Présent dans la stratosphère – cette partie de l’atmosphère située entre 15 et 30 kilomètres d’altitude au-dessus de la surface du globe – sous la forme d’une couche, l’ozone, gaz bien connu, protège la vie terrestre du rayonnement ultraviolet. Mais lorsqu’il se trouve dans la troposphère – partie la plus basse de l’atmosphère, s’étendant de 8 à 14 kilomètres d’altitude – l’ozone pose problème pour notre santé et celle des végétaux.
Troisième gaz à effet de serre, après le dioxyde de carbone et le méthane, l’ozone constitue en effet l’un des polluants atmosphériques les plus phytotoxiques (toxiques pour les plantes), causant des dommages importants sur les cultures agricoles dans le monde entier.
Un mélange de polluants
Ceci est dû notamment au fait que l’ozone est un polluant atmosphérique secondaire : il n’est pas émis directement mais se forme lorsque d’autres polluants primaires – essentiellement les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO) et les composés organiques volatils (COV), principalement liés à la combustion d’énergies fossiles par les transports, l’industrie et la production d’électricité – subissent des réactions photochimiques dans des conditions ensoleillées.
Le temps nécessaire pour que ces réactions photochimiques se produisent (plusieurs heures) signifie que les concentrations d’ozone sont souvent plus élevées en aval des centres urbains et industriels.
Par conséquent, certaines grandes régions agricoles situées à proximité de ces centres enregistrent fréquemment des concentrations élevées d’ozone, comme le Midwest des États-Unis, une grande partie de l’Europe continentale, les plaines indo-gangétiques – celles de l’Asie du Sud en particulier – et la région côtière orientale de la Chine.
Dans ces régions, les concentrations d’ozone atteignent régulièrement un niveau assez élevé pour affecter la physiologie, la croissance et le rendement des cultures. Il arrive également que le transport hémisphérique de l’ozone et de ses précurseurs entre en jeu et que les émissions d’un continent influencent les concentrations d’une autre région du monde. Les émissions nord-américaines peuvent ainsi affecter les rendements en Europe).
L’ozone pénètre dans les feuilles par les stomates (les pores qui facilitent l’échange gazeux) où il génère, par réaction avec des composants cellulaires, un fort stress oxydatif. Les symptômes incluent aussi bien des lésions foliaires visibles, telles que le jaunissement (chlorose), la tacheture et la mort cellulaire localisée (nécrose), que des changements physiologiques subtils comme le déclin de la photosynthèse et la sénescence prématurée.
Ces effets entraînent logiquement des baisses de rendement des cultures.
Une situation de plus en plus préoccupante
En raison des émissions liées aux activités humaines (dites « anthropiques »), les niveaux d’ozone ont doublé depuis l’époque préindustrielle (au milieu du XIXe siècle). Grâce aux contrôles rigoureux de la qualité de l’air, les pics ont diminué au cours des dernières décennies en Europe et en Amérique du Nord.
Cependant, le « fond d’ozone », qui correspond à la concentration de ce gaz en l’absence de sources anthropiques locales, a augmenté ces dernières années à l’échelle mondiale.
Dans les pays en développement, en particulier en Asie du Sud et de l’Est, les niveaux sont en hausse et cette tendance se poursuivra au moins jusqu’en 2030, à moins que les émissions de précurseurs de l’ozone (NOx et COV) ne soient réduites de manière significative.
Il est important de noter que les régions où les niveaux actuels et futurs sont élevés occupent également une place prépondérante dans l’agriculture et la production alimentaire mondiale ; elles peuvent donc être sensibles à l’insécurité alimentaire.
En Chine et en Inde, la pollution par l’ozone menace déjà la production agricole. En Inde, on estime qu’elle est responsable de quelque 14 % de pertes de rendement pour le blé et 6 % pour le riz.
Des répercussions socio-économiques considérables
L’ozone est donc un facteur à prendre en compte dans les liens entre pauvreté, malnutrition, augmentation de la demande alimentaire et changements climatiques, qui mettent en péril la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans certaines de ces régions.
Il faut également tenir compte du fait que l’instabilité de ces systèmes alimentaires aura des répercussions socio-économiques considérables : sur l’évolution des prix des denrées alimentaires, les revenus agricoles, les comportements des consommateurs ou encore l’équilibre nutritionnel des populations.
Des études montrent que les pertes de récoltes causées par des facteurs environnementaux frappent les agriculteurs en les poussant à s’endetter et en intensifiant leur charge de travail, tout en [entre hommes et femmes] altérant les relations.
Dans le même temps, il est impératif de combler les écarts de rendement dans les régions agricoles actuelles et futures afin d’assurer la sécurité alimentaire mondiale.
Les agriculteurs et les décideurs omettent souvent d’identifier la pollution atmosphérique comme un facteur contribuant à la baisse du rendement des cultures, dans la mesure où les préoccupations relatives à la qualité de l’air concernent généralement les villes et les centres urbains, où la pollution élevée a un impact sur la santé humaine.
Aujourd’hui, il est important que les médias, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement informent au mieux les agriculteurs, le public et les décideurs, en documentant ces risques liés à la pollution par l’ozone, pour identifier par exemple les régions où il est urgent d’agir.
Intégrer la pollution par l’ozone
Conscients de ces défis, les scientifiques doivent envisager d’intégrer ce type de pollution dans les prévisions de rendement des cultures saisonnières. Les chercheurs de l’Institut de l’environnement de Stockholm ont ainsi mis au point des outils d’évaluation des risques et des dommages causés par l’ozone pour les cultures.
Un rapport récent souligne l’importance des réseaux de surveillance dans les zones rurales pour évaluer les concentrations de fond d’ozone et la fréquence des épisodes de forte concentration.
Ce rapport synthétise des informations provenant de quinze réseaux de surveillance de l’ozone (tels que le Programme européen de surveillance et d’évaluation et de données recueillies par des chercheurs indépendants, ou par des réseaux régionaux ou nationaux.
Ces réseaux permettront d’intégrer les informations sur ce type de pollution et de fournir des alertes sur les pics d’ozone (qui durent souvent des jours ou des semaines), afin d’aider les agriculteurs à réduire au minimum les pertes de récoltes grâce à des pratiques de gestion appropriées.
La recherche visant à développer des systèmes agricoles résilients intégrera idéalement dans ses modélisations sur l’adaptation au changement climatique cet aspect ; il s’agira d’éviter les pires effets de la pollution par l’ozone grâce à l’amélioration des pratiques agronomiques et à la sélection des cultures.
Pour dresser un tableau complet du problème et offrir des solutions efficaces, il est indispensable de bien comprendre les liens et les interactions entre la qualité de l’air, le changement climatique, l’agriculture, l’approvisionnement alimentaire et les implications socio-économiques à l’échelle locale, régionale et mondiale.
Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Pour en savoir plus sur les recherches de Divya Pandey, rendez-vous sur le site du Axa Research Fund.
Traduit par Marine Le Pré pour Fast for Word.
Divya Pandey, Research Associate, Stockholm Environment Institute, York, AXA Research Fund; Lisa Emberson, SEI York Centre Director, University of York et Sofie Mortensen, Research Associate, Stockholm Environment Institute
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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