Il n’est pas rare de voir quelqu’un fondre en larmes dans les hôpitaux. Lorsque Guo Zhigong, qui était traité pour une anémie aplasique, a essayé de consoler un autre patient qui pleurait, il ne s’attendait pas à entendre une histoire sur le sombre commerce des transplantations d’organes en Chine.
Le patient, âgé d’une quarantaine d’années, s’inquiétait d’une greffe de rein prévue le lendemain dans la ville de Qingdao, dans l’est de la Chine. L’organe promis provenait d’un prisonnier qui devait être exécuté quelques heures avant l’intervention chirurgicale qui devait lui sauver la vie. Tous les deux avaient déjà fait l’objet d’analyses pour s’assurer de la compatibilité sanguine.
La suite de l’opération a donné lieu à une autre révélation : la famille de la personne exécutée ne semblait pas savoir qu’une partie du corps de leur proche allait être vendue par la police.
L’épouse du patient avait reçu l’ordre de donner l’argent à la police, et Gao s’est souvenu de ce qu’elle lui avait dit. Selon le récit de la femme, la police aurait dit au père du prisonnier exécuté qu’il n’avait pas tous les documents nécessaires pour récupérer le corps. C’était une excuse que la police aurait donnée afin de garder le corps pour ses activités macabres.
« Une fois qu’ils ont récupéré le corps, les organes ont été vendus auprès des hôpitaux », a déclaré Guo, qui vit aujourd’hui au Royaume-Uni, à Epoch Times. « C’est de là que proviennent les reins. »
Cet incident s’est produit au début des années 1990, alors qu’il n’existait pas de système de don d’organes volontaire en Chine. La plupart des reins, foies, cornées et autres organes destinés à la transplantation étaient prélevés sur des prisonniers exécutés, comme l’a admis le régime en 2005. Auparavant, les autorités niaient avoir prélevé des organes sur des détenus exécutés, une pratique critiquée depuis longtemps par les groupes de défense des droits de l’homme, étant donné que les prisonniers n’ont pas la capacité de donner librement leur consentement.
Mais les abus de l’industrie chinoise de la transplantation ne s’arrêtent pas là. Au cours des quinze dernières années, des récits détaillés d’informateurs et des enquêtes approfondies ont montré que des organes avaient été prélevés avant même que les prisonniers ne meurent.
Le récit de Guo vient s’ajouter aux preuves de plus en plus nombreuses des abus systémiques du régime chinois en matière de transplantation qui, au cours des deux dernières décennies, se sont transformés en un système tentaculaire dans lequel des organes sont prélevés sur des prisonniers non-consentants – y compris sur des personnes détenues simplement pour leurs convictions spirituelles, et utilisés pour alimenter le commerce de la transplantation, qui représente plusieurs milliards de dollars dans le pays.
Le commerce de la transplantation d’organes
C’est au cours de l’été 1991 que Guo a rencontré pour la première fois le receveur d’organes. Le patient, un homme souffrant d’urémie, pleurait dans une salle, car il craignait de mourir le lendemain, jour où il devait recevoir un nouveau rein.
Le patient a expliqué à Guo que le rein provenait d’un condamné à mort qui devait être exécuté le jour même.
La transplantation d’organes provenant de prisonniers exécutés était presque un secret de polichinelle à l’époque, bien que les autorités chinoises aient nié cette pratique. Elle était même autorisée par un règlement entré en vigueur en 1984. « Les corps ou les organes des détenus exécutés appartenant aux catégories suivantes peuvent être utilisés si les membres de la famille refusent de récupérer le corps, si les prisonniers se portent volontaires avant l’exécution ou si les familles y consentent », peut-on lire dans le règlement publié par la plus haute juridiction chinoise.
Mais dans la pratique, le règlement n’était qu’une couverture : il y aurait « consentement » quel que soit le désir réel des détenus ou de leurs familles.
