Les plantations de café sont menacées par les insectes, les maladies et la fragilité génétique, ce qui met en péril la consommation annuelle de 725.000 tonnes de café aux États-Unis.
Carmen Alvarez regarde un caféier de cinq ans et fronce les sourcils. Elle montre les larges taches brunes qui affectent certaines feuilles et explique : « La cendre est bonne pour [traiter] les maladies. »
Mme Alvarez et son mari, Francisco Mamani, travaillent depuis 30 ans avec des plants de café près du parc national d’Amboro, en Bolivie. Au cours de cette période, ils ont connu des revers environnementaux.
Le café a toujours été une plante fragile qui a besoin de microclimats spécifiques pour prospérer. La lutte contre les maladies fongiques et les parasites ne constitue qu’une partie du travail.
La plupart des producteurs des pays de la « ceinture du café » sont rompus à la gestion de ces problèmes, chaque saison apportant son lot de difficultés.
Le marché mondial du café, l’un des produits de base les plus échangés au monde, a été évalué à 131 milliards d’euros l’année dernière, selon Expert Market Research. D’après FairTrade, l’industrie du café emploie environ 125 millions de personnes dans près de 70 pays.
Aux États-Unis, le café représente 2,2 millions d’emplois et génère plus de 100 milliards de dollars de revenus salariaux, selon la National Coffee Association.
Mme Alvarez a déclaré que la saison des pluies et la saison sèche sont de moins en moins prévisibles, surtout depuis quelques années. Par conséquent, les infestations et les maladies affectant le café deviennent plus difficiles à prévoir et à atténuer.
La famille Alvarez, qui exploite une plantation et la société de torréfaction Buenavisteno, n’est pas la seule à connaître cette nouvelle réalité.
La lutte croissante pour obtenir une bonne récolte de « cerises » de café s’inscrit dans une tendance plus large qui touche les producteurs partout dans le monde. À mesure que les conditions météorologiques et les saisons deviennent plus irrégulières, les maladies se répandent, menaçant l’avenir des producteurs du monde entier.
La maladie fongique, connue dans l’industrie sous le nom de rouille des feuilles du caféier, est l’un des principaux fléaux qui affectent le café – en particulier les souches d’arabica – et se propage comme un agent pathogène.
La redoutable rouille des feuilles du caféier a été détectée pour la première fois en Arabie saoudite, un pays qui abritait l’une des rares régions caféières encore exemptes de la maladie, selon une étude publiée en janvier.
La présence de la rouille des feuilles du caféier a été observée pour la première fois en août 2023 dans des plantations du district montagneux de Fyfa. Cette zone se trouve au cœur de la région de production de café d’Arabie saoudite, à Jazan.
Selon le ministère américain de l’Agriculture, les États-Unis importent chaque année 200.000 sacs de 60 kg de café torréfié et moulu en provenance de ce pays du Moyen-Orient.
En raison de l’effet cumulatif de l’augmentation des maladies et des insectes, ainsi que des changements climatiques, une étude publiée dans la revue Science estime que 60 % de toutes les espèces de café sont menacées d’extinction.
Toutefois, ce n’est pas la première fois que des scientifiques considèrent que le café est menacé d’extinction en raison des changements climatiques en constante évolution.
Une étude datant de 2012 indiquait que les souches sauvages d’arabica, réputées pour avoir le meilleur goût, pourraient disparaître bien avant la fin de ce siècle.
Actuellement, la consommation de café aux États-Unis est estimée à 725.000 tonnes par an, selon les données compilées par Cafely.
Une triple menace
Certains acteurs du secteur prévoient une perte importante dans les années à venir.
« Les recherches montrent que le nombre de régions les mieux adaptées à la culture du café sera réduit de moitié au cours des 25 prochaines années environ », a déclaré à Epoch Times, Amanda Archila, directrice générale de Fairtrade America,. L’organisation affirme travailler avec plus de 2 millions d’agriculteurs dans le monde, ce qui lui permet de prendre le pouls des luttes des producteurs de café.
Selon Mme Archila, des pays comme le Brésil, le Vietnam, l’Indonésie et la Colombie sont particulièrement touchés par les changements de température.
