PFAS

La poêle en inox prend sa revanche face aux revêtements antiadhésifs toxiques

mai 28, 2024 14:40, Last Updated: mai 28, 2024 19:53
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Elle a failli succomber à l’offensive de la casserole en téflon à la fin du XXe siècle, mais la poêle en inox tient sa revanche avec la polémique qui entoure les « polluants éternels » (PFAS) présents dans les revêtements antiadhésifs.

À Fesches-le-Châtel, dans le Doubs, l’usine Cristel et ses casseroles haut de gamme vendues jusqu’au Japon a le vent en poupe : le numéro un français de l’équipement de cuisine en inox a vu « la demande exploser » depuis l’adoption en avril à l’Assemblée nationale d’une loi restreignant l’usage des PFAS en raison de risques sanitaires et environnementaux, confie son directeur général délégué Damien Dodane.

Le projet de loi doit être examiné à partir de jeudi au Sénat. Il prévoit d’interdire, dès le 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, de fart (pour les skis) ou d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), à l’exception des protections de sécurité.

À la suite d’une intense campagne du groupe Seb, propriétaire des célèbres poêles Téfal, les députés ont renoncé à interdire aussi les revêtements anti-adhésifs dans les batteries de cuisine.

L’inox représente depuis deux mois 70% du chiffre d’affaires de Cristel

Mais le débat a suscité « une véritable inquiétude sur le marché du culinaire », note Damien Dodane, dont l’entreprise vend à la fois de l’inox et de l’anti-adhésif. Si les deux matériaux étaient jusqu’à récemment à parts égales dans les ventes, l’inox représente depuis deux mois 70% du chiffre d’affaires de Cristel.

Sur un tapis roulant bleu, les ustensiles défilent, attendant qu’un ouvrier soude « les oreilles », les petites poignées latérales sur lesquelles viendront se fixer la poignée amovible, signature de Cristel.

L’entreprise est presque bicentenaire si on la considère comme l’héritière de la société Japy, qui produisit sa première casserole en 1826. Avant même la controverse sur les PFAS, elle a bénéficié du confinement lié au Covid-19, malgré le prix de ses produits haut de gamme, vendus entre 90 et 160 euros.

« Les gens se sont inquiétés, pendant le confinement, du matériel qu’ils avaient pour cuisiner », observe M. Dodane. L’entreprise a dû embaucher 24 salariés (ils sont 105 actuellement) et a vu son chiffre d’affaires quasiment doubler, à 20 millions d’euros, contre 12 millions en 2019.

À Fesches-le-Chatel, dans le Doubs, l’usine Cristel a le vent en poupe : le premier fabricant français d’équipements de cuisine en acier inoxydable a vu « la demande exploser » depuis que l’Assemblée nationale a adopté une loi limitant l’utilisation des PFAS en avril. (Photo  SEBASTIEN BOZON/AFP via Getty Images)

Le pari n’était pas gagné d’avance

Cristel exporte désormais le quart de sa production dans 40 pays (dont 7% au seul Japon) et ouvre boutiques et filiales des États-Unis à l’Indonésie. Des données qui font rêver rétrospectivement sa présidente Bernadette Dodane, car le pari n’était pas gagné d’avance.

C’est en 1983 que l’aventure commence. Un groupe d’ouvriers reprend l’usine en faillite de Japy, qui fut l’une des plus grandes entreprises françaises du Second Empire avant de fournir l’armée en casques pendant la Grande Guerre.

Mais la société coopérative de production (Scop) ne décolle pas et une experte-comptable, Bernadette Dodane, est appelée à la rescousse pour apporter sa connaissance de la gestion et trouver un repreneur. Elle rend aux pouvoirs publics un rapport sur la viabilité de l’usine, qu’elle considère comme nulle. « Il n’y avait pas d’avenir », se remémore-t-elle. « Il y avait eu trois faillites judiciaires en huit ans. »

Seule chance de s’en sortir : monter en gamme, « alors que toutes les casseroles se ressemblaient il y a 40 ans ». Elle fait appel… à son mari, Paul Dodane. Dessinateur, technicien concepteur chez Peugeot, il a l’idée qui change la donne : la poignée amovible, qui permet à la casserole de passer avec élégance de la cuisinière à la salle à manger.

Après le succès d’un prototype dans un grand salon, les salariés de la société en péril demandent au couple de reprendre la gérance. En 1987, les Dodane acceptent, hypothéquant leur maison à hauteur de 30% pour sauver Cristel.