« Les autorités policières avaient déjà effectué des tests sanguins sur le condamné à mort et les résultats montraient qu’ils étaient compatibles », a raconté la famille du patient.
Un groupe de policiers était chargé de récupérer le corps destiné au prélèvement d’organes, a expliqué M. Guo.
Ils exigeaient auprès des membres de la famille du patient exécuté qu’ils présentent plusieurs documents ou preuves d’identité et de liens de parenté, ce qui, selon Guo, n’était pas exigé par la réglementation. Il a suggéré que cela faisait partie des efforts visant à s’assurer que le corps du prisonnier puisse être classé comme une dépouille abandonnée afin que la police puisse l’emporter.
Les patients qui reçoivent un organe doivent verser une somme supplémentaire à la police. « C’est ce que m’a dit le membre de la famille du patient », a déclaré Guo. « J’ai également vu la femme du patient emballer de l’argent dans du papier. Elle a dit que c’était pour la police. Le médecin lui a demandé de donner l’argent directement aux agents de la sécurité publique ».
« J’étais très, très triste et très en colère », a déclaré M. Guo lorsqu’il a appris que les hôpitaux étaient « de mèche avec les forces de l’ordre pour obtenir et vendre illégalement des organes de condamnés à mort ».
« Je me suis senti indigné ».
Prélèvement forcé d’organes
Cet homme a bénéficié d’une transplantation rénale réussie, a déclaré Guo, bien qu’un autre patient ayant subi une transplantation au même moment soit décédé au cours de l’opération.
Ces greffes de rein ont été réalisées à l’hôpital affilié de l’université de Qingdao, un grand hôpital de la ville portuaire de Qingdao, dans l’est du pays.
Selon son site web, l’établissement a été l’un des premiers grands hôpitaux de Chine à pratiquer des transplantations d’organes. Le personnel de l’hôpital a confirmé à Epoch Times que les médecins de l’hôpital pratiquaient bien des greffes de rein en 1991.
La première opération de transplantation d’organes en Chine a eu lieu dans les années 1970. Mais jusqu’en 2015, il n’existait pas de système officiel de don et de collecte d’organes. Les Chinois sont réticents à donner leurs organes en raison des croyances traditionnelles qui considèrent le corps comme un don des parents et qui exigent de ne pas y toucher après la mort.
Cependant, au début des années 2000, l’industrie chinoise de la transplantation a connu un essor soudain et mystérieux : les taux de transplantation d’organes ont grimpé en flèche. Des centaines de nouveaux centres de transplantation d’organes ont ouvert leurs portes dans tout le pays. Des multitudes de sites web annoncent des délais d’attente de quelques semaines, voire de quelques jours, pour une greffe d’organe vital, ce qui est sans précédent dans les pays développés qui s’appuient sur un système de dons d’organes volontaires.
Le développement spectaculaire de cette industrie de transplantation a coïncidé avec les débuts de la campagne agressive du régime visant à éliminer le Falun Gong, une pratique spirituelle traditionnelle impliquant des exercices méditatifs et des enseignements moraux fondés sur les principes de vérité, de compassion et de patience.
Cette pratique a connu un gain de popularité dans les années 1990. En six ans, on estime que jusqu’à 100 millions de Chinois l’ont pratiqué, dépassant ainsi le nombre de membres du parti communiste à l’époque. Voyant là une menace pour le contrôle du Parti communiste chinois (PCC) sur le pays, le dirigeant de l’époque, Jiang Zemin, a lancé une persécution brutale visant le Falun et ses pratiquants en juillet 1999.
Depuis lors, des millions de pratiquants ont été jetés dans des centres de détention, où le lavage de cerveau et la torture sont monnaie courante. Pour le régime communiste, cette augmentation du nombre de détenus a également permis de créer un vaste réservoir de donneurs d’organes non-consentants.