« Pour les producteurs de café, cela signifie un changement radical dans leur façon de cultiver – ou de ne pas cultiver du tout », a-t-elle déclaré.
« Certains vont choisir de cultiver des plantes mieux adaptées au nouvel environnement. D’autres vont déménager. D’autres encore abandonneront complètement l’agriculture pour partir à la recherche d’emplois plus stables et plus rentables. »
« Ce que nous savons, c’est que des moyens de subsistance déjà instables sont en jeu et que des familles et des communautés du monde entier sont menacées », a-t-elle ajouté.
Mme Archila a expliqué que les agriculteurs ayant la certification « commerce équitable » en Colombie ont signalé de graves problèmes liés à l’irrégularité des précipitations.
« Ils attendent la pluie pendant des mois. Le soleil est si chaud qu’il assèche leurs puits. Il n’y a alors pas assez d’eau pour irriguer rapidement les cultures », a-t-elle dit.
« Les plantes sont plus petites et plus clairsemées qu’auparavant. Les parasites et les maladies se propagent plus facilement. »
Les plants de café, qui prospèrent dans les climats tropicaux humides, ont naturellement besoin de beaucoup d’eau. Cependant, un excès d’eau peut être tout aussi préjudiciable.
Les fortes pluies, en particulier pendant la saison sèche, peuvent entraîner l’érosion et la perte de nutriments du sol et laisser les systèmes racinaires saturés, et sujets aux maladies et à la pourriture des racines.
Malgré les difficultés, certains n’ont pas l’intention d’abandonner leur exploitation multigénérationnelle.
Mme Alvarez explique que sa famille fait preuve de créativité pour trouver des solutions aux fléaux qui affectent leur production de café.
« Nous préparons différents produits pour soigner les plants et les protéger des maladies », confie-t-elle.
Mme Alvarez décrit un type d’insecte qu’elle appelle « la mineuse du café».
L’insecte creuse dans les plants de café et les tue aussi efficacement que la rouille du caféier.
Lorsque la saison des pluies et la saison sèche étaient stables dans les environs de sa ferme, il était facile de prévoir et de contrôler les « mineuses du café ». Ces insectes faisaient partie des saisons, tout comme les pluies.
Cependant, avec les variations drastiques des précipitations et des températures autour du parc national d’Amboro, les attaques d’insectes sont devenues une bataille quotidienne.
Il y a aussi ce qu’elle appelle « la fonte des semis ».
« La fonte des semis est un fléau. Ce n’est pas comme un coléoptère que l’on peut voir et tuer. Il s’agit simplement d’une météo bizarre. Il pleut alors qu’il ne devrait pas pleuvoir ou il fait froid alors qu’il devrait faire chaud. Il est très difficile de protéger les plantes », déclare Mme Alvarez.
Le terme « fonte des semis » est utilisé dans toute la région de Buena Vista pour décrire l’effet des changements climatiques soudains et irréguliers sur les plants de café.
Mme Alvarez explique que les jeunes plants de moins d’un an paient un lourd tribut, mais elle a remarqué que les périodes plus longues de conditions météorologiques extrêmes commencent à affecter les plants bien établis de 5 ans et plus.
«Cela affecte la tige du café. La plante se dessèche plus rapidement », dit-elle.
Lorsqu’on lui demande comment elle s’occupe du phénomène de la « fonte des semis », elle répond qu’ils essaient encore différentes méthodes. Jusqu’à présent, elle a observé que la cendre de bois fonctionne bien pour les plantes qui tombent malades à cause des changements climatiques.
Outre la cendre, Mme Alvarez explique que sa famille utilise également du savon à lessive, de la chaux et du soufre pour lutter contre les maladies fongiques et les parasites.
« C’est aussi pour cela que nous plantons du [café] Castillo ; il est plus résistant », dit-elle.
Faire pousser des cafés spéciaux
Parmi les plus de 100 espèces de café, toutes appartiennent à l’une des deux familles suivantes : arabica ou robusta.
Les variétés d’arabica sont réputées pour leur goût et contiennent généralement moins de caféine que leurs homologues robusta. Certaines régions productrices de café se concentrent sur la culture exclusive de l’arabica en raison de la grande qualité de ses grains.
