Depuis quelques semaines, l’Assemblée nationale retarde la publication d’un rapport rédigé par la commission des Affaires étrangères, sur la stabilité et le développement de l’Afrique francophone. Les députés y soulignent les maux structurels dont souffrent ces pays et, surtout, l’absence préjudiciable de politique africaine de la France.
Après plus d’un an de travail de recherches et d’enquêtes, les membres de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’apprêtent à publier un rapport sur la situation de l’Afrique francophone aujourd’hui. Tandis qu’est annoncé, depuis plusieurs décennies, le décollage du continent, la réalité diverge sensiblement de l’ « afro-optimisme » qui prévalait chez certains observateurs auparavant.
Bon dynamisme mais mauvais modèle économique
Pourtant, les députés commencent par souligner le bon « dynamisme économique » de cette partie du continent. Avec un taux de croissance moyen de 4,3 % sur les cinq dernières années, l’Afrique francophone fait légèrement mieux que l’Afrique non-francophone – 3,4 %.
D’après Arnaud Buissé, sous-directeur des affaires financières multilatérales et du développement à la Direction générale du Trésor (DGT), « l’Afrique subsaharienne connaît une croissance soutenue et elle est aujourd’hui la deuxième zone de croissance économique au monde derrière l’Asie ». Mieux : le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une hausse de la création de richesse dans les années à venir ; « les prévisions font état d’un dynamisme similaire pour les années à venir, avec des taux de croissance plus élevés pour les pays d’Afrique francophone » d’après les parlementaires français.
Cependant, d’après ces derniers, c’est bien leur « modèle économique » qui influe négativement sur leur développement.
« Les économies, peu diversifiées, reposent encore grandement sur l’extraction des ressources naturelles, le manque d’industrialisation étant général », affirment ainsi les députés. Les pays d’Afrique francophone – au nombre de 21, d’après l’Organisation internationale de la francophonie – souffrent également des crises géopolitiques exogènes, qui influent négativement sur leur croissance. Tandis que les producteurs de pétrole – comme le Gabon – subissent de plein fouet la baisse des prix de l’or noir, les pays dépendant de l’agriculture – au Sahel notamment, en plus de faire face à des conditions climatiques délicates, doivent affronter l’évolution des cours des matières premières.
Au final, d’après le rapport parlementaire, « l’Afrique francophone souffre de maux structurels qui hypothèquent son avenir ». Dans le viseur de la commission des Affaires étrangères, notamment, « la politique africaine de la France qui est dans l’impasse ».
« La politique africaine de notre pays reste à inventer »
Philippe Baumel, député socialiste et rapporteur du présent exercice, met ainsi en cause l’interventionnisme tricolore dans les affaires africaines: « On ne peut se satisfaire d’interventions militaires coûteuses, qui réagissent aux crises, mais qui n’agissent en rien sur leurs véritables causes ». En clair, le gouvernement est accusé de dépenser de l’argent à mauvais escient: « L’aide française au développement rate souvent sa cible, n’est ni cohérente, ni efficace » selon le député de la 3ème circonscription de Saône-et-Loire. « La France a déversé des centaines de millions d’euros au Mali depuis la décolonisation en s’aveuglant, et cet État s’est effondré en 15 jours », poursuit-il en évoquant la partition du pays entre rebelles touaregs et gouvernement malien.
Comme pour asséner un dernier coup fatal aux politiques français qui se sont succédés sur le dossier Afrique francophone, les parlementaires concluent par un laconique : « D’une certaine manière, la politique africaine de notre pays reste à inventer ». Avec une préconisation, cependant: « élever l’aide au développement au rang de pivot structurant » de cette politique. Seul problème: en 2014, l’aide publique au développement (APD) des pays pauvres a diminué pour la 4e année consécutive, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Consultant en géopolitique et relations internationales, possédant une forte expertise Afrique, Philippe Escande intervient essentiellement dans ce périmètre, où il aide les entreprises internationales à acquérir une vision à la fois globale et précise de leur environnement-métier, ainsi qu’à mesurer les risques sur le patrimoine humain et économique.
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