En 2019, un tribunal populaire indépendant a conclu que le régime tuait depuis des années des prisonniers « à grande échelle » pour alimenter son marché de la transplantation, et que ce massacre se poursuivait encore aujourd’hui. Les principales victimes, selon le tribunal, étaient les pratiquants du Falun Gong emprisonnés.
Alors que ses pratiques en matière de transplantation font l’objet d’une attention croissante, le régime a mis en place un système officiel de don d’organes en 2015, affirmant qu’il mettrait fin à la pratique consistant à se procurer des organes auprès de prisonniers exécutés. Le tribunal a toutefois constaté que les chiffres relatifs aux dons d’organes ne correspondaient pas au nombre impressionnant de transplantations effectuées.
Briser le silence
Le récit de Guo rejoint celui d’autres personnes qui ont participé ou assisté aux pratiques macabres du régime au cours de la même période.
Bob (un pseudonyme), un ancien agent de la sécurité publique qui était gardien de sites servant pour l’exécution des prisonniers au milieu des années 1990, a vu comment les prisonniers du couloir de la mort étaient transformés en produits destinés à être vendus sur le marché des organes. Il décrit cette pratique comme une chaîne d’approvisionnement « industrialisée » à laquelle participent le système judiciaire, la police et les médecins.
« Le prélèvement des organes des condamnés à mort était un secret de polichinelle », a déclaré Bob, qui vit aujourd’hui aux États-Unis, dans une interview accordée à Epoch Times en 2021. Mais « pour autant que je sache, personne n’a dit aux condamnés à mort que leurs organes seraient prélevés ».
Enver Tohti, chirurgien ouïghour originaire de la région du Xinjiang, à l’extrême ouest de la Chine, a témoigné avoir aidé deux médecins à prélever le foie et les deux reins d’un prisonnier en 1995, sur ordre de son supérieur hiérarchique.
« Ce dont je me souviens, c’est qu’avec mon scalpel, j’ai essayé d’inciser sa peau, et il y avait du sang. Cela indique que le cœur battait encore. (…) En même temps, le patient essayait de résister à mon incision, mais il était trop faible », a-t-il déclaré au tribunal indépendant en 2019.
La dernière preuve en date provient d’une recherche évaluée par des experts et publiée dans l’American Journal of Transplantation en avril 2022. Les chercheurs ont identifié des dizaines d’articles publiés dans des revues médicales en langue chinoise entre 1980 et 2015, dans lesquels des chirurgiens ont prélevé des cœurs et des poumons sans respecter les procédures conventionnelles de mort cérébrale diagnostiquée.
« Ils ont prélevé des organes sur des personnes qui n’étaient pas déclarées mortes, ce qui signifie qu’ils sont devenus des bourreaux », a déclaré le docteur Jacob Lavee, coauteur du rapport et directeur de l’unité de transplantation cardiaque du centre médical Sheba en Israël.
Le nombre croissant de rapports a profondément touché la famille de Guo. « Nous pensons qu’il faut en parler », a déclaré le fils de Guo à Epoch Times. « Cela a hanté mon père pendant plus de trois décennies ».
Mais la décision n’a pas été facile à prendre. Au cours des dernières décennies, de nombreux informateurs qui ont mis en lumière cette pratique macabre l’ont fait sous le couvert de l’anonymat afin de se protéger des représailles du régime.
Prenant son courage à deux mains, M. Guo a expliqué que la décision d’utiliser son vrai nom visait à encourager davantage de témoins à rompre le silence et à mieux faire connaître ces « horribles atrocités ».
« De nombreux pratiquants du Falun Gong ont été soumis à la pratique illégale du prélèvement forcé d’organes en Chine. C’est contraire à l’humanité. »
« J’espère que davantage de personnes seront informées, en particulier celles qui ont vécu des expériences similaires aux miennes ou qui ont eu connaissance de cette affaire. Je vous invite à vous exprimer ».
Guo a ajouté : « Les forces du mal ne vaincront jamais celles du bien. Espérons que Dieu nous accordera la sagesse et nous protégera ».
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