Cependant, la source du goût offert par les célèbres variétés d’arabica telles que Typica, Heirloom et Bourbon fait également partie du problème : un manque de diversité génétique.
Toutes les variétés d’arabica pur présentent ce problème, ce qui les rend beaucoup plus fragiles et sujettes aux défis environnementaux que leurs cousins robusta.
Une étude publiée dans la revue Nature en avril a identifié la faible diversité génétique des souches d’arabica comme étant un frein à leur survie, déclarant que « l’étroite base génétique de l’arabica moderne cultivé et sauvage constitue un inconvénient majeur, ainsi qu’un obstacle à sa sélection ».
L’un des auteurs de l’étude, Patrick Descombes, a fait remarquer : « Le café n’est pas une culture qui a fait l’objet de croisements importants, comme le maïs ou le blé, pour créer de nouvelles variétés. Les gens choisissaient principalement une variété qui leur plaisait et la cultivaient. »
« Les variétés que nous avons aujourd’hui existent donc probablement depuis longtemps. »
C’est pourquoi des programmes de sélection du café sont mis en place pour augmenter la variance génétique et créer un café plus « résistant au climat ».
Les variétés robusta sont naturellement plus robustes et plus résistantes aux infections fongiques et aux parasites. Bon nombre des nouvelles espèces de café utilisées dans les pays où la production se fait à petite échelle, comme la Bolivie, sont des hybrides arabica-robusta.
C’est le cas du Castillo, la variété cultivée par Mme Alvarez.
Il s’agit d’un hybride arabica-robusta qui, selon elle, a rapidement gagné en popularité auprès des cultivateurs de Buena Vista, sa ville natale.
Le Castillo a été développé sur cinq générations en Colombie et est aujourd’hui l’une des espèces de café les plus couramment produites dans le pays. Il est largement connu pour ses bons rendements et sa résistance à la rouille des feuilles du caféier.
Alors que les torréfacteurs spécialisés considèrent que les variétés hybrides arabica-robusta telles que le Castillo sont de moindre qualité, Mme Alvarez n’est pas de cet avis. Elle estime que la manière dont le café est torréfié est tout aussi importante que la génétique lorsqu’il s’agit de donner au café une saveur exceptionnelle.
Elle présente un plat de grains fraîchement torréfiés et commente : « C’est du Castillo. Il a une très bonne saveur. »
Malgré les problèmes de survie auxquels le café est confronté, il est prouvé que la plante a résisté à d’importants changements climatiques mondiaux dans un passé lointain.
La modélisation utilisée par les chercheurs de l’université de Buffalo montre que le café arabica, originaire d’Éthiopie, a survécu à une période de « faible population » il y a de cela 20.000 à 100.000 ans.
Cette période coïncide à peu près avec une période de sécheresse prolongée et de climat plus froid qui a touché la même région d’Afrique il y a de cela 40.000 à 70.000 ans.
Si cela peut rassurer les grands amateurs de café, Mme Archila estime que les consommateurs peuvent s’attendre à des hausses de prix à court terme.
« La flambée actuelle du prix du cacao nous donne des indices sur ce qui risque de se passer dans la chaîne d’approvisionnement du café », explique-t-elle.
« Les producteurs de cacao sont confrontés à de faibles rendements. Aujourd’hui, les négociants et les grandes multinationales de l’agroalimentaire paient le cacao au prix le plus élevé de l’histoire et se tournent vers d’autres ingrédients pour créer des produits chocolatés contenant moins de cacao. Les consommateurs en ressentent l’impact sur leur portefeuille. »
L’indice des prix des boissons de la Banque mondiale a atteint en février son plus haut niveau depuis 13 ans, en grande partie à cause de la flambée des prix du cacao et du café robusta.
Une autre analyse des matières premières réalisée par InvestingHaven prévoit que le prix du café doublera d’ici 2025 en raison, notamment, de facteurs liés à l’offre et à la demande.
De retour en Bolivie, Mme Alvarez et d’autres cultivateurs de café près de Buena Vista font de leur mieux pour faire preuve de créativité face aux obstacles environnementaux qui se dressent devant eux.
Avec un soupir, elle déclare en haussant les épaules : « Nous devrons simplement nous adapter et essayer de nouvelles choses. »
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