De la startup qui met la clé sous la porte après avoir dépensé des dizaines de millions d’euros ou de dollars, aux salles de rédaction qui procèdent à des coupes sombres, le journalisme grand public traverse une période vraiment difficile.
Rien qu’aux Etats-Unis, les quotidiens historiques que sont le Los Angeles Times et le Wall Street Journal ont procédé à des licenciements drastiques, qui, selon les experts, témoignent de l’environnement difficile dans lequel évoluent les médias.
Le Los Angeles Times
Le Los Angeles Times a pratiquement fermé son bureau de Washington et licencié 20 % de son personnel, des licenciements qui s’ajoutent à la suppression de 115 postes de journalistes le 23 janvier.
Pour Todd Holmes, professeur et expert des médias à l’université de Californie, en supprimant son bureau de Washington, le LA Times envoie un message dont il n’est peut-être pas conscient : « Les articles sur ce qui se passe à la Maison Blanche et au Congrès ne sont pas prioritaires ». Bien-sûr, ils aimeraient avoir des journalistes sur place pour aller au devant des politiques, mais leur budget ne le leur permet pas.
« Le LA Times est toujours présent sur place, mais de façon très réduite », ajoute-t-il. « De nombreux journaux font de même et n’ont plus un seul journaliste sur place. »
Déjà, l’été dernier, le quotidien avait licencié 13 % de son personnel.
Ces licenciements illustrent l’opposition qui existent entre les journalistes d’un côté, et le riche propriétaire de l’autre.
Le rédacteur en chef du journal, Kevin Merida, qui a démissionné de ses fonctions en janvier, entretenait des relations tendues avec le propriétaire milliardaire Patrick Soon-Shiong.
Selon le L.A. Times, citant plusieurs sources, des conflits sont apparus « au sujet des performances financières insuffisantes du journal, de son incapacité à atteindre les objectifs de croissance du nombre d’abonnés et du temps et des investissements nécessaires pour mener à bien un redressement sans l’apport continu de liquidités de la part de la famille Soon-Shiong ».
Ces tensions avec M. Soon-Shiong semblent d’ailleurs confirmées par M. Merida.
« J’ai pris ma décision sur la base d’un certain nombre de facteurs, notamment des divergences d’opinion sur le rôle d’un rédacteur en chef, sur la manière dont le journalisme devrait être pratiqué et sur la stratégie à suivre », a déclaré M. Merida à son propre journal.
Selon M. Soon-Shiong, le L.A. Times perd entre 30 et 40 millions de dollars par an.
De plus, selon M. Holmes, le journal « a également été fortement affecté par les grèves à Hollywood et les pertes économiques estimées à 7 milliards de dollars qui en ont résulté pour la région de Los Angeles ».
Selon Tim Graham, rédacteur en chef de NewsBusters, la réduction du bureau de Washington témoigne également du pouvoir des agences de presse.
« Il est facile de réduire le nombre de bureaux à Washington parce qu’il suffit de s’en remettre à AP, Reuters ou au Washington Post pour obtenir des informations sur ce qui se passe dans la ville », a-t-il poursuivi.
En outre, continue M. Graham, il y a le facteur Trump.
« Il est évident qu’une des raisons pour lesquelles les organes d’information traditionnels souffrent d’une perte d’audience tient au fait que ceux qui écrivent dans ces journaux ne semblent s’adresser qu’à un public restreint de gens de gauche et non à un public plus large », a-t-il déclaré.
« Il y a eu une hausse des abonnements en faveur des organes de presse qui se sont posés en héros anti-Trump, mais une fois que Trump n’a plus été président, le modèle s’est effondré. »
Le Wall Street Journal
Comme le L.A. Times, le Wall Street Journal a licencié une grande partie de son personnel basé à Washington.
« Le bureau se concentrera désormais sur la politique, la défense, le droit, le renseignement et la sécurité nationale », plutôt que sur le monde des affaires ou sur les relations entre les États-Unis et la Chine, a indiqué la rédactrice en chef, Emma Tucker, dans une note adressée au personnel.
Selon M. Holmes, il y a deux facteurs principaux à prendre en compte.
L’un d’entre eux est la question de la diffusion « en partie due au fait que les gens se tournent vers des services d’information plus spécialisés, y compris ceux qui se concentrent sur un seul secteur ». Un autre facteur est le manque de confiance des gens envers les organismes de presse.
« Le facteur le plus important, cependant, est la baisse des recettes publicitaires, car les annonceurs se tournent vers les plateformes numériques pour placer leurs annonces en raison de leur capacité à mieux cibler des segments de consommateurs spécifiques », a déclaré M. Holmes.
« Cela inclut les annonceurs qui placent leurs publicités sur de grandes plateformes technologiques telles que Google, Meta et X (Twitter). »
« Les journaux doivent donc trouver un moyen d’offrir quelque chose de qualitatif et d’unique, quelque chose que le public ne peut pas obtenir auprès d’autres sources », a-t-il ajouté.
The Messenger
Un cas d’effondrement spectaculaire a secoué le monde journalistique quand le site The Messenger, créé en 2021, a annoncé mettre la clé sous la porte.
La start-up était pourtant parvenue à lever 50 millions de dollars de capitaux avant son lancement. Mais deux ans plus tard le site n’avait réalisé que 3 millions de dollars de recettes. L’entreprise a dépensé des millions pour ouvrir des bureaux à Washington, New York et Los Angeles, ce qui, pour beaucoup, relevait d’un flagrant délit de gaspillage de ressources.
En outre, il a dépensé plusieurs millions de dollars pour son personnel, offrant des salaires supérieurs à la valeur du marché, allant même jusqu’à proposer à quelqu’un plus de 500.000 dollars pour diriger une colonne, et plus de 100.000 dollars pour les frais de déplacements. Au départ, le site comptait 150 journalistes, dont certains très réputés, et donc très bien payés.
Todd Holmes estime que, dans l’ensemble, il s’agit d’un cas d’expansion trop rapide et d’épuisement des liquidités.
« Ils ont embauché trop de journalistes et leurs coûts de main-d’œuvre étaient élevés, alors qu’ils étaient loin de générer les recettes publicitaires nécessaires à la survie de l’entreprise », a-t-il déclaré à Epoch Times.
Il note que l’objectif de l’entreprise de générer 100 millions de dollars de revenus tout en cherchant à attirer 100 millions de visiteurs uniques sur son site en 2024 n’était pas réaliste.
L’effondrement de The Messenger est considéré par certains comme une mise en accusation du paysage journalistique actuel.
« La sagesse populaire veut que toute tentative de créer un site ou un réseau d’information objectif ou non partisan ne soit pas rentable dans le système médiatique fortement divisé d’aujourd’hui », a déclaré Tim Graham à Epoch Times.
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