret. Pour évaluer les conséquences de cette programmation, si elle était réalisée telle qu’écrite, on se réjouirait qu’une évaluation économique des actions programmées soit disponible, c’est-à-dire qu’une mesure des résultats attendus soit mise en contraste avec les investissements à effectuer, les délais qui y sont liés et les coûts récurrents que cela implique. Mais force est de constater l’absence d’une telle analyse d’impact, bien qu’un exercice dans ce sens soit prévu, mais pour plus tard, vraisemblablement trop tard.
Seule une estimation de « besoins d’investissements supplémentaires bas-carbone en 2030 par rapport à 2021 » les résume à quelque 110 milliards d’euros par an, c’est-à-dire 1600 euros par habitant ou 3,7 % du produit intérieur brut, une fois et demie les dépenses de défense. Cela suppose aussi que des mesures de sobriété, souvent synonymes de restrictions, soient acceptées. Et pour la suite, il n’y a aucune raison de croire que ces dépenses ne cessent ou diminuent, bien au contraire. De plus, cette estimation est incomplète. Elle devrait aussi prendre en compte les effets sur les finances et la consommation des personnes et des entreprises. En effet, de tels investissements ne peuvent qu’entraîner des augmentations du coût de l’énergie, facture récurrente qui devra être assumée par les ménages et les industries. En un mot, une nouvelle manifestation d’un « quoi qu’il en coûte » qui n’est ni calculé, ni dévoilé.
Quant au renouveau du nucléaire, il est à saluer même s’il est encore timide. En attendant que de nouvelles centrales soient opérationnelles et pour maintenir le rythme promis de la transition et la forte augmentation de demande de courant électrique qu’elle impose, c’est surtout la part des énergies dites renouvelables qui devrait augmenter fortement. Paradoxalement, tripler l’éolien et quintupler le solaire n’aidera qu’à augmenter la production électrique de 50 %. Il faut se souvenir que ces technologies-là ne produisent que de manière intermittente, seulement si le vent souffle ou si le soleil luit, sans parler du fait qu’elles récoltent l’énergie de manière diluée sur les territoires, avec des milliers de gigantesque turbines supplémentaires en perspective, auxquelles Il faut ajouter des capacités équivalentes d’appoint ou de stockage ainsi que l’extension des interconnexions. Cela multiplie les investissements nécessaires, augmente les coûts et diminue la stabilité du réseau, comme le démontre le mauvais exemple allemand.
Il est également prévu de multiplier par deux ou même quatre la quantité de biogaz à utiliser comme alternative au gaz naturel. Cette valorisation des déchets agricoles ou sylvicoles n’a besoin que d’un raccordement au réseau existant, sans que les consommateurs doivent changer quoi que ce soit. De plus, un sous-produit de cette fermentation est un digestat qui sert d’engrais biologique pour l’agriculture.
Planifier la production est relativement facile dès lors que l’évolution de la demande est correctement anticipée. Mais est-ce le cas ? Par exemple, il faudrait qu’en dix ans, le chauffage par pompe à chaleur soit multiplié par 2,5 ou 3, alors qu’il a fallu plus de vingt ans pour atteindre son niveau actuel. Pour les transports, la consommation électrique actuelle devrait être multipliée par cinq afin de diviser par trois la consommation d’essence et de gazole, ce qui est incompréhensible. Tout cela est-il réaliste alors que, jusqu’à ce jour, ces conversions ont été conduites au forceps grâce à des subventions ? N’oublions pas non plus qu’une grande partie des installations à construire n’auront pas une origine française ou européenne, mais plutôt chinoise, ce qui blesse l’espoir de souveraineté.
Pour que cette programmation puisse se réaliser, il faut d’une part que les investissements prévus pour les infrastructures et pour les nouvelles productions soient financés, que les ressources humaines et matérielles soient disponibles et, d’autre part, que les consommateurs jouent le jeu en isolant leurs passoires thermiques et en achetant des pompes à chaleur, des panneaux solaires et des véhicules électriques. Ils seront aussi priés de modifier leurs modes de consommation pour se plier aux cabrioles des renouvelables. La question des budgets se pose : celui d’un État systématiquement déficitaire et surendetté, et celui des entreprises et des ménages qui devraient investir et se sacrifier pour s’adapter à un approvisionnement énergétique moins efficace, enlaidissant beaucoup de paysages, moins disponible et plus onéreux.
Cette programmation répond aux attentes de nombreuses parties prenantes, qui ont d’ailleurs contribué activement à son élaboration. Mais le fourre-tout qui en résulte occulte l’essentiel : sa faisabilité pratique et son acceptabilité générale. Il fait d’ailleurs l’objet d’une sérieuse critique par l’Académie des sciences. Et même si les moyens financiers étaient à disposition, ne seraient-ils pas mieux investis dans des priorités plus essentielles, d’instruction et de formation, de santé, de sécurité et de bien-être ?
Finalement, une alternative n’a pas du tout été testée, celle de se donner le temps d’une action plus efficace, compatible avec un environnement préservé, bien moins coûteuse et sans menacer la compétitivité des entreprises. Dans un contexte mondial où la question climatique se voit réduite à des négociations pécuniaires, reflétant une perception d’urgence bien relative, faut-il vraiment se presser pour une transition énergétique au point de la rendre irréalisable et indésirable ? Lorsqu’une stratégie est mal embouchée, il faut savoir modifier radicalement son plan.
Michel de Rougemont, Ingénieur chimiste, Dr. sc. tech, est consultant indépendant. www.mr-int.ch. Par ses activités dans la chimie fine et l’agriculture, il est confronté, sans les craindre, à maints défis liés à la sûreté des gens et l’environnement. Son essai intitulé “Réarmer la raison. De l’écologie raisonnée à la politique raisonnable” est en vente en ligne sur Amazon.
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