« La seule alternative aux polluants éternels, c’est l’inox »

« On peut tout cuisiner dans de l’inox. Cela demande juste une éducation », assure aujourd’hui leur fils Damien Dodane. Chaque année, Cristel dispense ainsi 200 démonstrations culinaires chez ses revendeurs. « C’est notre manière de dire que la seule alternative aux polluants éternels, c’est l’inox. »

Quant à ses propres produits contenant des anti-adhérents au polytétrafluoroéthylène (PTFE), Cristel a créé une activité de rechapage : environ un tiers des équipements est renvoyé à l’usine, où une ligne de production permet de refaire le revêtement. Coût pour le client ? 30% du prix d’achat. Et un produit garanti à vie.

L’inox, qui est en réalité de l’acier inoxydable, n’est pas un très bon conducteur pour la chaleur, mais les fabricants ajoutent souvent, sous l’inox, une couche d’aluminium ou de cuivre pour combler ce défaut. Et à la différence des poêles antiadhésives, il peut être utilisé presque indéfiniment si on en prend soin. « L’acier inoxydable est une prouesse qu’on n’admire pas assez », estime Hervé This, physicochimiste et l’un des inventeurs de la cuisine moléculaire. « Jusqu’au XVIIIeXIXe siècle, la cuisine se faisait dans des pots en terre, très fragiles. Il y a ensuite eu le cuivre qui posait un problème de toxicité avec le vert de gris. Quant au fer, s’il n’est pas toxique, il peut rouiller », rappelle-t-il.

Pour une bonne utilisation de l’inox

Face au problème de l’aliment qui colle au fond de la poêle, Hervé This dédramatise : « En début de cuisson, ça va attacher, mais il faut laisser faire. L’inox n’est pas une surface lisse. Les polymères des aliments vont donc combler les trous du revêtement, puis ils vont former une couche qui va finir par se détacher au cours de la cuisson. » Dès que la couche commence à brunir, elle va en effet se décoller. C’est ce qu’on désigne souvent sous le nom de « réaction de Maillard ». Le fabricant français Cristel, qui commercialise du matériel culinaire, affirme sur son site qu’« il est bel et bien possible d’éviter que les aliments ne collent dans l’inox. Il suffit pour cela d’adopter les bonnes techniques de cuisson ».

Le test de la goutte d’eau

Le plus important serait de savoir à quel moment la poêle est à bonne température avant d’y mettre les aliments. Pour cela, Cristel préconise de réaliser « le test de la goutte d’eau » : chauffer la poêle à feu vif, puis y jeter quelques gouttes d’eau. « Si les gouttes crépitent et glissent sur la poêle, c’est que la température est idéale », écrit le professionnel. Il s’agit là de l’effet Leidenfrost : à partir de 160 °C, la partie de la goutte d’eau qui touche la poêle très chaude se vaporise immédiatement et génère ainsi une fine couche de vapeur qui permet de garder le reste de la goutte d’eau en suspension. Il est alors temps de baisser un peu le feu, et de mettre les aliments à cuire. La matière grasse n’est pas obligatoire. « Si on met beaucoup de gras, certes, ça ne va pas attacher, mais le gras chauffé n’est pas très sain », note Hervé This.

Des dangers néanmoins

Hervé This ne manque toutefois pas de rappeler que ce n’est pas parce qu’on utilise une poêle en inox qu’il n’existe aucun danger : « Dès lors qu’on chauffe très fort, et qu’on va au-delà du “point de fumée”, se dégagent des composés comme l’acroléine, une substance très toxique. » Lors de la cuisson des viandes, d’autres substances apparaissent à partir de 180 °C, comme des amines aromatiques hétérocycliques (AAH), potentiellement cancérogènes. Autrement dit, l’idéal est de varier les modes de cuisson. N’oublions donc pas la cuisson vapeur, la cuisson à l’eau, la cuisson à l’étouffée, la cuisson à basse température…

Résidus incrustés, comment faire ?

Pour nettoyer une poêle en inox, deux méthodes  possibles : le vinaigre ou le bicarbonate de soude.

Vinaigre : verser un volume d’eau et trois volumes de vinaigre dans la poêle. Portez à ébullition puis laissez agir. Utiliser une brosse ou une éponge pour frotter délicatement la poêle et détacher les résidus brûlés. Rincez abondamment pour éliminer les résidus de vinaigre.

Bicarbonate de soude : saupoudrez 1 à 2 cuillères à soupe de bicarbonate sur les zones brûlées de la poêle, puis humidifiez légèrement. Laissez agir pendant un court moment ou chauffez brièvement la poêle avec le mélange de bicarbonate et d’eau pour accélérer le processus. Frottez la poêle avec une brosse ou une éponge pour éliminer les résidus. Rincez soigneusement la poêle à l’eau pour éliminer tous les résidus de bicarbonate de soude.

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