Si le bref compte rendu de l’historien Giorgio Vasari sur le peintre de la Renaissance le Tintoret (1518-1594) est en grande partie une lamentation sur ce qu’il considère comme un mauvais usage du génie, il ne tarit pas d’éloges sur La Présentation de la Vierge au Temple de l’artiste. Vasari (1511-1574) a décrit le tableau comme « une œuvre très achevée » et « le tableau le mieux exécuté et le plus glorieux » de l’église Madonna dell’Orto de Venise.
Peinte entre 1552 et 1556, La Présentation de la Vierge au Temple date d’une quinzaine d’années après le début de la carrière du Tintoret. Selon les critères de la Renaissance, le Tintoret a commencé à travailler assez tard. C’est précisément au milieu de la trentaine que l’artiste autodidacte a surmonté la qualité inégale de ses premières œuvres pour créer régulièrement des chefs-d’œuvre – et il le savait. Jamais modeste quant à ses capacités, le Tintoret entendait les démontrer de la manière la plus audacieuse qui soit.
La toile symbolique du Tintoret
Pour comprendre le tableau du Tintoret, il faut connaître l’histoire de l’enfance de la Vierge Marie. Cette histoire est moins connue dans les sociétés anglophones, en particulier celles qui sont influencées par la croyance protestante selon laquelle la Bible est la seule source de connaissance religieuse. L’histoire a été préservée par la tradition orale où les révélations privées de saints, vivant après l’âge apostolique, ont fourni des versions plus élaborées.
Le sujet du Tintoret provient de sources non bibliques appréciées par les chrétiens de l’Église catholique romaine et des Églises orthodoxes de l’Est. Son tableau a été conçu autour du détail le plus populaire de l’histoire : la petite Marie montant l’escalier sans aide. Lorsque Marie avait 3 ans, ses parents l’ont amenée au temple de Jérusalem pour qu’elle soit présentée à Dieu. À la grande surprise du grand prêtre, Marie a gravi seule le long escalier.
Dans cette composition, Marie se déplace de la droite du tableau vers la gauche, alors qu’elle approche de la fin de son ascension des 15 marches du côté sud du temple de Jérusalem. Les explications de la scène soulignent souvent la corrélation entre le nombre de marches (15) et ce que l’on appelle les « psaumes graduels » (Psaumes 119-133) dans la tradition chrétienne. Le nom de ces psaumes vient des pèlerins qui priaient un psaume par marche en montant le même escalier.
Comme les psaumes graduels, le rosaire catholique traditionnel contient également quinze mystères qui sont priés entre les cinq « dizaines » : cinq mystères joyeux, cinq mystères douloureux et cinq mystères glorieux. Pour les artistes, les mécènes et les fidèles de l’époque du Tintoret, le symbolisme parallèle aurait probablement été évident. Il soulignait le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament.
L’emplacement de Marie constitue un autre symbole marial dans le tableau. L’utilisation de la lumière et de l’ombre par le Tintoret rend sa sainteté évidente pour le spectateur. En peignant les escaliers qui s’élèvent et s’incurvent dans l’obscurité, l’artiste a créé un sentiment de profondeur, attirant le regard au-delà des figures ombragées jusqu’à l’enfant qui se trouve au-dessus. Près du sommet des marches et sur fond de ciel lumineux, Marie est une figure relativement isolée.
Dans la théologie catholique, Marie a été conçue sans le péché originel et a vécu une vie sans péché, ce qui la distingue du reste de l’humanité. C’est elle qui a apporté la « lumière du monde » (le Christ) dans le monde. Le fait de monter en courant les marches vers le représentant sacerdotal de Dieu reflétait son empressement à servir Dieu.
La distance qui la sépare de ses parents – tous deux considérés comme des saints par les églises catholique et orthodoxe – peut symboliser le fait d’être avant tout le monde, sauf le Christ, dans la sainteté. Au bas du tableau, la mère montrant Marie à sa fille rappelle les parents catholiques et orthodoxes qui la prennent comme modèle pour leurs propres filles.
L’escalier raide et imposant du Tintoret – qui suggère l’ascension vers Dieu plutôt que de refléter l’apparence du temple – distingue sa composition de celle du Titien et de da Volterra. L’accent horizontal du Titien et l’équilibre entre l’horizontal et le vertical de da Volterra donnent à leurs œuvres un aspect plus réaliste. Le Tintoret a utilisé la franchise, la force et le drame pour imprégner sa peinture de la signification religieuse de l’événement. C’est pour cette raison que sa « Présentation de la Vierge » est devenue la représentation la plus aboutie et la plus influente du sujet.
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